ÉCOLE NAVALE RUSSE DE BIZERTE. CHRONIQUE 1923.

ÉCOLE NAVALE RUSSE DE BIZERTE. CHRONIQUE 1923.

Dès les premiers mois de l’année 1923, il y eut de nombreux départs et remplacements d’enseignants de l’École Navale, officiellement appelée Orphelinat. L’inspecteur, le capitaine de vaisseau Kolner remplaçant le capitaine de vaisseau Alexandroff depuis 1922, quitta Bizerte pour Paris. Il fut remplacé par l’enseignant I. V. Dembovski. Le capitaine de vaisseau Kititsyne responsable des exercices en rang, quitta Bizerte pour les USA le 18 août comme son aide de camp, le lieutenant de vaisseau N. N. Solovioff qui avait déjà quitté Bizerte bien avant. Le général-major Zavalichine remplaça le capitaine de vaisseau Kititsyne et le lieutenant Lemlein, l’aide de camp.

Mikhail Alexandrovitch Kititzyne, capitaine de frégate lors de la prise de la photo (photo prise en 1917, collection A. V. Plotto)

Capitaine de vaisseau Mikhail Alexandrovitch Kititzyne : c’est un personnage de légende qui quitta Bizerte (Né le 17.09.1885 à Tchernigov, décédé en Floride le 22.8.1960 à Mount Dora). Combattant de la guerre Russo-Japonaise, de la Première Guerre mondiale et de la Guerre civile, il fut sous-marinier et commanda de nombreux sous-marins dont le « Tioulène »  de 1915 à 1917. Un de ses exploits de guerre le plus connu était le combat et la prise d’un navire turc bien mieux armé que le  « Tioulène », et dont les canons étaient servis par des officiers et artilleurs allemands, le « Rodosto ». Par la suite, il arraisonna également un cargo, le « Makhi », envoya par le fond bon nombre de navires et compta 36 victoires. Il fut promu capitaine de frégate pour excellence. En 1917, promu capitaine de vaisseau, il fut détaché à Vladivostok en qualité de commandant d’une compagnie de gardes-marine dans le cadre des Cours spéciaux de gardes-marine. Arrivé à Vladivostok il fut nommé commandant du groupe de la Flottille Sibérienne de formation composée du croiseur auxiliaire « Oriol » et des contre-torpilleurs « Boïkiï » et « Groznyï ». Après bien des péripéties dont le débarquement des révolutionnaires, le groupe de navires passa aux Blancs. Fin 1918, Kititzyne quitta « l’Oriol » et devint le responsable de l’École Navale de Vladivostok qu’il évacua avec les gardes-marine en 1920 à bord de « l’Oriol » et du « Yakout ». Arrivé à Doubrovnik, il rendit « l’Oriol », navire réquisitionné, à son propriétaire et prit le commandement du « Yakout » pour rejoindre Sébastopol.

Mikhail Alexandrovitch Kititzine aux USA

Aux USA, il travailla en qualité de chauffeur de taxi puis obtint la nationalité américaine, passa un diplôme d’ingénieur des Travaux Publics et travailla dans ce domaine aux USA et Colombie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il travailla dans un entrepôt de mines dans l’État de Virginie.

Il fut membre de l’Association des anciens officiers de la Marine russe en Amérique.

Décorations : Saint-Stanislas de 3-e classe, Saint-Anne de 3-e classe, Saint-Anne de 4-e classe pour bravoure, glaives et ruban pour Saint-Anne de 3-e classe, Saint-Stanislas de 2-e classe avec glaives et ruban, Saint Georges de 4-e classe, Saint- Vladimir de 4-e classe avec glaives et rubans, Sabre de saint Georges pour courage.

Le 17 juin 1923, 35 cadets1D’autres sources mentionnent 33, nous en recensons 34 de la 4-ème section furent promus gardes-marine junior 2certains, après examen de repêchage qui s’est tenu plus tard

Liste des gardes-marine promu le 17 juin 1923 (certains après repêchage)

La plupart d’entre eux provenait de l’École navale de Sébastopol et ils reçurent une formation navale suffisante complétée par des cours de pilotage sur le « Moriak », cursus qui se termina le 27 septembre 1923. A partir du 27 septembre 1923, le navire-école « Moriak » fut désarmé par les gardes-marine.

Quinze gardes-marine juniors furent affectés à l’Escadre3 Ordre N°150 du 24 juillet avec un salaire de 40 F/mois. Sept furent affectés au « Alexeeff », cinq sur le croiseur « Korniloff » et trois sur le croiseur « Almaz ». Treize autres suivirent des cours de préparation de mathématiques et de français pour entrer dans des établissements d’enseignement supérieur et sept resteront dans l’École Navale en qualité de sous-officiers.

Après le 17 juin 1923, la cinquième compagnie devint la quatrième.

En été 1923, les élèves-officiers qui avaient des familles, les rejoignirent et les autres, en accord avec les autorités militaires françaises, furent envoyés du 15 juillet au 15 septembre en vacances au camp de Remel. La mer, les bains quotidiens, les promenades à bord de barques furent bénéfiques à la santé de ces jeunes gens. Des courses en chaloupes sous voiles furent organisées, courses qui passionnaient les officiers et les gardes-marine.

La fête de l’École Navale fut célébrée le 6 novembre 1923. Tous les officiers de la marine issus de l’École Navale ainsi que les ingénieurs-mécaniciens issus de l’École d’Ingénierie Naval se rassemblèrent. Après un molébène célébré par le père Mikhailovski, une parade fut organisée, mais seule une section put être rassemblée en raison du départ de la plupart des élèves. C’était la dernière parade des élèves-officiers. Elle fut suivie par un repas solennel avec une minute de silence pour les morts, par la lecture des télégrammes reçus du monde entier, par des toasts portés à la grande-duchesse Maria Pavlovna Présidente d’Honneur du Comité de Soutien de l’École Navale, au général Wrangel, au vice-amiral Kedroff et au contre-amiral Berens.

LE JOURNAL SIGNAL, ÉDITÉ A BIZERTE PUIS A PARIS.

En 1923, 47 gardes-marine de vaisseau de la promotion du 6 novembre 1922 de l’École navale, prirent la décision de créer un journal nommé Signal dont le premier numéro fut édité en septembre 1923. Le but de ce journal était de conserver l’esprit de groupe et le contact avec la Flotte. Le signal dont il était question était la lettre Ц qui signifiait : retour à son poste ce qui sous-entendait retour dans le groupe. Le premier rédacteur fut le garde-marine de vaisseau Ivan Stépanovitch Vichnevski.L Le journal fut rédigé et édité sur le contre-torpilleur « Pylkiï ». Les premiers numéros furent écrits à la main ou dactylographiés et artistiquement dessinés. Le premier numéro parut le 6 septembre 1923, puis au moins 7 numéros suivirent.

Couverture du journal Signal de Janvier 1924
Couverture du journal Signal N° 7 de Septembre 1924.
Couverture du journal N° 8 d’octobre 1924.

Par la suite, la plupart des rédacteurs du journal partirent en France et un dernier numéro d’adieu fut édité en France mais le projet fut à nouveau réactivé par la diffusion d’un numéro X en 1927 à l’occasion du suicide du garde-marine Borissoff en 1927. Les rédacteurs furent les gardes-marine de vaisseau Tsvetkoff et Pokotiloff.

Couverture du journal Signal N° X.

Par la suite le N° 1 fut édité à l’aide d’un procédé lithographique. Il était destiné non seulement aux gardes-marine mais aussi aux officiers de la Marine. Le N° 2 fut imprimé en 500 exemplaires. Puis l’édition du journal s’arrêta pour des raisons inconnues. 4Vraisemblablement pour des raisons financières.

Seconde page du journal Signal N° 2 de 1928 (la première étant la page de couverture du N° X)

La totalité des journaux en notre possession, le N° 6 de janvier 1924,  7 de septembre 1924, 8 d’octobre 1924, le N° X de 1927 et le N° 2 de 1928 figurent dans la rubrique Bibliothèque de la partie russe de ce blog.


  • 1
    D’autres sources mentionnent 33, nous en recensons 34
  • 2
    certains, après examen de repêchage qui s’est tenu plus tard
  • 3
    Ordre N°150 du 24 juillet
  • 4
    Vraisemblablement pour des raisons financières.

2 réflexions sur « ÉCOLE NAVALE RUSSE DE BIZERTE. CHRONIQUE 1923. »

  1. Bonjour, et merci de partager ces précieuses informations.
    Leonid GORODNITCHENKO Mikhailovitch était mon grand-père, et Alexandre GORODNITCHENKO Mikhailovitch mon grand-oncle.
    Ils faisaient donc partit de la promotion de gardes-marine junior du 17 juin 1923.
    Ils étaient les fils de Michel (Mikhail) GORODNITCHENKO, officier qui servit sur le « Souvenir de Mercure » (Память Меркурия), navire jumeau de l’Otchakov et de l’Oleg.
    Avec sa femme Alexandra AKIMOFF ils eurent 2 autres fils, Michel et Zacharie, dont j’ai encore peu d’informations.
    Peut-être quelqu’un aurait des informations supplémentaires? En attendant je continue d’éplucher les articles de votre blog. Encore merci.

    1. Bonjour,

      Voici quelques informations succinctes :

      Gorodnichenko Mikhail Klementievich, 18.12.1881, aspirant mécanicien (06.09.1904). Affecté au croiseur « Avrora », mécanicien subalterne de septembre 1904 (au plus tôt) à mai 1905. Combattant de la Première Guerre mondiale. Promu capitaine en Amirauté pour excellence en temps de guerre (23.01.1917). Dans les FASR (Dénikine) et l’Armée russe (Wrangel) dans la flotte de la Mer Noire jusqu’à l’évacuation de Crimée. Il sert sur le « Guénéral Alexeev » puis affecté au Navire-atelier « Cronstadt » le 22/1/1920. Lieutenant Colonel en Amirauté. Il part pour Bizerte en novembre 1920 comme mécanicien principal du navire-atelier « Cronstadt ». Colonel d’après des listes de 1923. Fin 1923 part pour la France , chauffeur de taxi, retourne à Tunis en 1930, travaille dans les mines de phosphate. + en 1950 à Metlaoui.

      Son épouse se nommait Alexandra Mikhailovna née Akimov.

      Enfants :

      Alexandre : né le 16 août 1908. École Navale de Sébastopol. Il suit la famille à Paris. Travaille dans le cinéma, chauffeur de taxi. En 1930 suit la famille à Tunis. Combattant de la Seconde Guerre mondiale. Directeur d’hôtel. + en 1962 en Tunisie.

      Mikhaïl né à Sébastopol. En 1920, sur le croiseur « Guénéral Korniloff », il suit la famille à Bizerte, École navale, il suit la famille à Paris, s’engage dans la Légion étrangère, + à Hanoï d’après d’autres sources au Tonkin en 1943.

      Léonide, né le 2 mai 1904 à Dvinsk, volontaire de la flotte en 1919, affecté au Cronstadt, en 1920, École Navale de Sébastopol, École navale de Bizerte, en 1923 il suit la famille à Paris, chauffeur de taxi, retourne à Tunis en 1930, combattant de la Seconde Guerre mondiale,+ en 1989 à Nîmes. Épouse : Olga, une fille Olga. Seconde épouse : Olga, une cousine, deux filles d’un premier lit, Nina et Lara. Un fils Léonide. La famille retourne à Tunis. Léonide divorce, Olga vit à Strasbourg.

      Il existait un quatrième Gorodnitchenko Zakhari Silvestrovitch (enfant adoptif ou une autre famille?) né 1901 environ, matelot sur le Cronstadt, achève l’École navale de Bizerte en 1922. Affecté au croiseur « Guénéral Korniloff ».

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