LA MARINE RUSSE DANS LA LUTTE DES FORCES ARMÉES BLANCHES EN 1917-1920.

LA MARINE RUSSE DANS LA LUTTE DES FORCES ARMÉES BLANCHES EN 1917-1920.

En 1967, lors de la réunion marquant le 50e anniversaire de la fondation de l’Armée des Volontaires organisée par l’Union militaire générale russe, 1Note PL : l’association des organisations militaires et des combattants qui se trouvaient dans l’émigration ainsi que celles aussi des acteurs du Mouvement Blanc. L’Union militaire générale russe a été créée en 1924 par le général-lieutenant P. N. Wrangel, commandant en chef de l’armée russe. deux officiers de la Marine, anciens combattants de la guerre civile, firent une présentation. Le lieutenant de vaisseau Stepanov, dernier commandant du yacht « Loukoul », présenta un rapport sur la participation des marins de la flotte russe à la lutte des Forces armées blanches en 1917-1920, et le capitaine de frégate A.F. Oulianine, ancien capitaine de pavillon du chef du département opérationnel de la flotte de la mer Noire – présenta un bref aperçu de la participation des marins à la lutte des Blancs dans le sud de la Russie.

Les textes des présentations furent publiés dans une petite brochure portant l’annotation : « Ne pas éditer » et pour autant que nous le sachions, destinée uniquement aux participants à la réunion. La diffusion de cette brochure resta par conséquent confidentielle.

Couverture de la brochure
Mention :  » Ne pas éditer »

Les circonstances dans lesquelles les présentations furent lues furent les suivantes :

Le 1er novembre 1967, un ordre fut émis par le général-major Kharjevski chef de l’Union militaire générale russe :

ORDRE à l’Union militaire générale russe, Ville de Lakewood, USA, I Novembre 1967.

№ 83 .

Général-Major Kharjevski, ancien combattant de la Première guerre mondiale, commandant militaire des Forces blanches du sud de la Russie, faisait partie de la division des Drozdovtsy, participant de l’expédition des Drozdovtsy, Dernier commandant de la division des Drozdovtsy. Chef de l’Union militaire générale russe de 1967 à 1979.

Cinquante ans se sont écoulés depuis le début de la lutte armée contre les bolcheviks qui prirent le pouvoir en Russie ; 50 ans depuis le début du Mouvement blanc. Le début de cette lutte fut le jour de l’arrivée (du 2/15 novembre 1917) du général Alexeev à Novotcherkassk, où l' »Organisation Alexeev » fut mise en place, appelée peu après Armée des volontaires après l’arrivée du général Kornilov, qui en prit le commandement.

A partir de ce jour commença le chemin de croix des combattants blancs du sud de la Russie, qui donna naissance au Mouvement blanc, entré dans l’histoire. Les combattants blancs de Sibérie, du Nord et de l’Ouest prirent également part à ce mouvement, luttant pour la libération de la Russie, au début, sans aucun lien les uns avec les autres.

L’armée de volontaires se constitua dans des conditions difficiles – sans aucun moyen et sans afflux significatif de volontaires et toujours dans des affrontements pour défendre le Don.

Sauvant l’honneur de la Russie, connaissant la nature de l’ennemi, nos chefs nous appelèrent au devoir et aux actes héroïques sur la voie d’un service sacrificiel à la Patrie.

En ces temps difficiles, restons fidèles aux préceptes de nos chefs et à l’Idée Blanche.  Rappelons les paroles de feu le professeur I.A. Ilyin concernant la signification de l’Idée Blanche, sur son essence religieuse et sur sa fermeté dans notre foi et notre Vérité. « Ceux qui en sont incapables ne supportent pas les tentations et s’effondrent, à gauche ou à droite ». …. « L’esprit blanc ne s’arrêtera pas avec nous, il dirigera et construira la Russie même lorsque nous ne serons plus en vie. Car cette idée – l’Idée Blanche – est une idée juste.  » 

Ne soyons pas gênés par le fait que ceux qui  » s’effondrent « , noircissent les noms des créateurs de l’Idée Blanche et du Mouvement Blanc. Ignorons ce phénomène, car tout peut arriver en ces temps troublés.

Je suggère aux officiers de l’Union militaire générale russe,  de se souvenir du 50e anniversaire du début du Mouvement blanc, dans la prière pour la libération de la Russie de la domination impie, pour le repos des âmes de nos chefs et soldats blancs, qui nous ont quittés pour l’autre monde, et pour la santé des combattants blancs vivants, fidèles à la Bannière Blanche que nous servirons jusqu’à la mort.

Je suggère, de commémorer le 50e anniversaire par des assemblées consacrées à cette date anniversaire et à la signification de la lutte des Blancs partout où cela est possible.

Chef de l’Union

Général Major – Kharzevsky.

Suite à cet ordre, une réunion privée des gradés de l’Union militaire générale russe et de la Marine russe s’est tenue le dimanche 12 novembre dans la grande salle de Neuilly. La salle fut décorée du drapeau national tricolore et du drapeau de Saint-André et toutes les organisations nationales étaient présentes. Les portraits des fondateurs étaient entourés de drapeaux, et les orateurs étaient tous des membres de l’Union militaire générale russe et de la Marine.

 » Au lever du rideau, un chœur de jeunes gens, dirigé par E . I. Evetz, a chanté «Ispolaïti Despota» (Souhait de longue vie) – à Monseigneur Mefodi, présent dans la salle, qui se trouvait à la tête de nombreux représentants d’organisations nationales russes.

Le chef du Ier département a ensuite ouvert la réunion, consacrée au 50e anniversaire de la création de l’Armée des volontaires, par un discours en mémoire des compagnons d’armes tombés au combat :

« Avec le sentiment de la plus profonde émotion, nos pensées vont aux immenses étendues russes où nous avons eu le bonheur de naître et où sur les champs de bataille sont tombés les meilleurs de notre génération. Ces tombes sacrées sont nivelées par des tracteurs, mais plus ils pénètrent profondément dans les profondeurs de notre sol natal, plus grand seront les fondements de la Russie libre qui s’annonce.

Inclinons nos têtes grises devant la mémoire de ceux qui sacrifièrent leur vie sur l’autel de la Patrie et écoutons dans un silence réligieux les paroles de l’hymne des morts au combat, si bien connu de nous.

Mémoire éternelle et gloire à eux…..

S’il vous plaît, levez-vous… » et le magnifique chœur chanta : « Vetchnaya pamiat » (Mémoire éternelle) puis « Kol Slavenne Nach  » (Hymne écrit par  Dmitry Stepanovich Bortniansky sur les paroles de Mikhail Matveyevich Kheraskov vers 1780) et  après ce moment solennel, les discours commencèrent.

PRESENTATION DU LIEUTENANT DE VAISSEAU B.N. STEPANOV – PRÉSIDENT DU CERCLE DE LA MARINE IMPERIALE ET DERNIER COMMANDANT DU LOUKOUL, YACHT DU COMMANDANT EN CHEF : « PARTICIPATION DES MARINS RUSSES À LA LUTTE DES FORCES ARMÉES BLANCHES EN 1917-1920. »

Lieutenant de vaisseau Boris Nikolaevitch Stepanov (Collection A. V. Plotto)

Il y a un demi-siècle, le 3 mars 1917, en pleine Première Guerre mondiale, l’Empereur de toutes les Russies et commandant en chef des Forces armées russes abdiquait. C’est ainsi qu’a eu lieu l’un des actes du grand drame russe de l’époque des temps troubles. Notre patrie, la Russie, fut détournée de sa voie historique, à laquelle le destin et les préceptes de ses ancêtres l’avaient destinée. Le gouvernement provisoire, de pitoyable mémoire, s’est emparé du pouvoir et souffrant d’une paralysie complète de volonté, s’est révélé seulement capable de faire dérailler le train de l’État russe, incapable de le ralentir. Pendant les huit mois de son pouvoir, l’Armée russe, sous le poids de la lutte sanglante contre l’ennemi extérieur austro-germano-turc, fut réduite à un état de décomposition complète. En octobre 1917, ce gouvernement bancal et sans talent,  fut renversé par les forces de la 3e Internationale, incarnée par le soi-disant gouvernement des Soviets. Ce gouvernement s’était fixé comme premier objectif conclure la paix avec l’ennemi extérieur à n’importe quel prix pour  » approfondir la révolution  » et ensuite déclencher une  » guerre civile de classe « , c’est-à-dire étendre la lutte à l’intérieur de notre Patrie sous la forme d’une  « boucherie » sanglante et fratricide. En d’autres termes, il s’agissait de transformer la guerre avec l’ennemi extérieur en une guerre civile. Les Forces armées de l’Armée et de la Marine furent supprimées par des « décrets » du gouvernement. De nouvelles unités de la Garde rouge, rebaptisées plus tard Armée rouge, furent formées. Parallèlement, des contingents militaires furent recrutés pour la Flotte rouge. Le 18 février 1918, à Brest-Litovsk, une « paix ignoble et honteuse » fut conclue avec les représentants des « puissances centrales ».

Cependant, la guerre avec l’ennemi extérieur continuait, car les forces armées austro-germano-turques, sous prétexte que le gouvernement soviétique ne remplissait pas les conditions du traité de paix, poursuivaient leur offensive.

Sous la pression des forces allemandes, la flotte de la Baltique, sous le commandement du capitaine de vaisseau Chtchastnyï, quitta sa base avancée d’Helsinki fin mars 1918  et rejoignit Kronstadt et Pétrograd, après avoir traversé le golfe de Finlande pris dans les glaces, traversée que l’on nomma  » campagne des glaces ». La flotte de la Mer noire quitta Sébastopol à la fin du mois d’avril de la même année sous le commandement du contre-amiral Sabline pour Novorossiïsk en raison de l’invasion allemande de la Crimée. Immédiatement après l’abdication de l’Empereur, le personnel de la Flotte, tant au niveau du commandement que de l’encadrement, subit de lourdes pertes. Des mutineries sanglantes eurent lieu à Helsingfors (Helsinki) et à Kronstadt. Le commandant de la flotte, l’amiral Nepenine, et de nombreux amiraux et officiers furent traîtreusement assassinés. Dans la flotte de la mer Noire, commandée par le vaillant et remarquable vice-amiral Koltchak, la discipline et l’ordre furent maintenus jusqu’en juillet 1917, grâce à sa gestion habile et adroite des forces navales. Cependant, en juillet, l’amiral Kolchak – offensé par la demande insolente du comité du navire amiral de retirer les armes personnelles des officiers, jeta son « sabre d’or » (latte de Saint-Georges donnée pour courage) à la mer, refusa de continuer à commander la Flotte et quitta Sébastopol.

En décembre 1917, sur l’exemple de Kronstadt et d’Helsingfors, des mutineries sanglantes des équipages eurent lieu à Sébastopol et dans d’autres ports de la mer Noire et de nombreux amiraux, commandants et officiers furent tués. Lors de la prise du pouvoir par les Soviétiques en octobre 1917, se leva l’aube sanglante de la guerre civile fratricide. Le peuple russe le plus patriotique ne pouvait rester indifférent lorsque furent foulés aux pieds par les Soviets les véritables intérêts du peuple russe, devant le pillage des valeurs nationales, la profanation des sanctuaires, la propagation du désordre dans toute la vaste étendue de notre Patrie, les arrestations arbitraires, les innocents assassinés dans les prisons de la police rouge révolutionnaire – la Tchéka , les citoyens innocents mis à mort par les tribunaux révolutionnaires – ces tribunaux de Chemyakine (Tribunaux injustes) – et exigèrent que cessent cette émeute et cette folie. Telles furent les véritables raisons de l’émergence du Mouvement blanc sur tous les fronts de la guerre civile qui commença.

Le Mouvement blanc, en ce qui concerne la lutte armée, a d’abord pris naissance dans la périphérie méridionale de la Russie et n’a éclaté qu’ensuite dans d’autres endroits. La lutte a duré le plus longtemps là où elle a commencé en premier, dans le sud, là où le général Alexeev leva la bannière de la protestation à Rostov sur le Don le 2 novembre 1917.

Au nord, le front du général Miller apparut en août 1918. Le front du nord-ouest du général Youdenitch apparut lorsqu’il commença à combattre les agresseurs de notre patrie en octobre 1918. A l’est, la lutte armée commença le 5 novembre 1918 au moment du coup d’État d’ Omsk qui éleva l’amiral Koltchak au rang de chef suprême.

La flottille Caspienne commença son activité militaire en février 1919.

A Arkhangelsk le soulèvement contre le pouvoir soviétique eut lieu les 1er et 2 août 1918. La région du Nord libérée fut dirigée par le Gouvernement provisoire, présidée par le socialiste Tchaïkovski. Le capitaine de frégate Tchapline fut nommé commandant de toutes les forces navales et terrestres du Gouvernement provisoire.

Bien avant le soulèvement, des officiers de toutes armes, commencèrent à converger, de leur propre initiative, par Mourmansk, les forêts de Carélie et d’autres routes vers Arkhangelsk et tout particulièrement des officiers de la flotte de la Baltique et des gardes-marine de l’Ecole Navale, des classes spéciales de gardes-marine et de l’Ecole d’ingénierie de la marine, supprimées par Trotsky, afin de prendre une part active dans le renversement du pouvoir soviétique dans les régions du nord. Cependant, l’administration socialiste de la région du Nord n’exista qu’un seul mois.

Le 6 septembre 1918, le capitaine de frégate Tchapline, commandant des forces armées russes sur la côte de la mer Blanche, arrêta ce gouvernement et l’envoya aux îles de Solovetsk. Début octobre, le gouvernement déchu fut remplacé par le « Gouvernement provisoire de la région du Nord », non socialiste, mais sous la pression du commandement britannique, il fut toujours dirigé par le même socialiste, Tchaïkovski.

Le commandement des forces armées du capitaine de frégate Tchapline, fut confié au colonel de l’état-major Dourov, puis au général Miller. Les jeunes officiers et gardes-marine qui quittèrent la rive de la mer Baltique et se rendirent dans le nord dès le milieu de l’année 1918, servirent dans une division de vedettes armées de la mer Blanche, combattirent victorieusement et avec succès les Rouges sur le front terrestre des rives de la Dvina du Nord, dans les trains blindés « Amiral Nepenine », « Amiral Koltchak » et d’autres, et dans la région de Pinega ainsi que dans les flottilles de l’Arctique et de l’Onega sous le commandement du vaillant capitaine de vaisseau Kira-Dinjane.

La lutte des Blancs sur le front du Nord se termina tragiquement en février 1920. Abandonnés par les Alliés à leur sort comme il fallait s’y attendre, les combattants blancs de ce front ne furent pas vaincus par les armes, mais par un coup d’état mené par une population abreuvée de propagande et qui n’avait pas encore perçu les charmes du pouvoir soviétique. Peu de soldats blancs sur ce front réussirent à fuir et à se replier en Finlande et en Norvège. La plupart d’entre eux furent tués, soit dans la bataille, soit exécutés par les Rouges à Kholmogory, Medvejaya Gora, à la gare de Soroka et dans d’autres endroits.

L’armée du Nord-Ouest fut réorganisée en été 1919 à la demande des Alliés à partir du Corps de l’armée du Nord du général-major Rodzianko et dirigée par le général Youdénitch, qui vivait à Helsingfors et s’était rendu célèbre pendant la Première guerre mondiale par la prise d’Erzurum. Cette nomination en tant que « commandant en chef du front occidental » vint du gouvernant suprème, l’amiral Koltchak. Dans le même temps, une administration maritime fut créée à Narva au quartier général de l’armée dirigée par le contre-amiral Pilkine. Les unités suivantes furent subordonnées à l’administration navale :

– Une division de trains blindés composé de  « L’Amiral Essen », « L’Amiral Koltchak » et « Le Talaabtchanine ».  La division fut commandée par le lieutenant de vaisseau Levitskiï.

– Un bataillon de chars commandé par le capitaine de frégate Chichko.

– Le régiment du Pavillon de Saint- André, complété par des marins rouges capturés ou ayant fait défection.

– Une flottille composée du dragueur de mines « Kitoboï » et de 4 vedettes rapides provenant de Finlande et commandées par le capitaine de vaisseau Vilkenne.

– Une unité de manutention à Revel, prévue pour le déchargement des cargos qui apportaient des armes, des munitions, des uniformes et de la nourriture d’Angleterre pour l’armée. Le chef de l’unité était le capitaine de frégate Fitinguoff.

– Une petite flottille commandée par le capitaine de vaisseau Tyrtov fut créée à Narva.

Il était évident que la marine britannique, qui apparut au large des côtes du golfe de Finlande à la fin de 1918, n’avait pas pour mission d’apporter une aide significative aux forces de résistance qui s’y sont formées pour combattre les Rouges. L’aide britannique n’était suffisante que pour permettre la sécession de la nouvelle république d’Estonie et la défendre contre les Soviétiques. Avec une telle attitude des alliés à l’égard de la Cause blanche, on ne pouvait envisager de rétablir une puissance navale significative au sein de l’Armée du nord-ouest. C’est pour cette raison que les officiers de la marine et les gardes-marine rejoignirent les forces terrestres. Les marins étaient particulièrement nombreux dans le régiment de Petchorsk, commandé par le vaillant capitaine de vaisseau Chichko et les compagnies, par le capitaine de frégate Babitsine,2Note PL : notre grand-père Beklemichtcheff, Romacheff et Veigueline. Le nombre total de marins ayant pris part à la lutte de l’Armée du nord-ouest s’élèvait à 250 hommes, dont environ la moitié furent tués dans des combats inégaux avec l’ennemi. L’armée du général Youdenitch, à proximité de Petrograd, Strelna, Ligovka, Pulkovo, Pavlovsk, Tsarskoye Selo, cette dernière ville, ayant été occupée, fut contrainte de se replier vers la frontière estonienne et après l’accord de de paix de l’Estonie et des Soviétiques, elle cessa de combattre au début de l’année 1920.

Presque en même temps que se développa l’activité des flottilles blanches sur tous les fronts antisoviétiques, en mer du Nord, dans les États baltes, sur le lac Onega, dans les Mers Noire, d’Azov et Caspienne, la lutte sur les fleuves de la Russie d’Europe de l’Est et de Sibérie devint de plus en plus intense. Les rivières et fleuves étaient des voies navigables sur lesquelles troupes et cargaisons militaires étaient transportées. Dans la région de la Volga-Kama, toutes les principales villes, usines et villages étaient situés sur les rives des fleuves, de sorte que la vie économique de la population était étroitement liée à l’utilisation du transport fluvial. Après l’occupation de Samara au début du mois de juin I9I8 par les légions tchécoslovaques qui se trouvaient sur le chemin les menant des camps d’internement russe vers Vladivostok, les officiers de marine, les mitchman Meyerer et Erchoff organisèrent la Flottille de la Volga.

Ces officiers réquisitionnèrent de puissants remorqueurs :  » Feldmarchal Milioutine  » et  » Volf « . Les remorqueurs furent équipés de canons de 3 pouces installés sur la poupe des navires. Bientôt, plusieurs autres officiers de marine arrivèrent dans la flottille, alors en cours d’organisation.

Lorsque le colonel Kappel, qui se progressait avec son détachement sur la rive droite de la Volga, rencontra une forte résistance des unités soviétiques près du village de Klimovka, la jeune flottille lui prêta main forte et acheva à la mitraille les soldats de l’Armée rouge repoussés le long du fleuve. La rive droite de la Volga fut libérée des Rouges jusqu’à Simbirsk, et la flottille fut complétée par un remorqueur armé, qui fut pris à l’ennemi lors de l’escarmouche. Après chaque affrontement avec les Rouges, la flottille blanche grandissait.

Au milieu du mois d’août 1918, la flottille de la Volga fut composée de trois divisions, comptant chacune 6 à 8 navires. Ces navires furent armés, deux batteries flottantes étaient équipées de deux canons Schneider de 6 pouces chacune. Compte tenu de la situation politique et militaire, la prise de Kazan était nécessaire et urgente pour le succès du Mouvement blanc. Les Rouges alignaient environ 9000 hommes contre 600 Tchécoslovaques et 400 combattants de l’unité Kappel du coté Blanc. C’est alors que la flottille de la Volga apporta une aide des plus importantes avec l’appui de l’artillerie navale. Kazan fut prise par les Blancs. Avec la prise de Kazan, le contre-amiral Smirnoff prit le commandement de la flottille de la Volga.

Cependant, en raison du plan stratégique du commandement de l’Armée, Kazan dut être évacuée un mois plus tard. La première division de la flottille reçue l’ordre d’emmener à Samara la réserve d’or qui se trouvait à Kazan, d’après la banque, environ 660 millions de roubles or. La tâche fut accomplie. A la fin de cette opération, la première division de la flottille fut placée sous le commandement du Capitaine de frégate Feodossieff et affectée à couvrir la retraite de l’armée, tandis que d’autres navires, dirigés par l’amiral Smirnoff, suivirent la Kama, qui se jette dans la Volga à 60 verstes de Kazan. Pendant 4 jours, la première division, composée de 4 navires, résista aux assauts de la flottille rouge, cinq fois plus nombreuse. Ainsi se termina la campagne de la Volga et la campagne de la Kama débuta. Entre-temps, à la fin du mois de décembre I9I8, l’Armée blanche s’empara de Perm où un grand nombre de bateaux fluviaux à vapeur, aptes à être armés, furent saisis.

En automne 1918, le Conseil d’État se réunit à Oufa et constitua un gouvernement panrusse avec un Directoire constitué de cinq personnes. A ce moment, l’Armée des volontaires libéra le sud de la Russie du pouvoir soviétique. La Sibérie fut libérée avec l’aide des Tchécoslovaques. Un pouvoir antisoviétique se forma à Samara. L’amiral Koltchak, qui se rendait de l’Extrême-Orient en passant par la Sibérie à Sébastopol où se trouvait sa famille, et où il pouvait espérer prendre part à la lutte contre les Soviétiques dans les rangs de la flotte de la mer Noire, fut retenu à Omsk par le Directoire. On lui proposa le poste de ministre de la guerre et de la marine. Le nouveau gouvernement souhaitait attirer dans ses rangs un amiral populaire, jouissant d’une grande renommée, d’une intégrité irréprochable et d’un grand patriotisme. Cédant à l’insistance de tous, l’amiral accepta le 5 novembre 1918.

À cette époque, une lutte acharnée opposait le Directoire et le Gouvernement de Sibérie, lutte qui s’acheva par le renversement du Directoire et la proclamation de l’amiral Koltchak en qualité de Dirigeant suprême de la Russie. L’Amiral n’était pas informé de la conspiration contre le Directoire, il était à ce moment-là au front et il ne prit pas part à la conspiration. Bien que l’amiral accepta son élection en qualité de Dirigeant suprême, il considéra cette élection comme une charge des plus lourdes qui consistait à servir la patrie, à libérer la Russie des usurpateurs qui s’étaient emparé du pouvoir dans le centre et ceci pour transmettre ensuite le pouvoir à la nouvelle Assemblée nationale constituante.

Au cours de cette période, le ministère de la Marine qui fut formé sous le gouvernement d’Omsk en automne 1918, créa la Flottille sibérienne basée à Vladivostok composée de plusieurs contre-torpilleurs et de transports ainsi que la Flottille de l’Amour. Le commandement général des forces navales d’Extrême-Orient fut confié au contre-amiral Timirev, puis, par la suite, au contre-amiral Fedorovitch. Une brigade de fusiliers marins commandée par le contre-amiral Stark fut constituée à Krasnoyarsk.

La flottille de combat de la rivière Kama, composée de 12 navires armés commandé par le contre-amiral Smirnoff commença sa campagne de printemps en mai I919. Dès le 24 mai, elle participa à une bataille acharnée et décisive à proximité de Sviatoï Klioutch. Cette bataille améliora le moral du personnel de la flottille, car elle démontra que malgré l’avantage de l’ennemi en termes de force et de portée de l’artillerie, la flottille était capable de le combattre avec succès grâce à la supériorité des combattants Blancs. Pendant tout le temps de cette lutte acharnée avec des succès variables, la flottille soutenait l’armée de terre partout sur les rives de la Kama. Il y eu encore trois autres grandes batailles : à Goliane, Babok et Siouzova.

C’était pendant ces jours, au milieu de l’année 1919 que les Blancs, dans leur lutte, ont été couronnés de succès sur tous les fronts, ce qui a effrayé les Rouges et alarmé les « alliés ». Lors de l’évacuation de la Kama, le personnel de la flottille comptait encore 3 000 marins et plus d’une centaine d’officiers. A Omsk, une partie des hommes, principalement des artilleurs, furent affectés à l’Armée de terre, une autre partie fut absorbée par la flottille Ob-Irtych et la partie principale composée de 1500 hommes et 70 officiers placés sous le commandement du capitaine de frégate Tikhmenev fut affecté au 1er Bataillon de formation de la marine nouvellement créé. Au début du mois de septembre, le bataillon fut envoyé au front, et à partir de ce moment jusqu’à son anéantissement complet, il fut continuellement impliqué dans les batailles, étant affecté aux parties les plus importantes du front.

La 2e division du lieutenant de vaisseau Gaken de la flottille Ob-Irtysh, commandée par le capitaine de frégate Feodossieff, fut affectée à la navigation sur l’Ob, l’Irtysh, la Tozda, le Tobol et d’autres affluents. Ce qui précède ne couvre pas la dixième partie de toutes les actions militaires des flottilles, en particulier du groupe Ob-Irtysh, telles que la campagne pour récupérer des barges à l’arrière des Rouges, un débarquement important au village de Novaya, les combats incessants, les débarquements et la prise des positions fortifiées du maréchal rouge Blücher à Oust-Ishim à la fin du mois de septembre 1919 etc. Au même moment, sur la rivière Toura, le capitaine de frégate Goutanne et tout l’équipage du vapeur armé « Alexandre Nevskiï » attiré dans un piège par la ruse, moururent en martyres à proximité d’une position ennemie.

En raison de la situation, la flottille Ob-Irtych, après une brillante activité militaire près de Tobolsk et sur l’Irtych, avec l’arrivée du froid, se dirigèrent vers Tomsk, où, après le désastre du front, tous les navires furent coupés de l’arrière et tombèrent aux mains des Rouges. C’est ainsi, qu’à proximité de Krasnoyarsk, le commandant de la flottille Ob-Irtysh, le capitaine de vaisseau Feodossieff et environ 20 officiers de marine avec lui, furent tués, lorsque ce groupe isolé fut encerclé par les Rouges. Parmi les officiers servant dans la flottille de la Kama, seuls, quelques-uns réussirent, par chance, à échapper au sort commun et à rejoindre l’Extrême-Orient dans des conditions particulièrement difficiles.

Après l’effondrement du front oriental et la chute subséquente du gouvernement d’Omsk, un « Centre politique » pro-soviétique fut formé à Irkoutsk. Le dirigeant suprême, l’amiral Koltchak, voyageait vers l’est dans un wagon du train du 8e régiment tchécoslovaque. Le wagon dans lequel se trouvait l’amiral arborait les DRAPEAUX DE CINQ puissances étrangères « alliées » : britannique, française, américaine, japonaise et tchécoslovaque, ceci pour indiquer que l’Amiral était sous la protection de ces cinq puissances.  Cependant le 5 janvier 1920, à la gare Innokentievskaya du chemin de fer de Sibérie orientale, il fut remis au pouvoir du Centre politique d’Irkoutsk, qui emprisonna l’amiral dans la prison d’Irkoutsk. Le 25 janvier, le pouvoir du Centre politique d’Irkoutsk tomba et passa aux mains des Soviétiques, qui mirent l’amiral à mort.

Le 7 janvier, à proximité d’Irkoutsk, l’amiral Kolchak et le ministre Pepeliaev furent fusillés, et leurs dépouilles jetés sous la glace de la rivière Angara.

Le Dirigeant suprême de la Russie nationale est mort non seulement dans la lutte contre le complot de l’agitation populaire, mais il fut également victime de la bassesse humaine, sanctionnée par les représentants des « alliés ». Les temps difficiles passeront, la Russie se relèvera, et le peuple russe reconnaissant n’oubliera pas son chef, qui sacrifia sa vie pour l’honneur et la grandeur de notre Patrie.

Après l’effondrement du front de l’Est, les restes de l’Armée blanche, se repliant dans le froid hivernal extrêmement rude de la Sibérie, atteignirent Priamurié. Là, ils furent cantonnés le long de la ligne du chemin de fer d’Oussouriïsk, de la gare de Grodekovo à la gare de Razdolnoye. L’armée se composait de 2 groupes, dont l’un était constitué des restes de l’armée de l’amiral Koltchak, qui s’était repliée en Transbaïkalie après la chute du gouvernement d’Omsk et le second était constitué d’unités réellement transbaïkaliennes, formées par l’ataman Semenoff. Le premier groupe était appelé « Kappelevtsy » en l’honneur d’un de leurs chefs, le général Kappel, qui dirigea son combat encore sur la Volga en 1918 et qui décéda lors de la grande retraite de l’armée, et le second groupe était appelé « Semenovtsy » en l’honneur de l’ataman Semenoff, ou « Grodekovtsy » suivant l’endroit du camp militaire. Au total, dans ces armées, il y avait environ 25 000 hommes.

Au printemps 1921, l’Extrême-Orient russe entrait dans la composition de l’État « tampon » – la République soviétique populaire d’Extrême-Orient. Au sein de ce « tampon », dans l’oblast de Primorsk, dans la zone occupée par les troupes japonaises, se trouvait le « tampon » autonome de la République populaire d’Extrême-Orient – avec le gouvernement de l’oblast de Primorsk à sa tête et une représentation de ce gouvernement d’obédience soviétique à Vladivostok.

Le 26 mai 1921, grâce aux efforts conjoints des organisations antisoviétiques et aux actions militaires des « Kappelevtsy », un coup d’État fut organisé à Vladivostok. Les « Kappelevtsy » insurgés, reçurent un soutien considérable : le groupe de débarquement du capitaine de frégate Solovioff, composé uniquement d’officiers de la marine, débarqua d’une barge, remorquée par une vedette. Il fut accueilli par un feu nourri de canons et de mitrailleuses provenant des navires, mais malgré les lourdes pertes, il atteri au monument de Nevelsky et entra dans le port. Vladivostok fut débarrassé des Rouges et deux jours plus tard, le calme régnait dans la ville. Un directoire de 5 personnes fut formé, qui se fit appelé Gouvernement provisoire de Priamoursk.

Le général-lieutenant Verjbitski fut nommé commandant de l’Armée de terre et de la Flotte, et le capitaine frégate Solovioff fut nommé commandant de la Flottille sibérienne. Dans la période suivant immédiatement le coup d’État, la Flottille sibérienne comptait 25 navires. En juin 1921, le contre-amiral Stark, qui arriva à Vladivostok, prit le commandement de la Flottille sibérienne.

À l’automne, les navires furent armés et l’armement individuel fournis, reçues officieusement du commandement maritime japonais, sous le prétexte d’armer la police maritime. En octobre, une compagnie de fusiliers de la marine fut formée avec des volontaires. Le 23 septembre 1921, l’état-major de la flottille reçu contre toute attente de nombreux et excellents renforts. Le navire à vapeur « Franz Ferdinand » arriva à Vladivostok et ramena de Mésopotamie des réfugiés russes internés, parmi lesquels se trouvait le personnel de la flottille Caspienne sous le commandement du capitaine de vaisseau rang Pychnoff, soit environ 80 officiers et plus de 200 grades subalternes. Ce détachement, qui s’était replié en Mésopotamie via Anzali et la Perse après l’effondrement du gouvernement de la Russie du Sud du général Wrangel, fut interné par les Britanniques au camp de Tanum, près du port de Bassora. Les Britanniques mirent tout le détachement sur un transport marchant de la Mésopotamie à Vladivostok.

Avec l’arrivée de ce groupe qui avait une excellente expérience militaire, la capacité de combat de la Flottille sibérienne s’améliora considérablement. Fin août 1922, le contre-amiral Stark, commandant de la Flottille, fut nommé Commandant de l’arrière. Pendant ce temps, la Flottille et les unités terrestres qui en faisaient partie durent mener des actions difficiles et polyvalentes pour protéger Vladivostok. Il fallait combattre les partisans rouges sur la péninsule de Mouravioff-Amourski et dans la région de la baie de Possiet, protéger la côte du détroit de Tatarie, maintenir le blocus de la côte du golfe Pierre le Grand à l’est de Vladivostok, aider à défendre le Kamchatka, protéger les ressources de chasse, les ressources halieutiques et forestières de la côte occupée par les Blancs, transporter des renforts et des marchandises au détachement du général Pepeliaev sur la côte de la mer d’Okhotsk.

Sous la pression des armées rouges, l’évacuation de la région de Spasski par les forces japonaises commença le 28 août 1922, puis commença celle de Vladivostok au cours du mois de septembre. Les Rouges, qui firent venir des troupes de Transbaïkalie, commencèrent à préparer une offensive sur le front. Le commandant de la flottille reçut l’ordre de préparer des navires pour l’évacuation des Blancs et de leurs familles. L’évacuation débuta en octobre. Un détachement de transports fut constitué à partir de navires privés et de navires à vapeur du Dobrovolnyï flot. Seules 10 000 personnes étaient prévues d’être évacuées, dont plusieurs centaines de blessés, pour lesquels deux vapeurs japonais furent affrétés par le gouvernement. L’évacuation de Vladivostok se déroula en ordre, exactement comme prévu par le commandant de la flottille.

Les Rouges entrèrent dans la ville à 10 heures le 25 octobre, mais ne disposaient pas navires pour poursuivre la flottille blanche. Dans la nuit du 26 octobre, 25 navires de la flottille blanche furent concentrés dans la baie de Possiet. Quelques navires au nombre de 10 se trouvaient au Kamchatka, en provenance de la mer d’Okhotsk et de divers points de la côte. Tous ces navires avec les troupes et les réfugiés à leur bord se rendirent au port japonais de Genzane, situé à 360 miles de la baie de Possiet. La flottille, qui rencontra des difficultés exceptionnelles au cours de son voyage vers Fouzan, Shanghai et enfin les Philippines, atteignit le port de Manille, où certains des navires furent vendus et d’autres abandonnés en raison de leur état.

La plupart du personnel, suivant leur choix, partirent en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Amérique du Nord et du Sud, en Chine, en Europe et ailleurs dans la diaspora russe.

L’Armée et la Marine blanches accomplirent un exploit devant lequel les mots sont insignifiants. Epuisés dans une lutte inégale contre un ennemi supérieur, abandonnés par le monde et sans aide étrangère substantielle, luttant jusqu’au bout, les combattants blancs ne se rendirent pas et ne déposèrent pas les armes devant l’ennemi et partirent à l’étranger, emportant avec eux leurs bannières et les drapeaux de Saint-André flottant sur les mâts des navires russes,  » l’honneur de notre patrie la Russie », pour lequel ils se sont battus chaque jour, sans relâche pendant trois ans…

Tous ces innombrables sacrifices consentis sur l’autel de l’amour de la patrie ont-ils été vains…

L’histoire prononcera son verdict final, mais les tristes annales des nations qui n’ont pas connu les actes héroïques au nom de l’amour de leur pays sont des pays insignifiants qui n’ont pas réussi à élever des fils capables de se sacrifier…

DISCOURS DU CAPITAINE DE FREGATE A.F. OULIANINE, EX OFFICIER DE PAVILLON DU RESPONSABLE DES OPÉRATIONS DE LA FLOTTE DE LA MER NOIRE. BRÈVE ESQUISSE DE L’IMPLICATION DES MARINS DANS LA LUTTE BLANCHE DANS LE SUD DE LA RUSSIE.

Capitaine de frégate Anatoli Fiodoroviych Oulianine.

Dès novembre 1917, les marins commencèrent à rejoindre le Don un par un et beaucoup intégrèrent le bataillon de junkers en cours de formation par le capitaine Parfionoff à Novotcherkassk. Le quatrième peloton de la deuxième compagnie de ce bataillon était composé de gardes-marine et de cadets de la marine. Le 27 novembre, le bataillon participa à la célèbre attaque du bosquet de Balabanov, où il compta de grandes pertes.

En novembre, le général Alexeev ordonna au capitaine de frégate V. Potemkine de former une compagnie de marine composée d’officiers de marine, de gardes-marine, de cadets et d’étudiants de l’Ecole navale de Rostov. Le 30 janvier 1918, lors d’une bataille acharnée à Bataïsk, la compagnie de marine subit de lourdes pertes. Ceux qui survécurent furent intégrés dans le Régiment des officiers, dont la moitié des marins fut tuées pendant la campagne de Kouban.

Anatoli Fiodorovitch Oulianine et son épouse, Valentina à Sébastopol en 1918 (Nos remerciements à Boris S. Forum Kortic)

Plusieurs trains blindés étaient armés et servis par des marins. En août 1918, au cours d’un combat acharné, le train blindé de la marine « Amiral Nepenine » aida les valeureux Drozdovtsy, près d’Armavir, à repousser les 30 000 soldats de Sorokine. Le 15 novembre, ce train blindé tomba dans un piège près de la voie d’évitement de Bazovaya, à proximité de Stavropol. Le commandant, le lieutenant de vaisseau Makarov et 10 officiers tombèrent au champ d’honneur.

Dans le secteur voisin, le train blindé « Edinnaya Rossiya», également composé en partie d’officiers de la marine, réussit à percer les lignes ennemis après la bataille. Le haut commandement militaire remarqua les actions valeureuses des trains blindés de la Marine Dimitriy Donskoï du capitaine de frégate Buchenne et Kniaz Pojarskiï du capitaine de frégate Potemkine, ce dernier s’étant particulièrement distingué lors de la prise de Kharkov en 1919.

En 1918 et 1919, des Flottilles fluviales furent créées, d’abord sur le Don (contre-amiral Fabritskiî) et dans la mer d’Azov (capitaine de frégate Sabetski). Placé sous le commandement d’officiers de la marine, des vapeurs fluviaux furent armés de canons de 3″ et de mitrailleuses et plus tard de canons de marine de 75 mm et 120 mm et des 6″ Canet envoyés de Sébastopol. La flottille du Don atteignit le Don supérieur et apporta un appui aux cosaques avec son artillerie, tandis que la flottille d’Azov débarrassa les ports des Bolcheviques.

Au printemps 1919, lorsque l’assaut général débuta, l’administration navale créa trois flottilles du Dniepr, qui soutint les flancs des unités militaires, assura le transport de troupes de débarquement et le ravitaillement, sous le commandement général du contre-amiral I. A. Kononov.

Que faisait la flotte de la mer Noire à ce moment-là ? Où étaient les navires de guerre ? Dans la mer Noire, les conditions du début de la lutte des Blancs étaient plus compliquées que sur le Don. À la fin de l’année 1917 et au début de l’année 1918, la flotte de la mer Noire stationnait dans la rade de Sébastopol sous drapeaux rouges et se trouvait immobilisées par la grande « Révolution sans effusion de sang ». Sous l’influence des agitateurs de passage, des personnages sombres parmi les marins fusillèrent des dizaines d’amiraux et officiers, parmi lesquels sont morts avec honneur, les officiers du contre-torpilleur « Pronzitelnyï » commandé par le capitaine de frégate N.A. Kallistoff (l’historien de la marine) pour avoir refusé de commander un contre-torpilleur rouge dans la Mer d’Azov contre les Volontaires.

 Lorsque l’armée allemande, après avoir occupé l’Ukraine, commença à entrer en Crimée, le Tsentroflotte rouge persuada le contre-amiral M.P. Sabline de prendre le commandement et le 29 avril 1918, à la veille de l’entrée des Allemands à Sébastopol, l’amiral ordonna le départ de la Flotte pour Novorossiïsk. En juin 1918, l’Allemagne exigea par ultimatum que les Soviétiques respectent les conditions de l’armistice et rapatrient la flotte à Sébastopol. La tragédie de Novorossiïsk éclata. Les Soviétiques reçurent l’ordre officiel de Moscou d’obtempérer, tandis que sur place, Raskolnikov, au nom du commissaire aux affaires maritimes, menait une propagande pour le sabordage de la flotte. L’amiral Sabline se rendit à Moscou pour obtenir des éclaircissements, ne revint pas et s’enfuit à l’étranger en janvier 1919.

A Novorossiïsk, le commandant par intérim de la flotte, le capitaine de vaisseau A.I. Tikhmenev, après évaluation de la situation et prenant en compte le fait que les Allemands, enfermés dans la Mer Noire, ne pouvaient utiliser nos navires, se référa à l’ordre des Soviétiques et à l’avis des équipages, et prit l’initiative de faire retourner le navire de ligne  « Volia » (ex « Imperator Alexandre III ») et six contre-torpilleurs et les remit aux Allemands, tandis que le lendemain, le 18 juin, le navire de ligne  » Svobodnaya Rossiya  » (ex Imperatritsa Ekaterina II) et neuf contre-torpilleurs furent coulés dans la baie de Novorossiïsk.

En quittant la Crimée en novembre 1918, les Allemands laissèrent nos navires à Sébastopol. Les Alliés prirent le relais et les Britanniques emmenèrent nos meilleurs navires et leurs équipages dans la baie d’Izmit, dans la mer de Marmara et les internèrent.

Un gouvernement provincial fut formé en Crimée qui nomma l’amiral Kanine au poste de commandant de la flotte, c’est-à-dire de ce qui n’avait pas été pris par les Britanniques. À cette époque, en Ukraine, le gouvernement de l’Hetman disparait et Petliura apparait, des unités de volontaires se formèrent et les alliés se manifestèrent. Les Bolcheviques avançaient par le nord. Perekop était occupé par de faibles unités de volontaires.

Dès août 1918, l’armée de volontaires prit Novorossiïsk. Les premiers navires de la Flotte des  volontaires de la Mer Noire furent : le brise-glace armé « Poleznyï » (capitaine de frégate S.I. Medvedev), le sous-marin « Tioulène » (capitaine de frégate V.V. Pogoretskï) et la canonnière « K.15 » (lieutenant de vaisseau A.A. Ostolopoff), tous participant de la 1e campagne. Les équipages étaient composés uniquement par des officiers de la marine et par quelques volontaires de flotte.

En avril 1919, la situation changea radicalement. Les Alliés se replièrent sur Odessa. Les Rouges s’approchaient de la Crimée. Par ordre du général Denikine, le contre-amiral M. P. Sabline, qui revint sur ordre d’Angleterre fut placé à la tête de la flotte et il donna l’ordre au croiseur « Kagoul », à la canonnière « Terets » et à tous les navires pouvant naviguer de marcher de Sébastopol à Novorossiïsk   le 6 avril.

Avant d‘évacuer Sébastopol, les Britanniques firent sauter les machines des vieux cuirassés, remorquèrent et coulèrent dans la rade 12 sous-marins laissés sans équipage.

Les unités militaires se retirèrent du Perekop vers Akmanaï. Dès le 13 avril, le croiseur « Kagoul » ainsi que le dreadnought britannique « Emperor of India » et d’autres navires russes et alliés sortirent pour soutenir la position d’Akmanaï par leur artillerie, Après la libération de la Crimée, la Flotte retourna à Sébastopol trois mois plus tard. Grâce aux efforts énergiques du capitaine de frégate Machoukov, l’Ecole navale fut rouverte à Sébastopol. Des écoles furent également créées pour compléter les équipages par des spécialistes.

Sur le front, pendant les mois de l’été 1919, alors que l’armée mènait son offensive victorieuse, son flanc gauche fut soutenu avec succès par le détachement de navires de Kinbourg commandé par le vaillant capitaine de vaisseau V. V. Boubnov, jusqu’à la prise de Kherson et de Nikolaev. Le capitaine de vaisseau Boubnov est mort du typhus à son poste et l’ordre de le promouvoir au rang de contre-amiral fut posthume.

Simultanément, dans les environs d’Odessa, sous le commandement du capitaine de vaisseau P.P. Osteletski, le croiseur « Kagoul », le contre-torpilleur « Jivoï » et des transports débarquèrent un régiment de cavalerie de 800 militaires. Après une bataille qui dura une journée, le 12 août, Odessa fut prise. Ce n’est qu’à la fin de l’année 1919 que les Alliés nous rendirent les navires qu’ils avaient internés et une activité fébrile de recrutement et de mise en état des machines et de l’artillerie commença.

À l’automne 1919, la situation changea radicalement : l’ensemble du front commença à reculer. A la fin du mois de décembre, le détachement de Kinburg fut transféré dans la mer d’Azov et une activité vigoureuse et responsable du détachement d’Azov commença sous le commandement du capitaine de vaisseau Machoukov ainsi que la défense héroïque de la position située sur la flèche d’Arabatsk par la canonnière « Teretz » du capitaine de frégate Y. V. Shramchenko. Le flanc gauche de l’armée près de la flèche de Tendra était constamment surveillé par le croiseur « Kagoul » ainsi que par d’autres  navires sous le commandement du capitaine de vaisseau V.I. Sabetsky.

La retraite devint de plus en plus rapide. L’évacuation d’Odessa était proche, avec, bien entendu la participation de la Flotte. Pour clore le tableau, au début du mois de mars, les principales forces de l’armée se replièrent sur NovorossiÏsk. La Flotte mit à disposition de l’armée les 12 et 13 mars, tous les moyens dont elle disposait pour cette évacuation, qui se déroula avec beaucoup de difficultés. La gestion de l’ensemble de l’opération ne fut pas confiée aux autorités navales. Certaines unités de l’armée, principalement des cosaques, progressèrent vers le sud, vers Touapse et Gagry et entre le 15 et le 25 mars, un détachement d’environ 20 000 hommes fut transportés en Crimée avec de grandes difficultés par le groupe naval du capitaine de vaisseau Machoukov et plus tard, le 5 octobre, le détachement du général Fostikov, composé de 6 000 hommes fut évacué par un groupe naval provenant de Sébastopol et commandé par le capitaine de frégate Grigorkov, commandant de l’Almaz.

En mars 1920, l’armée se retira en Crimée. Ayant pris le commandement général, le général Wrangel donna les directives suivantes à la Flotte :

1. assurer la suprématie en mer ;

2. assurer un appui d’artillerie depuis la mer aux flancs des positions ;

3. assurer le transport des troupes de débarquement ;

4. organiser le ravitaillement de la Crimée par voie maritime ;

5. en cas d’échec sur le front, assurer l’évacuation de 100 000 militaires et réfugiés.

À ce moment, la Flotte russe se composait de 3 formations tactiques, appelées groupes navals plutôt que divisions en raison de la variété des navires qui composaient ces unités.

1er groupe naval. Officier de pavillon subalterne : contre-amiral P. P.Osteletski. Le groupe était composé du navire de ligne « Guénéral Alexeev ». (ex  « Imperator Alexandre III »), d’une brigade de croiseurs, d’une brigade de contre-torpilleur, d’une division de sous-marins, d’une division de dragueurs de mines. En tout 23 navires de guerre et des navires auxiliaires dont l’objectif était d’ assurer la domination en mer.

2e groupe naval. Officier de pavillon subalterne : contre-amiral N. N.Machoukov. Le groupe était composé de deux divisions de canonnières, d’une division de brise-glaces armés, d’une division de débarquement, d’une batterie flottante, l’ancien cuirassé Rostislav. Un total de 20 navires de guerre, des navires et bateaux auxiliaires et la 2e escadrille d’aviation navale de la base de Kertch dont l’objectif était d’assurer la domination en Mer d’Azov, le soutien du flanc droit de l’armée et des opérations de débarquement.

Après la bataille du 2 septembre avec la flotte rouge dans la Mer d’Azov, les contre-torpilleurs du 1er groupe furent affectés à Kertch pour renforcer le 2e groupe.

3e groupe naval. Officier de pavillon subalterne : capitaine de vaisseau I.K. Fediaevski. Le groupe était composé d’une division de canonnières, d’une division de barges armées, d’une division de vedettes armées et d’aviso. Un total de 16 navires de guerre et patrouilleurs basés à Sébastopol dont l’objectif était de soutenir le flanc gauche de l’armée et les opérations de débarquement.

Au cours des SEPT MOIS de lutte héroïque de l’Armée russe aux marches de la Crimée, les deux flancs du front furent toujours soutenus par l’artillerie des trois groupes de navires. Le cuirassé  Guénéral Alexeev », sous pavillon du commandant de la flotte,  réduisit au silence l’artillerie de la forteresse d’ Otchakov avec sa puissante artillerie ouvrant ainsi la communication avec le delta du Dniepr.

Le 21 mai 1920, deux grands débarquements furent effectués simultanément à l’arrière des Rouges. Sur le flanc droit, le 2e groupe de navires renforcé par des transports débarquèrent à Kirillovka dans des conditions très difficiles et par tempête, le 2e corps d’armée du général Slachtchev avec 12 milles fantassins et cavaliers, des équipements militaires et de l’artillerie. Sur le flanc gauche le 3e détachement ainsi que des transports, débarquèrent à Khorlah et Skadovsk, la divisions des Drozdovtsy du général-lieutenant Vitkovski, après une préparation d’artillerie.

Cette brillante manœuvre porta un coup à l’Armée rouge qui assiégeait la Crimée et l’Armée russe poursuivit son offensive vers le nord de la Tauride.

Le 1-er août 1920, le 2e groupe naval, renforcé par des transports, débarqua dans la mer d’Azov à la stanitsa Primorsko-Akhtarskaya, une unité constituée de 18 000 hommes de l’armée du Kouban du général Oulagaï. Cette unité rencontra une forte résistance et fut de ce fait réembarquée à la stanitsa Atchouevskayaï, mais ses effectifs passèrent à 22 000 hommes.3Note PL : de nombreux chevaux furent également embarqués en remplacement de ceux laissés lors de l’évacuation de Novorossiisk       

Le 12 octobre 1920, le contre-amiral M. A. Kedrov4Note PL : le vice-amiral M.P. Sabline décéda le 17 octobre 1920, après une longue et grave maladie.fut nommé commandant de la Flotte 5, et le contre-amiral Machoukov fut nommé chef d’état-major. À la fin du mois d’octobre, sous la pression des forces supérieures de l’ennemi, l’Armée russe se retira de la Tauride du Nord à Perekop. Le général Wrangel ordonna l’évacuation.

Le 27 octobre, l’ordre fut mis à exécution. Au lieu du délai prévu de 2 semaines, la Flotte eu 3 jours pour préparer les navires aux points d’embarquement.

La Flotte s’acquitta de cette tâche et du 31 octobre au 4 novembre, un peu moins de 130 navires surchargés de gradés et de réfugiés quittèrent Sébastopol, Yalta, Evpatoria, Feodossia et Kertch et se   dirigèrent vers Constantinople.

La Flotte rouge n’osa pas quitter ses ports et gêner l’évacuation car la FLOTTE RUSSE a maintenu sa domination de la mer jusqu’à la fin. Ainsi, la marine a rempli son devoir envers la PATRIE et l’ARMÉE.

Le 8 novembre, le commandant en chef émit l’ordre n° 4187.

« La situation difficile, fin octobre, dans laquelle se trouvait l’Armée russe, m’a obligé à prendre la décision d’évacuer la Crimée, afin de ne pas laisser les troupes exsangues périr dans une lutte inégale avec l’ennemi. Tout le poids et la responsabilité du succès de la tâche à accomplir incombaient à notre vaillante Marine, qui aux côtés de l’Armée, avait partagé les efforts et les privations de la période de lutte contre les oppresseurs et les violeurs de la mère-patrie en Crimée.

La difficulté de la tâche confiée à la Marine était accrue  par le temps d’automne et du fait que, malgré mes avertissements concernant les privations imminentes et un avenir difficile, environ cent cinquante mille Russes – combattants, civils, femmes et enfants ne se soumirent pas à la violence et à l’injustice, préférant l’exode vers l’inconnu. Le travail effectué avec abnégation par la Flotte permit à chacun d’avoir l’opportunité de prendre sa décision. Tout ce qui pouvait non seulement flotter sur la mer, mais aussi être remorqué, avait été mobilisé.

De manière ordonnée, sous la protection des navires de combat de la flotte, les bateaux à vapeur et les navires surchargés, certains marchants seuls, d’autres en remorque, se détachaient un par un de la terre russe, se dirigeant vers les rivages lointains de Tsargrad. 5Note PL : appellation ancienne de Constantinople.

Et voici un spectacle sans précédent dans l’histoire de l’humanité : plus de cent pavillons russes s’étaient concentrés dans la rade du Bosphore, plusieurs milliers de patriotes russes avaient été évacués, alors que l’avalanche rouge était sur le point de les engloutir dans son feu meurtrier.

Des milliers de personnes furent secourues, à nouveau unies par le désir ardent de se lancer dans une nouvelle bataille mortelle contre les violeurs de la terre russe. Cette grande tâche fut réalisée par la Flotte russe, sous la direction courageuse du contre-amiral Kedrov.        

Je demande à Votre Excellence et à tous les officiers de la Marine de guerre, du plus ancien au plus jeune, d’accepter ma sincère gratitude pour ce travail effectué avec abnégation, confirmant une fois de plus la valeur et la gloire du drapeau russe de Saint-André.   

Mes remerciements les plus sincères vont également à tous les marins de la marine marchande qui, par leur énergie et leur travail, contribuèrent à la réussite de l’évacuation de l’armée et de la population de Crimée.

                                Général WRANGEL.


  • 1
    Note PL : l’association des organisations militaires et des combattants qui se trouvaient dans l’émigration ainsi que celles aussi des acteurs du Mouvement Blanc.
  • 2
    Note PL : notre grand-père
  • 3
    Note PL : de nombreux chevaux furent également embarqués en remplacement de ceux laissés lors de l’évacuation de Novorossiisk
  • 4
    Note PL : le vice-amiral M.P. Sabline décéda le 17 octobre 1920, après une longue et grave maladie.
  • 5
    Note PL : appellation ancienne de Constantinople.

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