L’ESCADRE RUSSE A BIZERTE. CHRONIQUE 1921.
Un chapitre du « Chemin de croix des officiers de la Marine Impériale de Russie »
Nos remerciements à I. KUTTLEIN, petite fille du colonel en l’amirauté A. A. POZNIAK, pour la correction des textes.
La plupart des informations de cet article proviennent du rapport émis à Bizerte par l’état-major : « Mise en réserve ou en longue conservation des navires. Première réduction du personnel de l’escadre. » et du rapport du 11 juillet 1921 Intitulé 1920.
PREMIER SEMESTRE 1921.
LES NAVIRES.
MOUVEMENTS DES NAVIRES.
Le 05.01.1921 Le navire-hôpital Tssessarévitch Guéorguiï quitta Bizerte.
Le Szegued arriva à Bizerte le 29 janvier et repartit pour Marseille le 2 février.
L’ARMEMENT LEGER DES NAVIRES.
Une des priorités était de décharger les armes laissées par les militaires en quantités très importantes après leur transfert dans les camps et l’on conservera sur les grands navires comme le Guénéral Alexeeff, 6 mitrailleuses et 250 fusils ainsi que 12 500 cartouches et sur les petites unités, 2 mitrailleuses (36 mitrailleuses en tout), 10 fusils et 4000 cartouches (soit 600 fusils en tout). Un fusil par élève sera affecté à l’École Navale ainsi qu’une mitrailleuse de chaque type pour l’École.
LA DESINFECTION.
Les autorités françaises proposèrent de désinfecter les navires et l’on transféra les premiers à Sidi Abdallah. Les Français exigèrent que les navires soient totalement évacués par les équipages mais les Russes insistèrent et s’obstinèrent pour maintenir le commandant et quatre hommes d’équipage. Les autres navires furent désinfectés par la suite et, au fur et à mesure des désinfections, l’équipage reçut l’autorisation de se rendre à terre et des cartes d’identité furent distribuées.
Le programme de désinfection des navires fut le suivant :
14 janvier : Vsadnik, Tchernomor, Outka et Tioulene
27 janvier : Bourevestnik et AG 22
1 février : Dalland
4 février : Konstantine
8 février : Guénéral Alexeev et Straj
9 février : Pospechny
14 février : Guénéral Kornilov, Yakout et Kitoboy
18 février : Derzki et Svoboda
19 février : Kronstadt et Dobytcha
22 février : Bespokoiny et Pylky
23 février : Gueorgyï Pobedonossets
26 février : Kapitane Saken, Jarky, Grozny
2 mars : Zorky, Zvonky, Djiguit
4 mars : Tsérigo, Gnevny
7 mars : Illia Mouromets et Gaïdamak
La totalité des navires fut désinfectée au 10 mars et ce délai correspond à cette longue quarantaine, tant décriée mais qui n’a véritablement existé que pour les équipages des derniers navires à être désinfectés. Il est vrai aussi, que l’attente du débarquement dans des conditions d’inconfort extrême et l’incompréhension devant les lenteurs du préfet Darrieus, ont dû rendre cette attente interminable dans les souvenirs.
LA REMISE EN ETAT DES NAVIRES.
Le 2 février le contrôle de l’état des navires par une commission constituée d’officiers de pavillon et d’ingénieurs mécaniciens fut effectué.
La plupart des navires étaient dans un état épouvantable. L’exemple du dreadnought Guénéral Alexeeff est révélateur. Mis à l’eau début 1917 après la révolution de février sous le nom d’ Alexandre III il changera de nom et s’appellera Volia le 4 juillet1917. A partir du 16 décembre 1917, il passa sous le contrôle du pouvoir soviétique, le 29 avril 1918, il arbora un court instant le pavillon ukrainien puis quitta Sébastopol pour Novorossiisk. Le 19 juin 1918 il revint à Sébastopol et passa entre les mains allemandes qui l’intégrèrent à leur flotte sous le nom de Wolga mais aucun équipage ne fut affecté au navire. A partir du 24 novembre 1918 il passa sous le contrôle des alliés franco-anglais sous le nom de Volga. Les Anglais remorquèrent le navire dans la mer Marmara et effectuèrent quelques travaux d’entretien. Le 17 octobre 1919 le navire fut rendu à la Marine Armée du Sud de la Russie (Dénikine). L’équipage toutefois n’a pu être constitué que l’été 1919 et on peut estimer qu’à partir de 1918 l’entretien du navire n’avait été effectué que de façon aléatoire.
On peut toutefois considérer que le Guénéral Alexeeff en qualité de « merveille des merveilles » a eu un traitement de faveur alors que les autres navires, restés à Sébastopol, avaient été pillés et quelques-uns carrément démontés. Les cosaques du Don, dès juin 1918 organisèrent leur défense contre les bolchéviques et démontèrent les canons des navires à Sébastopol pour équiper trains blindés et canonnières sous l’œil bienveillant des Allemands qui occupaient le port et qui encourageaient tous ceux qui pouvaient avoir des velléités d’indépendance.
Un navire toutefois fut épargné, il s’agit du croiseur Kagoul, qui fut nommé par la suite Guénéral Korniloff. Il servait de base vie à l’équipe de l’ingénieur Sidensner qui était chargé du renflouage du dreadnought Imperatritsa Maria à Sébastopol. A bord, l’ordre régnait et il n’y eut pas de pillage. En automne 1918, un groupe d’officiers, la plupart des anciens du Kagoul, avec à leur tête le capitaine de Frégate Potapieff, sous prétexte d’assurer le gardiennage, montèrent à bord puis prièrent poliment mais très fermement l’équipe Sidensner d’aller loger ailleurs. C’est ainsi que le futur Guénéral Korniloff, intégra la Flotte blanche de la mer Noire.
NAVIRES MIS EN RESERVE OU EN LONGUE CONSERVATION ET DISPOSITION DES NAVIRES.
Le préfet maritime reçut l’instruction de mettre en réserve les navires les plus significatifs sur le plan militaire : le Guénéral Alexeeff, le Guénéral Korniloff , le Kronstadt , le Derzkiï, le Pylkyï et le Bespokoïny et de mettre les autres navires en longue conservation. Sur demande de l’état-major russe, les quatre sous-marins furent également placés en réserve. Le 19 février, l’amiral Kedroff, confirma par télégramme l’approbation de toutes les parties.
Le navire-atelier Kronstadt se montra particulièrement utile dans cette opération pour toutes les interventions sur le matériel.
Dès mars, les navires furent répartis en trois groupes : le premier fut constitué des grands navires en réserve le Guénéral Korniloff, le Kronstadt, le Guénéral Alexeeff,[1] le deuxième, commandé par le commandant de la division des sous-marins, le capitaine de frégate Kopieff, fut constitué des contre-torpilleurs, remorqueurs, canonnières, sous-marins au mouillage dans la baie de Karouba. Ce deuxième groupe fut réparti en 3 divisions, chaque division comprenant un contre-torpilleur en longue conservation, utilisé en qualité de base-vie.
Des travaux importants de remise en état (hors peinture et carénage) se déroulèrent sur les navires de réserve ainsi que sur ceux placés en longue conservation .
Il s’agissait de remise en état des navires en réserve ainsi que de travaux de préparation à une longue conservation de l’artillerie et des équipements des mines et torpilles, des projecteurs, des radios, des générateurs, des travaux de nettoyage et de conservation des chaudières, des turbines, de la robinetterie…. conformément aux instructions émises par l’état-major. Sur les navires placés en longue conservation les locaux contenant du matériel de navigation et d’autres équipements étaient inventoriés et placés sous scellés.
Il était prévu que les travaux de remise en état soient achevés vers avril.
Fin février/début mars, la moitié des navires nécessitaient un carénage et le commandant de l’Escadre par intérim aborda la question avec les Autorités françaises puisque cette intervention nécessitait une mise en cale sèche à Sidi Abdallah. Une lettre du 3 avril du capitaine de vaisseau de Laferrière informa l’état-major de l’Escadre russe avoir nommé un agent technique principal. Il s’agissait de Monsieur Renoir, qui était chargé d’identifier les travaux d’entretien ainsi que la quantité de matériaux nécessaires en coordination avec les commandants des navires et les ingénieurs mécaniciens. Le carénage des navires russes étaient effectués lorsque les docks se libéraient à Sidi Abdallah, les navires militaires français étant prioritaires.
Le 20 mars 1921 les autorités maritimes françaises autorisèrent la navigation du navire-école Svoboda sur le lac à des fins de formation.
Des sources de revenus furent recherchées par l’état-major de l’Escadre et par les Français mais les diverses possibilités étudiées comme la vente des navires fut inacceptable pour les Russes, la prise de commandes par les ateliers du Cronstadt inacceptable pour les Français en raison de la concurrence que cela aurait occasionné aux entreprises locales. L’inaction se traduisit par le départ des meilleurs ouvriers. Un autre projet, celui de la location de navires comme le Yakout traîna en longueur et n’aboutit pas. Le 7 janvier 1922 le préfet maritime informa l’état-major de l’Escadre[1] que 41 armateurs avaient été consultés, 34 ne répondirent pas et 7 refusèrent l’offre. Ce projet donna lieu à de laborieuses négociations avec le chef d’état-major français, le capitaine de vaisseau Laferrière qui insistait pour que les finances dégagées soient affectées aux réfugiés alors que l’état-major russe proposait de garder un montant pour satisfaire les besoins les plus élémentaires des équipages, et améliorer la situation pour les femmes et les enfants des officiers.
LE CROISEUR ALMAZ ET SON EQUIPAGE
Le croiseur Almaz stationnait à Sidi Abdallah et son capitaine Grigorkoff était l’autorité maritime russe locale qui avait la responsabilité des relations avec les autorités portuaires et médicales françaises ainsi que les chantiers. Il fut assisté d’un ingénieur mécanicien et d’un intendant. Les relations avec le représentant du Service auxiliaire français, le lieutenant Perco, étaient assurées par l’état-major de l’Escadre.
De Gauche à Droite :
Couchés : Strachevskiï, Tcherbycheff
Assis : Lagadovskiï (sous-lieutenant, chef de quart), Manokhine (lieutenant, administrateur), Ellenboguen (lieutenant de vaisseau, second), Grigorkoff (capitaine de vaisseau, commandant), Ivanoff (chef mécanicien), Bytchkoff (docteur), Voinevitch (lieutenant, officier-artilleur), Goloubeff (mitchman, chef de quart)
Debout, première rangée : Tarassenko, Ponomareff, Tchernenko, Boronenko, Aslanoff, Apostoli, Apostoli, ?, Enkelberg
Debout seconde rangée : Prisspoulski, Mouchakoff, Krasnovski, Jourabkoff, Zaborovski, Berezovskiï, Poliakoff (maître d’équipage), Lagadovskiï, Belokouroff, Klimenko, Berezovskiï, Sviatopolk-Lagadovskiï.
LES HOMMES
Le 3 janvier, deux possibilités avaient été présentées aux officiers, et grades subalternes de l’escadre, rester dans la flotte et se soumettre aux exigences du statut de la Marine de guerre russe et à celles des autorités françaises ou partir pour la Serbie en qualité de refugié.
Les rations étaient identiques pour tous et correspondaient aux rations des matelots français.
Les Français s’étaient engagés à donner des uniformes mais cela trainait en longueur. L’Escadre disposait de tissu bleu en quantité qui fut distribué. Par ordre N° 8 du 15 janvier, les commandants des navires devaient organiser la confection d’uniformes dont le modèle était décrit. Il était précisé que l’autorisation de descente à terre ne serait donnée que si l’intéressé était revêtu d’un uniforme strictement conforme à celui de la Marine soit d’un uniforme confectionné et conforme à l’ordre.
Du tissu avait été distribué également aux femmes et enfants des camps.
Le 3 février 1921 le commandant de l’Escadre par intérim et le préfet maritime Darrieus visitèrent l’École Navale à Djebel Kébir, le camp Nador dans lequel furent placés 150 personnes arrivées sur le Tsséssarévitch Guéorgui et le camp Ben Négro dans lequel furent placés 476 personnes du Constantin.
Les équipages furent autorisés à se rendre à terre à partir du 20 février et on constata une consommation d’alcool excessive puis les choses rentrèrent dans l’ordre. Des cas d’insubordination furent également constatés sur les navires mais les « indésirables » soit 90 personnes furent envoyés le 13 mai dans le camp disciplinaire Shreck. Ils trouvèrent rapidement du travail et quittèrent le camp.
Après la sortie des premiers navires de la désinfection et l’autorisation de descendre à terre, une permanence incluant un médecin fut mise en place. Cette permanence fut chargée de la surveillance et de l’organisation en mer et à terre. Un officier russe était présent dans le centre de commandement français pendant les promenades des équipages russes à terre.
Le 14 février 1921 les Français transmirent au commandant par intérim un télégramme reçu par le préfet maritime. Il s’agissait de la proposition du gouvernement brésilien de recevoir 10 000 Russes de l’Armée Wrangel, de préférence avec les familles, à condition qu’ils soient agriculteurs. Des volontaires s’inscrivirent, 794 personnes dont 11 femmes et 6 enfants. Il n’y eu toutefois pas de suite à cette proposition jusqu’à fin mai.
En février 1921 le transfert du personnel et des élèves de l’Ecole Navale fut achevé à Djebel Kébir et au village de Sfayat. Il s’agissait de 17 officiers externes, de 235 garde-marines, 110 cadets, 60 officiers et enseignants ainsi que les familles qui comptaient 50 personnes.
Courant mars 1921, 1721 réfugiés assistés vivaient dans les camps, 2804 sur les navires, 490 avaient rejoint l’École navale, 96 étaient encore à l’hôpital et 28 réfugiés vivaient de façon indépendante à leurs frais.
Le 1er mars 1921 le préfet maritime Darrieus fut remplacé par le préfet maritime, le vice-amiral Varney.
Le 6 mars 1921 il avait été annoncé que l’escadre se déchargeait de toutes responsabilités pour les personnes qui l’avaient quittée.
Des discussions furent menées avec le préfet maritime pour établir les effectifs et une première proposition russe qui consistait à maintenir 1559 personnes fut refusée par les Français.
Une nouvelle proposition d’effectifs fut établie. Elle mentionnait 161 officiers, 53 sous-officiers, 1128 matelots soit 1342 personnes et 1300 personnes furent débarquées dans les camps au fur et à mesure des places disponibles et des capacités de désinfection. Ci-dessous les résultat de ces négociations et des dispositions prises en mars 1921.
A partir de fin mars 1921, le nombre de départs du personnel de l’escadre devint inquiétant. 70 personnes par jour quittaient les navires principalement du fait d’une forte demande de main d’œuvre dans les exploitations agricoles et début juillet 1921, les effectifs affectés aux navires furent inférieurs à ceux prévus. Cette situation permit de payer un salaire modique à ceux qui restaient. Les officiers recevaient 15 à 22 francs par mois et les hommes d’équipage 10 à 14 francs. Une fois les travaux agricoles terminés de nombreux candidats à une réaffectation se firent connaitre et les meilleurs éléments furent réintégrés dans l’Escadre.
Les meilleurs spécialistes trouvaient facilement un emploi à terre, surtout les mécaniciens qu’il fallut remplacer. On organisa donc, dans le cadre de l’Escadre, des cours de mécanique d’une durée de 3 mois sous la direction du capitaine de frégate Païdassi. Ce cursus fut suivi d’un cours de spécialisation d’une autre période de trois mois pour les meilleurs élèves. Cet enseignement fut prodigué jusqu’à fin 1921.
Le 6 avril 1921, l’amiral Tikhmeneff écrivit dans un compte-rendu que l’Escadre compte 2740 bouches à nourrir dont 1500 totalement inutiles. Ces personnes furent débarquées et prirent le statut de réfugiés au rythme des injonctions françaises de réduction de budget ou des offres d’emploi.
Des formations d’artilleurs furent organisées à partir du 23 mai 1921 sur le Guénéral Alexeeff.
Un cursus de formation d’officiers sous-mariniers[2] fut également mis en place par le capitaine de frégate Kopieff à partir du 10 juin 1921 et vingt officiers et grades subalternes s’inscrivirent à ces cours. En raison de la réduction du personnel de l’escadre ce cursus prit fin en novembre 1921.
Il était prévu que les familles des officiers logent sur le « Guéorgui » en cours d’aménagement à cet effet par les Français avec imputation des frais sur le compte russe. Il fut amarré dans le canal de Bizerte en mai 1921.
SECOND SEMESTRE 1921
LES NAVIRES
Après une épidémie de peste le Cronstadt fut remorqué vers Frioul pour une désinfection et intégra la Marine française (Voir dans ce blog « L’affaire du Cronstadt et du trésor Wrangel. »)
Le 17 juillet 1921, le transport Don arriva à Bizerte sous drapeau français. Son équipage, fut débarqué sur initiative des Français et envoyé au camp de Nador à l’exception du commandant, le capitaine de vaisseau Zelenoï, du chef mécanicien et de quatre hommes d’équipage qui furent rémunérés par la compagnie Transport Maritime. Le navire sera placé à Sidi Abdallah en attente d’instructions.
A partir de fin juillet les navires furent admis dans les docks pour carénage. Le travail était effectué par le personnel de l’Escadre russe. De la peinture sous-marine était distribuée mais seulement pour une couche ce qui était le strict nécessaire pour la conservation de la coque d’un navire restant à l’ancre. Pour les navires en service comme les remorqueurs, 3 couches étaient prévues. A fin mars 1922 la plupart des navires étaient carénés.
Des travaux d’entretien furent effectués sur les navires en réserve comme le navire de ligne Guénéral Alexeeff, le croiseur Guénéral Korniloff, les contre-torpilleurs Pylkï, Derskï, Bespokonnyï ainsi que sur les remorqueurs Gollande, Kitoboï et Tchernomor, tout particulièrement sur les mécanismes. Les travaux nécessitaient beaucoup de temps en raison du manque de personnel et de l’absence des spécialistes indispensables. Il n’y avait que 186 personnes à bord du Guénéral Alexeeff au lieu des 900 préconisés. A ce rythme, il était prévisible que le navire ne pourrait être prêt qu’au printemps 1922.
En hiver 1921, en raison de la mauvaise qualité et des faibles quantités de peinture les navires rouillèrent de façon excessive et cela commençait à préoccuper l’état-major.
En décembre le croiseur Guénéral Korniloff et le remorqueur Tchernomore furent mis au dock et furent suivis par le brise-glace Illia Mouromets et le contre-torpilleur Zorkï. La peinture utilisée pour la partie sous-marine n’était pas satisfaisante. De la peinture fut reçue après maintes demandes auprès des Français mais en raison des pluies les travaux de peintures ne purent être finalisés en décembre.
Le 22 octobre le Guénéral Alexeeff sortit du dock et fut amarré à un coffre en rade de Sidi Abdallah.
Le Yakout sortit de révision et des essais « en mer » dans le lac de Bizerte furent effectués le 11 novembre. Les résultats furent jugés satisfaisants.
LES HOMMES
A partir du 11 juin, le départ des marins de l’escadre ne pouvait avoir lieu qu’avec l’autorisation de l’état-major de l’escadre.
En juillet 1921, il restait dans l’escadre 1248 marins.
Au 1-er décembre 1921 on comptait dans l’Escadre 880 personnes dont 178 officiers, 15 gardes-marine, 80 cadets, 496 hommes d’équipage, 75 femmes, 36 enfants.
Vers le 1-er juillet, les familles des marins qui vivaient sur les navires de l’escadre, furent transférées sur le « Guéorgui« .
A partir du 22 août 1921, des uniformes de travail ainsi que des chaussures furent distribués par l’intendance française.
Le sucre, prévu dans les rations distribuées par les Français était en quantité insuffisante. Fin août 1921, un lot important de sucre, expédié par l’amiral Kedroff, sera reçu et 600 g/mois seront distribués à toute personnes recevant des rations.
Le personnel de l’Escadre recevait une indemnité de 21,15 francs par mois pour les officiers et de 14,10 F par mois pour les grades subalternes. Cette somme était insuffisante pour satisfaire les besoins les plus élémentaires mais il n’était pas possible de l’augmenter par manque de moyens.
REDUCTIONS DES EFFECTIFS DE L’ESCADRE
Le 26 octobre 1921 le préfet maritime demanda[4] une nouvelle réduction du personnel de l’escadre. Le nombre de 200 fut avancé par le préfet et soumis à approbation de l’amiral Berens. Après des pourparlers qui durèrent plusieurs jours on arrêta le nombre de 348 et le 7 novembre, les personnes en surnombre furent transférées dans le camp de Chreck Ben Chaban. Le 10 novembre, suite à une action de l’amiral Kedroff et du capitaine de vaisseau Dmitrieff, un ordre arriva du Ministère de la Marine de Paris mentionnant que 700 personnes devaient être conservées dans l’escadre mais seulement à titre temporaire.
Cette mesure était toutefois un coup dur pour l’Escadre qui venait de constituer des équipages professionnels après s’être débarrassée des indésirables et qui se trouvait maintenant dans l’obligation de faire des choix difficiles et le plus souvent injustes.
Le personnel fut débarqué à partir du 7 novembre 1921, « honorablement »,[5] en conservant les vêtements et uniformes reçus, avec un change de linge et une recommandation des plus bienveillantes adressée à la Direction de l’Agriculture de Tunis.
Cette mesure mit malheureusement fin à la formation d’officiers sous-mariniers organisée par le capitaine de frégate et sous-marinier Kopieff. Deux officiers et dix sept grades subalternes achevèrent la formation et reçurent une attestation.
Le capitaine de vaisseau Dmitrieff informa qu’une réduction des effectifs à 350 était prévisible au 1er avril 1922. L’amiral Berens prit les devants et réduisit les effectifs à 646 personnes au 1er décembre 1921.
LES EVENEMENTS
VISITE DE L’AMIRAL KEDROFF, COMMANDANT DE L’ESCADRE
Le 13 juillet 1921, l’amiral Kedroff et l’ex-attaché naval en France le capitaine de vaisseau Dmitrieff, se rendirent à Bizerte à bord du Vinh-Long pour une visite ainsi qu’une inspection.
Le préfet maritime reçut l’ordre du ministre de la Marine française de faciliter l’inspection de l’Escadre, de l’Ecole Navale et des camps. L’amiral Kedroff ne vint pas les mains vides et versa 45 000 francs à l’Escadre ce qui permit à la Commission aux affaires russe d’Afrique de nord créée par l’amiral Berens de mener son activité.
Une rencontre fut organisée à bord du Guénéral Korniloff avec les officiers de pavillons et les commandants de l’escadre. Plusieurs questions furent abordées comme l’avenir de l’escadre et une éventuelle participation aux combats à Vladivostok[6].
Les navires furent examinés dans le détail et une visite fut effectuée dans les camps et l’Ecole Navale. Le navire-école de l’Ecole Navale Svoboda (liberté), un trois mâts barque, ex Velikaya Kniaguinia Xenia Alexandrovna[7], rebaptisé Svoboda après la révolution de février, fut rebaptisé Moriak (Le marin). Il avait été également décidé que la présence de l’amiral était indispensable à Paris. L’amiral Kedroff et le capitaine de vaisseau Dmitrieff repartirent le 21 juillet pour Toulon puis Paris, non sans avoir félicité de très nombreuses personnes.
AUTRES EVENEMENTS
Le 2 octobre, deux matelots, Bakhtine et Nikiforov, débarqués du Guéorgui Pobedonossets pour indiscipline et placés à Nador, revinrent sur le navire armés de couteaux et menacèrent l’officier de permanence, le capitaine Timarevski qui se trouva dans l’obligation de se servir de son revolver et les blessa tous les deux. Il faut noter que le capitaine ne réagit pas à l’insulte sinon par la parole et ne se servit de son arme que sous la menace des armes.
Ce cas donna lieu à un imbroglio juridique, les russes voulaient juger les 2 matelots du fait de l’exterritorialité des navires et les français considéraient que c’était à eux de le faire du fait que les navires arboraient le drapeau français. Cette situation déboucha sur la négociation d’un accord, signé par les deux parties, stipulant que le jugement était du domaine des Russes mais que l’emprisonnement et la police à terre étaient du domaine des Français. Ces longues tractations permirent aux matelots de disparaître, ce qui était sans doute une bonne solution pour tous.
En décembre 1921 une somme de 3 francs fut à distribuée pour fêter Noël, à tout le personnel de l’escadre, à L’Ecole navale et aux réfugiés assistés, et 14 francs pour tous les enfants de moins de 14 ans.
LA CROIX DE BIZERTE
Le 25 décembre 1921, le commandant par intérim de l’Escadre russe répercuta l’ordre du général Wrangel[8], relatif aux « Dispositions concernant l’insigne du séjour de l’Armée russe dans les camps militaires à l’étranger et de la flotte russe à Bizerte ». Ces insignes avaient été créés « en souvenir des peines et des privations ainsi que pour la distinction de ceux qui n’avaient pas souhaités sortir des rangs qui nous sont chers »
Les insignes portaient l’inscription suivante en russe : Galipoli 1920 – 1921, Lemnos , 1920 – 1921 Kabadja-Galipoli 1920 – 1921, Tchaladja 1920 – 1921 , Loukoul 1920 – 1921, une croix était sans inscription et avec les dates seules pour ceux qui était basés à Constantinople ou hors des camps et Bizerte 1920 – 1921.
L’ordre donnait un descriptif de l’insigne. Croix noire, en émail, à branches égales avec une bordure blanche et avec les inscriptions mentionnées ci-dessus ainsi que les dates 1920 – 1921. Pour la flotte, elle devait comporter la mention « Bizerte ». Avaient le droit de porter cette croix tous les gradés ayant séjourné dans les camps militaires et entrés dans l’armée ou la flotte au plus tard le 1-er mars 1921 et restés jusqu’à la fin c’est-à-dire jusqu’au transfert dans les pays des Balkans et pour la flotte, un an à partir de la date d’arrivée à Bizerte.
On ne sait pour quelle raison, il est aujourd’hui admis, y compris dans les ouvrages les plus sérieux, comme l’article du numismate P. V. Pachkoff dans « Le passé militaire N° 50 », un ouvrage de référence, que tous ceux qui avaient été à Bizerte, avaient le droit de porter cette croix.[9]
Une autre information de l’article de P. V. Pachkoff concernant la croix de Bizerte est des plus étonnantes, la croix de Bizerte était réputée de meilleure facture que les autres en raison du fait qu’elle avait été fabriquée à bord du Cronstadt alors que ce dernier, en décembre 1921, avait quitté Bizerte depuis des mois.
[1] Lettre N° 109 D
[2] Ordre N° 459
[3] Amarrés respectivement aux coffres 8, 7, et 5 amarrés dans le canal
[4] Lettre du 21 octobre N° 2105
[5] Ordre N° 690, 691, 694
[6] Suite au putsch de 1921
[7] Grande duchesse Xenia Alexandrovna
[8] Du 15 novembre 1921 N° 369
[9] Idem pour les croix de Gallipoli, Lemnos, Tchaladja …