L’ECOLE NAVALE RUSSE DE BIZERTE. CHRONIQUE. ANNEE 1922.

L’ECOLE NAVALE RUSSE DE BIZERTE. CHRONIQUE. ANNEE 1922.

Le 31 janvier 1922, après une réunion au fort du Djebel Kébir des officiers et élèves de l’École navale de Vladivostok, décision fut prise de créer le Cercle de l’École navale de Vladivostok et d’éditer un journal. Le journal fut nommé Journal du cercle de l’École navale de Vladivostok. Le capitaine de vaisseau Kititsine fut nommé président. Les premiers membres furent le lieutenant Meyerer, le mitchman Alitovskiï (trésorier), le garde-marine supérieur Daniouchevskiï et le mitchman Makoukhine (secrétaire du cercle). Les numéros de janvier 1922 et de février 1922 furent édités à Bizerte puis deux autres suivirent en mars 1922 et avril 1922, mais ils furent édités à Belgrade d’une part, en raison des difficultés à l’éditer à Bizerte et d’autre part, en raison des départs de nombreux élèves du Cercle en Serbie. De nombreux témoignages de la vie à Bizerte et à l’École navale figuraient dans ce journal.

Couverture du N°4 du journal du Cercle de l’École navale de Vladivostok.
Tables des matières du journal N°1 du Cercle de l’École navale de Vladivostok.

Le 27 janvier 1922,  le  préfet maritime Varney informa1lettre N° 120 l’état-major de l’Escadre russe de nouvelles  dispositions préconisées par le Ministère de la Marine pour diminuer les dépenses. Il s’agissait d’avancer l’achèvement des études de la deuxième et de la troisième compagnie au 1-er novembre 1922 ainsi que d’une réduction du personnel de l’école, proportionnelle au nombre de gardes-marine ayant terminé les études.

Le 2 mars 1922 sur ordre de l’amiral Kedrov,2N° 56 32 gardes-marine supérieurs de la 1-ère compagnie nommée première compagnie de Vladivostok furent promus garde-marine de vaisseau puis sur un autre ordre,3N° 57 il  y eut par la suite encore deux compagnie de gardes-marine promus.

Première compagnie de Vladivostok :

Première compagnie de Vladivostok au fort du Djebel Kébir. Au centre les lieutenants de vaisseau Pomaskine et Von Briscorne.

L’amiral Kedrov et le capitaine Dmitrieff  obtinrent des bourses  pour la plupart des élèves-officiers afin qu’ils puissent continuer les études dans des écoles d’enseignement supérieur.

Une trentaine de garde-marine de vaisseau partirent pour Toulon à bord du « Ven Long » puis continuèrent le voyage en train pour effectuer des études à Prague. Ils furent accompagnés jusqu’à la frontière allemande par le capitaine de vaisseau Kititzine.

Le  10 mai 1922, le préfet maritime évoqua4Lettre N° 146 D la fermeture de l’École navale. On fit alors passer les examens aux  élèves de la deuxième compagnie à partir du 15 mai alors qu’il était prévu qu’ils terminent leurs études au 1-er juillet 1923. Les cours de la troisième compagnie furent accélérés afin qu’elle termine les études au 1-er novembre 1922 alors qu’il était prévu qu’elles ne s’achèvent  qu’au printemps 1924.

L’ex attaché navale de Russie, le capitaine de vaisseau Dmitrieff, mis au courant au préalable par l’état-major français de la fermeture de l’Ecole navale, adressa une lettre le 8 mai au Ministre de la Marine pour demander de maintenir le budget de l’Ecole navale en mettant l’accent sur le fait que la presque totalité des élèves étaient des orphelins de guerre.

Lettre de l’ex attaché naval Dmitrieff au Ministre de la Marine concernant la fermeture de l4ecole navale russe de Bizerte (SHD de Vincennes 1BB7) Page 1
Lettre de l’ex attaché naval Dmitrieff au Ministre de la Marine concernant la fermeture de l4ecole navale russe de Bizerte (SHD de Vincennes 1BB7) Page 2.

Le 20 juin 1922 le préfet donna l’ordre à la première compagnie de quitter Djebel Kébir au 1-er juillet ainsi qu’au personnel de l’école correspondant à cette réduction d’élèves soit 31 personnes. Puis, suite à de nouvelles instructions, on autorisa à 19 gardes-marine à prendre la place de marins qui venaient de quitter l’escadre et également à 45 gardes-marine, en sus du quota de 311 personnes, à rejoindre l’escadre. 

65 gardes-marine supérieurs de la deuxième compagnie furent promus le 5 juillet 1922 gardes-marine de vaisseau5Ordre 145 du 5 juillet 1922 après des cours accélérés et la plupart furent transférés dans l’escadre sur les navires en plus des quotas en attendant leur départ. Cette deuxième compagnie fut nommée 2-ème compagnie de Sébastopol.

Deuxième compagnie de Sébastopol :

Deuxième compagnie de Sébastopol. Assis au centre les capitaines de vaisseau Alexandroff, Kititsine, Kolner et le mitchman Parfionoff.

Le garde-marine de vaisseau Piotr (Pierre) Varnek6Fils du général-lieutenant en l’amirauté Alexandre Ivanovitch Varnek, explorateur polaire. de la deuxième compagnie de Vladivostok, chevalier de la Croix de saint Georges, demanda son admission à l’École navale Française par l’intermédiaire de l’ex attaché navale Dmitrieff. Il acheva les cours mais n’ayant pas pris la nationalité française, il ne servit pas dans le marine française. Il laissa par la suite de très nombreux ouvrages littéraires.7Son premier ouvrage en langue russe fut Le Nord russe dans la Première Guerre mondiale («Русский Север в Первой мировой Войне»), publié entre 1948 et 1950. Plus tard, il participa à la rédaction d’un ouvrage collectif  » Le berceau de la marine  » (Колыбель флота) publié en 1952. Par la suite, il publia un ouvrage « Opérations navales en mer Noire pendant la Seconde Guerre mondiale »(«Военно-морские действия на Черном море ео Вторую мировую бойну»)  publié en 1960-1962). Pierre Alexandrovitch intervenait régulièrement dans les périodiques de l’émigration comme Le passé militaire (Военная быль) et rédigeait les récits des opérations navales de la Première Guerre mondiale ainsi que ceux de la guerre civile, de l’évacuation, de Bizerte. Beaucoup ont été réédités en Fédération de Russie notamment dans la série en langue russe « La Russie oubliée et inconnue ».

Lettre de l’ex attaché Naval Dmitrieff au ministre de la Marine demandant l’admission du garde-marine Varnek dans l’Ecole navale française (SHD de Vincennes 1BB7) Page 1.

Lettre de l’ex attaché Naval Dmitrieff au ministre de la Marine demandant l’admission du garde-marine Varnek dans l’Ecole navale française (SHD de Vincennes 1BB7) Page 2.

Cette demande d’admission fut suivie par une seconde, celle du garde-marine de vaisseau Afanassieff, fils de l’amiral Afanassieff,8Chevalier de l’ordre national de la Légion d’honneur (France) qui fut acceptée. L’enseigne de vaisseau Afanassief  servit par la suite sur le contre-torpilleur Chacal. Le Chacal fur bombardé par l’aviation allemande lors de l’évacuation de Dunkerque le 24 mai 1940. L’enseigne de vaisseau mourra pour la France ce même jour en tentant de rejoindre la côte sur un radeau de fortune avec d’autres marins.9Les circonstances de la mort de l’Enseigne Afanassieff figurent dans l’ouvrage du Commandant Maurice GUIERRE «10 11Marine-Dunkerque mon équipe au combat » Deuxième partie, chapitre VI, pages 188, 189, 190, 22 Mai 1940 dont voici l’extrait :
«
12de Charybde en Scylla. Le double drame de Gris-Nez… Comment n’eussent-ils pas tendu vers le promontoire de Gris-Nez des regards chargés d’espoir, les rescapés du contre-torpilleur « Chacal » qui, d’une part crevé par les bombes d’avions ennemis et l’avant en flammes, d’autre part encadré par les salves des batteries allemandes, allait, d’un instant à l’autre sombrer dans le gouffre d’eau, d’acier et de feu ? Le Commandant, le Capitaine de frégate Estienne, grièvement blessé à son poste, avait ordonné l’évacuation du navire; près de lui, le second-maitre timonier Cabon, un bras arraché, n’en avait pas moins continué son service. Une salve l’ayant jeté bas, Estienne, étourdi, aveuglé par le sang, s’était laissé glisser sur la teugue; tombé à l’eau, il avait été soutenu par des marins pendant deux ou trois heures, avant d’être hissé sur le chalutier « Messidor », accouru sur les lieux en même temps eue l’aviso « Arras » qui avait pu sauver 27 hommes avant que le tir ennemi ne l’obligeât à s’éloigner. Restaient à bord, sur l’arrière, 26 hommes et officiers.Il s’agissait de faire vite, car sur l’avant en flammes, les soutes à munitions n’avaient pu être noyées. Le lieutenant de vaisseau Bourély, officier en second, commande Maintenant. Près de lui, le lieutenant de vaisseau Georgelin, officier canonnier, auquel un éclat a ouvert le bras jusqu’à l’os, les enseignes Basseras, Afanatieff, les ingénieurs mécaniciens Crevelier, et Audemard, tous deux durement touchés, le commissaire Descombes, blessé aussi. Un état-major qui a sévèrement « écopé » mais qui garde tout l’allant nécessaire pour sauver un équipage qui, lui non plus, n’a pas été épargné, et n’en a pas moins conservé un magnifique moral. Plus rien à faire pour le bateau, mais il faut à tout prix conduire à terre les rescapés.
– Amenez le youyou, Basseras ?
C’est vite fait.
– Georgelin, embarque avec trois hommes valides et le plus possible de blessés.
Les plus touchés d’entre eux sont étendus avec précaution au milieu du youyou; les autres suivent; l’embarcation est pleine à couler bas; jamais youyou ne reçut pareille charge de douleur humaine.
Fort heureusement, l’enseigne de vaisseau Afanatieff s’est employé à confectionner un radeau avec des bidons et des planches. Le reste de l’équipage, conduit par le lieutenant de vaisseau Georgelin, vient y chercher une chance indécise de salut.
– Poussez, poussez youyou, remorquez-nous l
Déjà les munitions sautent dans le parc avant du « Chacal » en flammes. L’aviso « Arras » aperçoit les sinistres, fait route vers eux, mais est refoulé par le tir des batteries allemandes. Il ne reste plus au youyou et au radeau qu’à faire route sur la côte qui dessine dans la brume matinale son ruban d’espoir.
Il y a sept milles à parcourir; en propulsant avec deux avirons et toutes les mains valides, utilisant le courant, les naufragés mettront six heures pour arriver à l’anse du Crapoulet; cinq d’entre eux (dont l’enseigne de vaisseau Afanatieff) saisis par le froid, paralysés par la fatigue, ont disparu au cours de la traversée. »

Lettre de l’ex attaché Naval Dmitrieff au ministre de la Marine demandant l’admission du garde-marine Afanassieff dans l’École navale française (SHD de Vincennes 1BB7) Page 1.
Lettre de l’ex attaché Naval Dmitrieff au ministre de la Marine demandant l’admission du garde-marine Afanassieff dans l’École navale française (SHD de Vincennes 1BB7) Page 2.

Après le départ de la deuxième compagnie de Djebel Kébir, la cuisine fut transférée à Sfaïat où furent pris les repas.

57 garde-marines supérieurs de la troisième compagnie qui ne devaient terminer les études qu’au printemps 1924 furent promus gardes-marine de vaisseau en novembre 1922.13Ordre pour l’École navale du 19 novembre 1922Six personnes furent promues un peu plus tard. Il s’agissait des derniers gardes-marine issus de l’École navale russe qui suivirent le cursus accéléré jusqu’au bout. 

3-ème compagnie de l’École navale :

Troisième compagnie de l’École navale, assis au centre le commandant de la compagnie, le capitaine de frégate Ostolopoff

Dès le 20 octobre 1922, 17 gardes-marine de vaisseau de cette promotion furent intégrés dans l’escadre dans le cadre des quotas et furent payés 40 F par jour alors que 47 hors quotas ne reçevaient que 10 F par jour.  Le 10 octobre 1922, 10 autres garde-marines de cette  promotion ainsi que 15 de la promotion précédente quittèrent Bizerte pour la France pour continuer les études à la Sorbonne ou ils furent admis grâce à l’intervention du capitaine de vaisseau Dmitriev.

Les effectifs des enseignants et des instructeurs furent réduits au prorata des réductions d’élèves.

Le 1-er octobre 1922, le navire-école « Moriak » achèva la campagne de formation et fut placé en longue conservation dans la baie de Karouba et à partir de ce moment tous les cadets furent régroupés à Djebel Kebir.

Le 19 novembre 1922, le 221-ème jubilé de l’Ecole naval Russe fut célébré après le molébène, par une parade avec orchestre et lecture de l’ordre de promotion des gardes-marine de vaisseau par le commandant de l’escadre Kedrov (N°297 du 19 novembre) et l’amiral Guérassimov. Des toasts furent prononcés lors d’un diner organisé dans un des baraquement de Sfaïat qui fut suivi d’un bal nocturne.

Il ne restait à cette date dans l’École navale que 4 compagnies et des discussions furent menées à Paris pour maintenir cette école qui donnait de bons résultats.

Le 30 octobre 1922, l’École navale fut visitée par le maréchal Pétain accompagné du préfet maritime. Les honneurs militaires furent rendus et le maréchal se montra favorablement impressionné par la tenue des élèves. Les fusils retirés par les autorités françaises au tout début de l’organisation de l’École furent rendus sur l’initiative du maréchal et furent rangés en faisceaux dans les dortoirs par manque de place.

Visite du Maréchal Pétain au fort du Djebel Kébir (Le maréchal est au centre, à droite, l’amiral Guérassimov, commandant de l’Ecole navale et le préfet maritime Exelmans)

Le 17 décembre 1922, le préfet maritime reçu un courrier14N° 8327dans lequel on demandait la fermeture de l’École navale et son remplacement par un orphelinat du type « établissement d’enseignement » dont les effectifs devaient être réduits au maximum. Cet orphelinat devait être organisé sur le « Guéorguiï Pobedonossets ». L’âge limite des orphelins était de 16 ans et les élèves de plus de 16 ans devaient rechercher un emploi avec l’aide des structures de la marine et du résident français. Il était précisé que les enseignants libérés par ces mesures devaient être transférés sur le « Guéorguii Pobedonossets » et trouver un emploi dans un délai de trois mois.

L’amiral Berens et le préfet maritime Exelmans, réagirent à ces nouvelles alarmantes en transmettant, chacun de son côté un courrier à Paris pour s’opposer à ces mesures et conserver l’Ecole navale.

En retour, l’amiral Berens reçu des informations rassurantes du capitaine de vaisseau Dmitrieff : l’Orphelinat de la Marine restera à Djebel Kébir mais sera rattaché pour des raisons administratives au « Guéorgui Pobedonossets » . En fait, il était prévu que l’École navale change seulement d’appellation et soit rattaché pour l’approvisionnement et l’alimentation au  « Guéorguii Pobedonossets ». L’âge limite de 16 ans fut repoussé à 18 ans. Il ne s’agissait donc que d’un habillage et le problème de l’âge limite fut résolu en officialisant un âge fictif des élèves.

Les listes des élèves furent par la suite rédigées de la manière suivantes :

Corps de cadets de l’Ecole navale au 1er janvier 1925.15Extrait d’une liste placée sur le forum d’historien de la Marine, Kortic. Remerciements à Triton.

4ème compagnie :

  1. Georgiï Borodine, âge fictif – 16½ ans (né le 16 novembre 1905 soit 19 ans 1½ mois).
  2. Victor Verigo, âge fictif – 16¼ ans (né le  1er septembre 1905 soit 19 ans et 4 mois)
  3. Georgui Damjanski, âge fictif – 16 ans (né le 19 décembre 1906 soit 18 ans)
  4. Evgeny Zavalichin, âge fictif – 16 ans (né le 21 septembre 1907soit 17 ans 3½ mois)….

Ces mesures furent confirmées par un courrier du 22 décembre 192216N° 8878 du Ministre de la Marine au préfet.


  • 1
    lettre N° 120
  • 2
    N° 56
  • 3
    N° 57
  • 4
    Lettre N° 146 D
  • 5
    Ordre 145 du 5 juillet 1922
  • 6
    Fils du général-lieutenant en l’amirauté Alexandre Ivanovitch Varnek, explorateur polaire.
  • 7
    Son premier ouvrage en langue russe fut Le Nord russe dans la Première Guerre mondiale («Русский Север в Первой мировой Войне»), publié entre 1948 et 1950. Plus tard, il participa à la rédaction d’un ouvrage collectif  » Le berceau de la marine  » (Колыбель флота) publié en 1952. Par la suite, il publia un ouvrage « Opérations navales en mer Noire pendant la Seconde Guerre mondiale »(«Военно-морские действия на Черном море ео Вторую мировую бойну»)  publié en 1960-1962). Pierre Alexandrovitch intervenait régulièrement dans les périodiques de l’émigration comme Le passé militaire (Военная быль) et rédigeait les récits des opérations navales de la Première Guerre mondiale ainsi que ceux de la guerre civile, de l’évacuation, de Bizerte. Beaucoup ont été réédités en Fédération de Russie notamment dans la série en langue russe « La Russie oubliée et inconnue ».
  • 8
    Chevalier de l’ordre national de la Légion d’honneur (France)
  • 9
    Les circonstances de la mort de l’Enseigne Afanassieff figurent dans l’ouvrage du Commandant Maurice GUIERRE
  • 10
  • 11
    Marine-Dunkerque mon équipe au combat » Deuxième partie, chapitre VI, pages 188, 189, 190, 22 Mai 1940 dont voici l’extrait :
    «
  • 12
    de Charybde en Scylla. Le double drame de Gris-Nez… Comment n’eussent-ils pas tendu vers le promontoire de Gris-Nez des regards chargés d’espoir, les rescapés du contre-torpilleur « Chacal » qui, d’une part crevé par les bombes d’avions ennemis et l’avant en flammes, d’autre part encadré par les salves des batteries allemandes, allait, d’un instant à l’autre sombrer dans le gouffre d’eau, d’acier et de feu ? Le Commandant, le Capitaine de frégate Estienne, grièvement blessé à son poste, avait ordonné l’évacuation du navire; près de lui, le second-maitre timonier Cabon, un bras arraché, n’en avait pas moins continué son service. Une salve l’ayant jeté bas, Estienne, étourdi, aveuglé par le sang, s’était laissé glisser sur la teugue; tombé à l’eau, il avait été soutenu par des marins pendant deux ou trois heures, avant d’être hissé sur le chalutier « Messidor », accouru sur les lieux en même temps eue l’aviso « Arras » qui avait pu sauver 27 hommes avant que le tir ennemi ne l’obligeât à s’éloigner. Restaient à bord, sur l’arrière, 26 hommes et officiers.Il s’agissait de faire vite, car sur l’avant en flammes, les soutes à munitions n’avaient pu être noyées. Le lieutenant de vaisseau Bourély, officier en second, commande Maintenant. Près de lui, le lieutenant de vaisseau Georgelin, officier canonnier, auquel un éclat a ouvert le bras jusqu’à l’os, les enseignes Basseras, Afanatieff, les ingénieurs mécaniciens Crevelier, et Audemard, tous deux durement touchés, le commissaire Descombes, blessé aussi. Un état-major qui a sévèrement « écopé » mais qui garde tout l’allant nécessaire pour sauver un équipage qui, lui non plus, n’a pas été épargné, et n’en a pas moins conservé un magnifique moral. Plus rien à faire pour le bateau, mais il faut à tout prix conduire à terre les rescapés.
    – Amenez le youyou, Basseras ?
    C’est vite fait.
    – Georgelin, embarque avec trois hommes valides et le plus possible de blessés.
    Les plus touchés d’entre eux sont étendus avec précaution au milieu du youyou; les autres suivent; l’embarcation est pleine à couler bas; jamais youyou ne reçut pareille charge de douleur humaine.
    Fort heureusement, l’enseigne de vaisseau Afanatieff s’est employé à confectionner un radeau avec des bidons et des planches. Le reste de l’équipage, conduit par le lieutenant de vaisseau Georgelin, vient y chercher une chance indécise de salut.
    – Poussez, poussez youyou, remorquez-nous l
    Déjà les munitions sautent dans le parc avant du « Chacal » en flammes. L’aviso « Arras » aperçoit les sinistres, fait route vers eux, mais est refoulé par le tir des batteries allemandes. Il ne reste plus au youyou et au radeau qu’à faire route sur la côte qui dessine dans la brume matinale son ruban d’espoir.
    Il y a sept milles à parcourir; en propulsant avec deux avirons et toutes les mains valides, utilisant le courant, les naufragés mettront six heures pour arriver à l’anse du Crapoulet; cinq d’entre eux (dont l’enseigne de vaisseau Afanatieff) saisis par le froid, paralysés par la fatigue, ont disparu au cours de la traversée. »
  • 13
    Ordre pour l’École navale du 19 novembre 1922
  • 14
    N° 8327
  • 15
    Extrait d’une liste placée sur le forum d’historien de la Marine, Kortic. Remerciements à Triton.
  • 16
    N° 8878

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *