LA TENTATIVE D’ASSASSINAT DU GENERAL WRANGEL PAR LES SERVICES SECRETS SOVIETIQUES. LA CROIX DU LOUKOUL.
A la lumière d’informations nouvelles récentes, nous avons modifié la rédaction le 25 octobre 20211L’ancienne rédaction étant : … « L’original avait été signé par : Le Général Wrangel. Il existe de lourdes présomptions concernant une action des services secrets soviétiques le navire Adria de la Lloyd Triestino, ayant été affrété par les centrales d’achat soviétiques Centrozoyouz et Zakoupsouyouz et d’autres éléments évoqués par A. Jevakhoff sont suffisamment convaincants : « Dès janvier 1921, le projet d’un attentat contre le Loukoul organisé par les communistes de Constantinople est connu du 2e bureau français. Les hommes chargés d’enquêter sur le naufrage du Loukoul apprennent qu’en partant de Batoumi, l’Adria a embarqué quatre « commissaires bolchevistes », des hommes qui, profitant d’un contrôle curieusement allégé sur le vapeur italien à son entrée dans le Bosphore, ont disparu. Dans le pilote chargé de conduire l’Adria, les services de renseignements russes reconnaissent un communiste notoire. » Une « Mata Hari» de l’époque, la poétesse Helena Ferrari née Olga Rezvina, mariée Goloubovskaya, est supposée avoir monté ou avoir participé à cette opération. L’écrivain Maxime Gorky aurait prévenu ses amis du milieu littéraire «…elle travaille pour les Bolcheviques, dans le contre-espionnage… c’est elle qui a éperonné le yacht de la garde blanche… ». Nous ne savons quel crédit il faut apporter à cette information. Elle sera fusillée en 1938 par ceux qu’elle servait. Cette affaire fut traitée comme un accident ordinaire, » … pour la partie des auteurs présumés de l’attentat.
L’INCIDENT DU LOUKOUL.
Après l’évacuation de la Crimée, en 1921 à Constantinople, le général Wrangel et son épouse vivaient sur le yacht Loukoul, ex- Kolkhida, ex-Katrena anglaise, acheté par la Marine russe en 1890. Il s’agissait d’un yacht de 54,9 m de long et de 533 t. Une tentative d’assassinat du général a eu lieu le 15 octobre 1921 par « éperonnage » du Loukoul, qui stationnait dans un endroit particulièrement exposé, en raison de « courants traîtres ».
Avant l’éperonnage, deux navires russes, étaient entrés involontairement en collision avec le Loukoul, entrainés par ces courants, causant des dégâts sans gravité.
Il s’agissait du navire Grand Duc Alexandre Mikhaïlovitch, le 10 février, comme l’évoque le rapport2SHD Toulon 56 C 61/62, pour les fautes d’orthographe, c’est ainsi dans le texte. du capitaine de vaisseau Androssoff russe, officier de pavillon du Général Wrangel au capitaine de vaisseau Vandier chef d’état-major français : « aujourd’hui par cause d’un vent très frais et de courant, le navire Grand Duc Alexandre Mikhaïlovitch entra en collision avec le yacht Lucullus. Au cours de cette collision ce dernier fut légèrement avarié, le beaupré et le gréement étant endommagés ».
Il s’agissait ensuite du remorqueur Tchouroubache, le 4 mars, et le capitaine de vaisseau Androssoff annoncait3SHD Toulon 56 C 61/62 au capitaine de vaisseau Vandier : « Aujourd’hui le remorqueur Tchouroubache, à proximité du yacht Lukull, 4Loukoul a été emporté par le courant vers le yacht et a complétement cassé le beaupré de ce dernier », beaupré qui, entre-temps, avait été réparé après la première collision.
Le yacht fut finalement coulé par un troisième navire, italien, volontairement comme nous le démontrons, par les services secrets soviétiques. A ce moment, ayant changé soudainement le lieu d’une rencontre qui devait se tenir à bord, le général Wrangel, son épouse et le commandant du Loukoul, le lieutenant de vaisseau Stépanoff, avaient quitté le navire. Toutes les archives du général furent toutefois envoyées par le fond. Cet évènement suscita une grande émotion d’autant que le mitchman Sapounoff resta volontairement à bord et coula avec le navire. Un autre marin, le coq Krassa fut tué lors de la collision. la mort du matelot Efime Archinnoff est également évoquée dans des sources sérieuses mais il ne figure pas dans les rapports. D’autres marins furent blessés ou commotionnés.
Le 15 octobre 1921, le lieutenant cosaque Kobieff se tenait sur le pont et discutait avec l’officier de quart Sapounoff. Voici son témoignage : 5Blizkaya Dal (Le lointain proche) de Nicolas Nicolaevitch Tchebycheff
« Le 15 octobre, vers 16h30, je suis sorti de mes quartiers et je me suis rendu sur le pont supérieur. Après avoir rencontré l’officier de service, le mitchman Sapounov, nous avons commencé à nous promener. Au bout d’un moment, nous avons remarqué un bateau à vapeur important sous drapeau italien venant de la tour de Léandre. En changeant de cap à hauteur de la tour de Léandre, il a commencé à traverser le Bosphore, en prenant la direction du Loukoul. Nous avons gardé un œil sur le navire. Le navire à vapeur s’approchait du Loukoul à grande vitesse, vitesse inhabituelle pour manœuvrer ou entrer dans la Corne d’Or. Le navire ne changeait pas de direction, et il était clair que s’il ne changeait pas de direction, le Loukoul devrait se trouver sur son chemin. Lorsque le navire à vapeur se trouva à l’avant du cuirassé italien Duilo, je me suis rendu compte que le navire italien ne réduisait pas sa vitesse et ne changeait pas de direction, et j’ai demandé au mitchman Sapounoff si son gouvernail n’était pas endommagé, car avec la vitesse et l’énorme inertie qu’il avait, il n’aurait pas le temps de changer de cap, même en tournant le gouvernail à fond. Sapounoff a répondu que quelque chose était vraiment anormal, mais dans ce cas, le bateau à vapeur n’irait pas aussi vite et avec autant de confiance, émettrait des signaux et informerait d’une manière ou d’une autre de son avarie et du danger qu’il représente pour les autres. Cependant, le vapeur, sans réduire sa course, se dirigeait vers le yacht comme s’il n’était pas sur son chemin. A environ 300 pas du yacht, nous avons vu jeter l’ancre de droite. Il nous est apparu clairement que nous ne pouvions pas éviter une collision sur le côté, car à la vitesse à laquelle le navire se déplaçait, il était évident qu’à cette distance, l’ancre n’aurait pas le temps de retenir le navire, en raison de l’énorme inertie. Le mitchman Sapounoff a crié pour larguer les amarres et couru vers le pont avant pour appeler l’équipage. Je me suis précipité vers le cockpit arrière, où mes cosaques avaient été placés, et j’ai crié qu’ils sortent d’urgence. À ce moment, j’ai entendu jeter la deuxième ancre, et le navire, s’approchant de telle manière qu’il était impossible de voir ce qui se passait à l’avant du vapeur depuis le pont du Loukoul, a continué sa route vers le côté gauche du yacht. 10 secondes plus tard, il s’est approché, il y a eu un fort craquement et des planches furent projetées dans toutes les directions »
Le navires coula en quelques secondes. Les marins de l’Adria ne menèrent aucune action de sauvetage et ce sont des pêcheurs qui sauvèrent les rescapés.
Le 18 octobre le général Wrangel émit l’ordre N° 350 :
«Le 15 octobre, le yacht militaire Loukoul a coulé en rade de Bosphore, éperonné par un vapeur italien provenant de Batoumi.
Le dernier navire arborant le cher drapeau de Saint André à Tsargrade» 6Ancienne appellation russe de Constantinople. «n’est plus.»
L’héroïque mort de l’officier de quart, le mitchman Sapounoff, qui n’a pas voulu quitté son cher navire, a coulé par le fond avec lui et la vaillance de tous les officiers pendant la minute où le navire sombrait, prouve que l’esprit et l’héritage de la Flotte russe sont bien vivants dans les cœurs des marins russes.
Que l’exploit du mitchman Sapounoff renforce les cœurs des hésitants, et qu’il inculque la foi, qu’après toutes les épreuves, la flotte russe ressuscitera à l’ombre du drapeau de Saint-André et avec elle, la Russie.
L’original avait été signé par :
Le Général Wrangel»…
Il existe de lourdes présomptions concernant une action des services secrets soviétiques le navire Adria de la Lloyd Triestino, ayant été affrété par les centrales d’achat soviétiques Centrozoyouz et Zakoupsouyouz 7La flotte russe à l’étranger de Nikita Kouznetsoff. Edition Veche http://www.veche.ru et d’autres éléments évoqués par A. Jevakhoff 8Les Russes blancs Editions Tallandier sont suffisamment convaincants : « Dès janvier 1921, le projet d’un attentat contre le Loukoul organisé par les communistes de Constantinople est connu du 2e bureau français. Les hommes chargés d’enquêter sur le naufrage du Loukoul apprennent qu’en partant de Batoumi, l’Adria a embarqué quatre « commissaires bolchevistes », des hommes qui, profitant d’un contrôle curieusement allégé sur le vapeur italien à son entrée dans le Bosphore, ont disparu. Dans le pilote chargé de conduire l’Adria, les services de renseignements russes reconnaissent un communiste notoire. »
Une « Mata Hari » de l’époque, la poétesse Helena Ferrari née Olga Rezvina, mariée Goloubiova (quelquefois mentionnée Goloubiovskaya), était supposée avoir monté ou avoir participé à cette opération. Cette version est contestée par les uns et confirmée par d’autres, toutefois, au fur et à mesure de la déclassification de documents secrets, le faisceau d’indice tend à prouver que sa participation était non seulement possible mais vraisemblablement probable.
D’où venait cette information ? Un journaliste, Nicolas Nicolaevitch Tchebycheff, écrivit ses mémoires qui se nommaient Blizkaya Dal (Le lointain proche). Il s’agissait du récit de l’évacuation de Crimée par l’Armée russe de Wrangel puis de la vie à Constantinople. Suite à la réaction d’un écrivain, il édita un article dans le journal de l’émigration Vozrojdenie du 17 octobre 1931 « La perte du Loukoul ».
Tchebycheff, n’était pas un journaliste comme les autres. Il avait été sénateur, procureur de la Cour de justice de Moscou, en charge de la Direction des affaires intérieures des Forces armées du sud de la Russie (Armée de Dénikine) en 1919. Dans l’Armée russe du général Wrangel, il était en charge du Service de renseignement de l’état major et il s’agissait également d’un proche du général Wrangel qui avait cotoyé ce dernier pendant l’éperonnage. Sa crédibilité et ses informations sont difficilement contestables. Il mentionna dans son article les faits suivants :
« Un de mes collègues écrivains, un homme connu et sérieux, qui ne mâche pas ses mots, qui sait parler et écouter, X, a lu l’essai ci-dessus et s’est empressé de me mettre au courant. Voici un résumé de ce qu’il a dit.
X vivait à Berlin en 1922. Dans les cercles littéraires de Berlin, il rencontra une dame, Ferrari, 22-23 ans, une poétesse. Ferrari portait le nom de famille Goloubiova. Une petite brune, de type juif ou italien, des traits corrects, jolie, toujours habillée en noir.
Ce portrait pourrait correspondre à celui de nombreuses femmes, à de jolies brunes, mais Ferrari avait un trait caractéristique : il lui manquait un doigt. Ses doigts brillaient après une manucure remarquable, seulement, il y avait neuf doigts.
Depuis novembre 1922, X vivait à Saarov, près de Berlin. Maxime Gorki, qui était à l’époque éloigné des bolcheviques, y avait séjourné dans un sanatorium.
Un jour, Gorki parla à X d’Helena Ferrari.
Tu devrais faire attention à elle. Elle travaille pour les bolcheviques. Elle a travaillé pour eux dans le contre-espionnage. C’est un drôle d’oiseau. C’est elle qui a éperonné le yacht de la garde blanche à Constantinople. »
….
« X, alors éloigné des fronts de la guerre civile, ne savait rien et n’avait rien entendu du désastre du Loukoul. Ce n’est qu’après avoir lu mes écrits qu’il a involontairement et tout naturellement relié cet incident à ce qu’il avait entendu de Gorky à Saarov. »
X était vraisemblablement Khodassevitch, un écrivain, proche de l’écrivain Gorky. Ferrari prenait conseil pour ses œuvres auprès de Gorki qui lui recommanda de s’inspirer du style de Khodassevitch. Elle fréquentait par conséquent ces deux écrivains.
Gorky avaient des relations au plus haut niveau en Russie soviétique, il était protégé, notamment par Staline jusqu’à ce qu’il devienne dérangeant pour ce dernier, par ailleurs, son fils Maxime avait des connaissances au GPU9Direction politique d’État. Police d’état constituée en 1922 à partir de la Tchéka. et il n’est pas étonnant que Gorky ait été parfaitement bien informé.
Il est difficile de s’y retrouver dans la « légende de la vie » d’Helena Ferrari qui a fait couler beaucoup d’encre. On prête à Helena Ferrari dans de nombreux ouvrages une origine prolétarienne, fille de cordonnier, ouvrière … Une source sérieuse10L’article de la Revue militaire russe N° 11 » de l’ex colonel du GRU (Direction principale de renseignement de l’état-major), docteur en histoire, Vladimir Lota. mentionne les informations suivantes. Le nom Helena Ferrari était Olga Fiodorovna Revzina, née à Ekaterinoslav (actuellement Dniepropetrovsk en Ukraine) en 1899. Elle était la fille d’un contre-maître des mines qui gagnait sa vie convenablement. Olga Fiodorovna avait achevé ses études secondaires et étudié le français et l’allemand. Dans son autobiographie écrite en 1921 par Olga Fiodorovna qui signa Goloubiova (elle était par conséquent mariée à cette époque), Olga quitta le domicile à 14 ans pour subvenir à ses besoins par de « petits boulots », notamment dans une usine, tout en continuant ses études. En 1917, Olga et son frère Vladimir, sous l’influence des idées de Bakounine et de collègues d’usines, entrèrent dans un groupe de partisans armés anarchistes et combattirent les blancs. C’est dans ce groupe qu’Olga rencontra Grigori Goloubiov. Lorsque l’Armée rouge entra à Ekaterinoslav, Olga et Victor furent arrêtés puis libérés. Grigori Goloubiov mourut au combat. Olga et Vladimir rompirent leurs relations avec les anarchistes et Olga entra volontairement dans la 1re division ukrainienne Soviétique où elle servit en qualité d’infirmière, de tirailleur puis de commandant d’une section de tirailleurs. Elle fut blessé à la main et perdit un doigt. La 1re division ukrainienne Soviétique fut intégrée dans la 12ème armée soviétique dont un membre du Soviet révolutionnaire était le commissaire Semione Ivanovitch Aralov. En juin 1918, le commissaire Semione Aralov fut chargé d’organiser le Service d’enregistrement, le premier organe de renseignement militaire soviétique et il recruta Olga Goloubiova qui était instruite, attirante, parlait plusieurs langues et avait une expérience du combat.
Son frère Vladimir, en 1919, devint commissaire d’un groupe de partisan qui combattirent dans le région d’Odessa puis commissaire de l’état-major de la division de cavalerie de la 14-e armée. Il fut recruté également.
Selon des informations récentes,11 « Le renseignement militaire soviétique 1917—1934 » de V. Y. Kotchik, M. A. Alexeeff, A. I. Kolpakidi, Edition 1920 ( «Советская военная разведка 1917—1934 гг.»В. Я. Кочик, М. А. Алексеев, А. И. Колпакиди.) un groupe spécial avait été diligenté en Turquie par le « Service d’Enregistrement » du Soviet révolutionnaire militaire en juin 192112Dans la biographie d’Aboltine on parle d’août pour une opération spéciale.
Ce groupe était composé de E. K. Ferrari (Revzina, Goloubiova), V. F. Volia (Revzine le frère de E. K. Ferrari) et I. V. Sabline, V. Y. Aboltine, F. P. Gaidorov (Gaidarji) et d’autres. Au 1er avril 1921 et par conséquent à l’époque des faits relatés, le « Service d’Enregistrement », changea de nom et devint la Direction du renseignement de l’état-major de l’Armée rouge des ouvriers et des paysan. Ce service menait à l’époque en plus de missions de renseignement, des missions de « renseignement actif », c’est-à-dire des actions militaires comme la formation, la fourniture de l’équipement et la direction de groupes armés dans les pays voisins de l’URSS. Un des exemples de l’activité de ce groupe était la prise d’un navire de la flotte Wrangel par l’adjoint au chef du groupe, Volia13 Le renseignement militaire soviétique 1917—1934 » de V. Y. Kotchik, M. A. Alexeeff, A. I. Kolpakidi qu’il convoya à Novorossiisk. Dans le cas d’un autre navire de la flotte blanche arrivé à Rize et confisqué par le gouverneur de cette ville, il était mentionné dans les rapports du groupe : « Bien sûr, il était facile de prendre ce navire par la force, mais par crainte d’un éventuel conflit, nous avons décidé de nous limiter à porter ceci à votre connaissance ». 14Le renseignement militaire soviétique 1917—1934 » de V. Y. Kotchik, M. A. Alexeeff, A. I. Kolpakidi
La biographie de V. Y. Aboltine (Vladimir Yakovlevitch Avarine) et de F. P. Gaidorov (Fiodor Pavlovitch Gaidarji) est connue, par contre celle d’ I. V. Sabline reste introuvable. V. Y. Aboltine et F. P. Gaidorov étaient des d’agents de haut niveau comme par ailleurs, V. F. Volia. Un détail intéressant : F. P. Gaidorov avait terminé l’École des mousses,15Ecole de formation d’officiers mariniers l’Ecole des mines et torpilles et avait servit en qualité de marin. Au moins trois d’entre eux pouvaient être qualifiés de commissaire : V. F. Volia, V. Y. Aboltine, F. P. Gaidorov et cela pouvait correspondre à l’information du 2e bureau français concernant l’embarquement des 4 commissaires à Batoumi .
Au regard des profils des participants présumé à cette opération,16V. Y. Aboltine et F. P. Gaidorov avait fait partie d’une commission chargée de négocier le retour à l’URSS des Sakhalines du sud occupées illégalement par le Japon, une opération qui fut menée de façon remarquable en 1925 nous nous interrogeons sur la capacité de Ferrari à avoir dirigé cette opération.
Après son séjour en Allemagne, vers 1924, Ferrari travailla en Italie, rentra en URSS en 1926 puis fut diligentée en France vers 1930 où elle devint adjointe du « résident ». Elle fut rappelée à Moscou en 1933 vraisemblablement suite à l’article de Tchebycheff. Elle repartira en mission aux USA en 1936.
E. K. Ferrari fut arrêtée le 1er décembre 1937. La profession mentionnée dans son dossier était collaboratrice de la Direction du renseignement de l’Armée rouge au grade de capitaine. Jugée le 16 juin 1938 par le Collège militaire de la Cour suprême de l’URSS, elle fut condamnée à mort et fut fusillée le 16 juin 1938.
Son frère, Mikhail Yakovlevitch Vol, Vladimir Fiodorovitch Revzine fut arrêté le 29 mai 1939. La profession mentionnée dans son dossier était adjoint au chef du 8-ème service de la Direction du renseignement de l’Armée rouge au grade de commissaire de brigade. Jugé le 16 mars 1940 par le Collège militaire de la Cour suprême de l’URSS, il fut condamné à mort et fusillé le 17 mars 1940 pour participation à une organisation de terroristes.
Tous deux furent réhabilités par ce même Collège militaire de la Cour suprême de l’URSS, en 1957 pour Ferrari, et 1956 pour Vladimir.
L’incident du Loukoul fut traitée comme un accident ordinaire, bâclée par le tribunal, le commandant de l’Adria arguant que le courant sous-marins ne lui avait pas été signalé par le pilote et seule la veuve du mitchman Sapounoff reçu une pension à vie. Ce courant toutefois existait bien mais le pilote ne pouvait l’ignorer et pouvait même éventuellement en profiter.
LA CROIX LOUKOUL.
A cette occasion le commandant du Loukoul, le lieutenant de vaisseau Stépanoff, demanda la création d’une croix avec l’inscription Loukoul à l’instar d’autres croix, comme celles de Gallipoli ou de Bizerte.
L’accord pour le création de cette croix lui fut donné.
Ci-dessous les marins autorisés à porter cet insigne :
l’histoire du navire ne s’arrêta pas là, il fut renfloué par les Turcs en 1923 et aura une longue histoire. Son dernier propriétaire T.C.Munakalat Vekaleti Devlet Denizyollari Isletme U.M l’achèta en 1940. Il servit au transport de marchandises et de matériaux. Le 23.02.1940, allant de Bulgarie Burgas vers le Bosphore, chargés de briques et de tuyauteries, il fut coulé par un sous-marin soviétique le CHTCH 213 commandé par le lieutenant de vaisseau Deneïko qui l’attaqua à la torpille, le loupa et le coula au canon 17La flotte blanche de Lapchine et Korobeinnikoff (2 experts de l’histoire des navires) à proximité du Bosphore par 80 m de fond.
Le Yacht continuera, toutefois, à hanter les esprit. Le président du Fond international de bienfaisance du nom du général Koutepoff, le petit fils du général Nicolas Koutepoff, reçu l’information confirmant que le yacht est toujours là, dans le Bosphore par 26 m de fond. Il s’agit, vous l’avez compris, du yacht chargé d’histoire et de légendes et pas celui des briques et des tuyauteries. Nicolas Koutepoff demanda au Ministère de la culture de la Fédération de Russie 15 millions de roubles pour le renflouement, sans succès. Le Directeur de OOO Techtsentr Vozrojdenije se proposa pour renflouer le yacht, le restaurer, créer un musée à Sébastopol et frappa à la porte du ministre du transport sans succès. 18Sevastopolskaya Gazeta : http://sevastopol.press/2019/09/18/hotjat-podnjat-tsarskuju-jahtu/ Rendez-nous le Loukoul ! lit-on dans les journaux on-line.19https://centrasia.org/newsA.php?st=1331300100 Bref, le projet est d’une portée historique considérable, le yacht est toujours là, il ne reste plus qu’à trouver les fonds mais l’administration traine des pieds…
A LIRE : LES COMMENTAIRES DE L’HISTORIEN A. JEVAKHOFF CI-DESSOUS :
- 1L’ancienne rédaction étant : … « L’original avait été signé par : Le Général Wrangel. Il existe de lourdes présomptions concernant une action des services secrets soviétiques le navire Adria de la Lloyd Triestino, ayant été affrété par les centrales d’achat soviétiques Centrozoyouz et Zakoupsouyouz et d’autres éléments évoqués par A. Jevakhoff sont suffisamment convaincants : « Dès janvier 1921, le projet d’un attentat contre le Loukoul organisé par les communistes de Constantinople est connu du 2e bureau français. Les hommes chargés d’enquêter sur le naufrage du Loukoul apprennent qu’en partant de Batoumi, l’Adria a embarqué quatre « commissaires bolchevistes », des hommes qui, profitant d’un contrôle curieusement allégé sur le vapeur italien à son entrée dans le Bosphore, ont disparu. Dans le pilote chargé de conduire l’Adria, les services de renseignements russes reconnaissent un communiste notoire. » Une « Mata Hari» de l’époque, la poétesse Helena Ferrari née Olga Rezvina, mariée Goloubovskaya, est supposée avoir monté ou avoir participé à cette opération. L’écrivain Maxime Gorky aurait prévenu ses amis du milieu littéraire «…elle travaille pour les Bolcheviques, dans le contre-espionnage… c’est elle qui a éperonné le yacht de la garde blanche… ». Nous ne savons quel crédit il faut apporter à cette information. Elle sera fusillée en 1938 par ceux qu’elle servait. Cette affaire fut traitée comme un accident ordinaire, » …
- 2SHD Toulon 56 C 61/62, pour les fautes d’orthographe, c’est ainsi dans le texte.
- 3SHD Toulon 56 C 61/62
- 4Loukoul
- 5Blizkaya Dal (Le lointain proche) de Nicolas Nicolaevitch Tchebycheff
- 6Ancienne appellation russe de Constantinople.
- 7La flotte russe à l’étranger de Nikita Kouznetsoff. Edition Veche http://www.veche.ru
- 8Les Russes blancs Editions Tallandier
- 9Direction politique d’État. Police d’état constituée en 1922 à partir de la Tchéka.
- 10L’article de la Revue militaire russe N° 11 » de l’ex colonel du GRU (Direction principale de renseignement de l’état-major), docteur en histoire, Vladimir Lota.
- 11« Le renseignement militaire soviétique 1917—1934 » de V. Y. Kotchik, M. A. Alexeeff, A. I. Kolpakidi, Edition 1920 ( «Советская военная разведка 1917—1934 гг.»В. Я. Кочик, М. А. Алексеев, А. И. Колпакиди.)
- 12Dans la biographie d’Aboltine on parle d’août
- 13Le renseignement militaire soviétique 1917—1934 » de V. Y. Kotchik, M. A. Alexeeff, A. I. Kolpakidi
- 14Le renseignement militaire soviétique 1917—1934 » de V. Y. Kotchik, M. A. Alexeeff, A. I. Kolpakidi
- 15Ecole de formation d’officiers mariniers
- 16V. Y. Aboltine et F. P. Gaidorov avait fait partie d’une commission chargée de négocier le retour à l’URSS des Sakhalines du sud occupées illégalement par le Japon, une opération qui fut menée de façon remarquable en 1925
- 17La flotte blanche de Lapchine et Korobeinnikoff (2 experts de l’histoire des navires)
- 18Sevastopolskaya Gazeta : http://sevastopol.press/2019/09/18/hotjat-podnjat-tsarskuju-jahtu/
- 19https://centrasia.org/newsA.php?st=1331300100
One thought on “LA TENTATIVE D’ASSASSINAT DU GENERAL WRANGEL PAR LES SERVICES SECRETS SOVIETIQUES. LA CROIX DU LOUKOUL.”
A titre d’information, je signale que L’ Encyclopédie des services spéciaux russes( Moscou 2002) consacre une notice biographique à Elena Constantinovna Ferrari( Olga Fedorovna Gouloubovoskaïa) ( 1889-1938) sans évoquer une participation à l’opération contre le Loukoul. Selon cette source, généralement bien informée, cette capitaine des services de renseignements militaires (Armée rouge) avait été notamment chargée d’évacuer avec l’armée Wranguel pour agir au sein des armées alliées, avant de poursuivre ses activités en France, Italie et Allemagne entre 1922-1925 puis en France( 1930-1933) auprès du résident « illégal ». Avant d’être indument accusée d’espionnage( décembre 1937) et fusillée, elle fut adjointe du 1er service ( Occident) des services d’espionnage de l’Armée rouge. AJ