BIZERTE. L’ESCADRE ET LA COLONIE RUSSE. LES GRANDES LIGNES.

BIZERTE. L’ESCADRE ET LA COLONIE RUSSE. LES GRANDES LIGNES.

L’ETAT MAJOR DE L’ESCADRE RUSSE

Officiers de l’Etat-Major de l’Escadre Russe. Photo prise sur Le Derzkiï en 1923. Cliquez pour zoomer.

L’Escadre et l’Ecole Navale sont sous l’autorité de l’état-major de l’Escadre. Les Français respectent cet état de fait. Le contre-amiral Berens est le commandant de l’Escadre par intérim mais le vice-amiral Kedroff restant à Paris, il deviendra commandant permanent de l’Escadre. Son chef d’état- major est le contre-amiral Tikhmeneff. L’ingénieur mécanicien de pavillon (principal) sera le général-major en l’amirauté Maksimenko.


Officiers de l’Escadre[1] assis de gauche à droite : le général-lieutenant du département de la justice de la Marine de guerre L. D. Tverdyï, audit principal pour la partie juridique et disciplinaire de l’état-major ; le contre-amiral S. N. Vorojéikine, officier de l’état major du commandant ; le vice-amiral A. M. Guérassimoff, directeur de l’École navale ; le contre-amiral M. A. Berens, commandant de l’Escadre par Intérim ; le contre-amiral A. I. Tikhmeneff, chef d’état-major ; contre-amiral M. S. Podouchkine, commandant de l’ex-navire de ligne Gueorguï Pobedonossets ; le général-major en l’amirauté A. E. Zavalichine, responsable du personnel de l’Ecole.

Derrière, debout de gauche à droite : 1. Le lieutenant de vaisseau R. E. Von Virène, officier de l’état major du commandant ; 2. Capitaine de frégate S. A. Yakoucheff, commandant de section de l’Ecole Navale; 3. Capitaine de vaisseau K. V. Mordvinoff, officier de l’état major du commandant ; 4. Le docteur A. E. Kojine, chirurgien principal de l’Escadre ; 5. Le général Major en l’amirauté Y. G. Chplette, second de l’ex-navire de ligne Gueorguï Pobedonossets ; 6. Capitaine de vaisseau S. L. Troukhatcheff, membre de la Commission des affaires des russes en Afrique du nord ; 7. Capitaine de vaisseau V. I. Lebedeff, commandant du contre-torpilleur Zvonkiï ; 8. Le docteur N. M. Markoff, médecin principal de l’Ecole Navale ; 9. Capitaine de vaisseau N. R. Goutane, commandant du contre-torpilleur Derzkiï ; 10. Capitaine de vaisseau ; 10. Capitaine de vaisseau V. A. Potapieff, commandant du croiseur Guénéral Korniloff ; 11. Docteur V. I. Bologovskiï, docteur de pavillon (principal) de l’Escadre 12. Capitaine de cavalerie K. I. Tikhmeneff, membre de la Commission des affaires des russes en Afrique du nord ; 13. Le lieutenant du département de la justice de la Marine de guerre V. A. Almazoff, membre de la Commission des affaires des russes en Afrique du nord ; 14. Le lieutenant de vaisseau N. F. Gattenberg, ex-commandant du contre-torpilleur Zorkiï ; 15. Capitaine de vaisseau G. F. Guildebrandt, ex-commandant du transport Yakoute ; 16. Le lieutenant Kalinovitch, officier de l’Ecole Navale.

Sur le pont du sous-marins Outka, lors du retour de l’amiral Kedroff en juillet 1921, les amiraux Kedroff, Berens, Tikhmeneff. Tout à gauche, le lieutenant de vaisseau Von Virenne. Cliquez pour zoomer.

LE CONTRE-AMIRAL MIKHAIL ANDREEVITCH BERENS (16.01.1879-1943)

Contre-amiral (1920). Diplômé du corps des cadets de la marine (1898), il achève les cours de spécialisation en navigation (1904). Sert dans l’océan Pacifique, participe à la guerre en Chine (1900-1901) et à la guerre russo-japonaise de 1904-1905. Il navigue sur la canonnière Guiliak et d’autres navires. Il combat à Port Arthur et reçoit pour le courage dont il a fait preuve lors des batailles en Extrême-Orient, l’Ordre de Sainte-Anne de 2ème classe avec l’inscription « Pour bravoure », le Saint Vladimir de 4ème classe avec glaives et ruban, le Sabre d’or « Pour bravoure ». En 1906, affecté à la flotte de la Baltique, sert sur le croiseur Diana en tant que second puis commandant (1909-1911), commande les contre-torpilleurs Liogkiï (1911-1913),  Turkmenetz Stavropolskï  (1913-1914),  Pobeditel  (1915). En 1915, le capitaine de frégate M.A. Berens est choisi pour commander l’un des meilleurs et le plus rapide navires de guerre du monde, le contre-torpilleur Novik.

Les officiers du Novik (Archive V. V. Verzounoff)
De Gauche à droite : Mikhaïl Andréevitch Zlobine (Lieutenant de vaisseau, Chef mécanicien),  Nicolaï Vladimirovitch Kemarsky (Lieutenant, Timonier), Pavel Nicolaevitch  Bergchtressere (Mitchman, Revisor), Nicolai Dimitrievitch Melnitskij (Lieutenant, officier d’artillerie), Harald Karlovitch Graf (lieutenant de vaisseau, 1-er officier des mines et torpilles), notre grand père Mikhaïl Andréevitch Babitsine (Lieutenant de Vaisseau, Commandant en second), Vassily Valeriévitch Berdiaev (Mitchman, Mécanicien en second), à droite, Mikhaïl Andréevitch Berens (Capitaine de frégate, Commandant) Cliquez pour zoomer.

Il agit avec succès contre les navires et les communications allemandes dans la mer Baltique pendant la Première Guerre mondiale. Le 18 août 1915, le Novik  livre victorieusement combat à deux contre-torpilleurs allemands. Le commandant du Novik, pour ses actions de guerre en mer, reçoit l’Ordre de Sainte Anne de 3-ème classe avec glaives et ruban, le Saint Stanislas de  3-ème classe avec glaives et ruban, la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur. M.A. Berens est décoré de l’Ordre de Saint Georges du 4-ème degré. En 1916, il est promu capitaine de vaisseau et commande le cuirassé « Petropavlovsk », mais au printemps 1917, en raison d’un conflit avec l’équipage, il est transféré au poste de chef d’état-major de la flotte de la mer Baltique. Il assure le maintien de l’ordre dans un environnement d’anarchie révolutionnaire des Forces navales des mines et torpilles.

Après le putsch d’octobre, il quitte la flotte et se rend en Extrême-Orient, où il rejoint l’amiral A.V. Kolchak. En janvier 1920, il prend les fonctions de commandant des forces navales de l’océan Pacifique. Dans la nuit du 31 janvier, il dirige le départ du groupe de navires auxiliaires avec les élèves-de l’École navale et des réfugiés à bord, de Vladivostok à Tsuruga au Japon. À l’automne 1920, il parvient à rejoindre la mer Noire et l’Armée Wrangel. Il commande la flotte de la mer d’Azov à partir de fin septembre; le 27 octobre, il est nommé commandant du 2-ème détachement de la flotte de la mer Noire et commandant de la marine à Kertch. Lors de l’évacuation dont il aura la responsabilité à Kertch pour la partie maritime, il prend des mesures décisives pour organiser l’évacuation des troupes et des civils, la plus tardive et la plus complexe. Il commande l’évacuation des navires de Kertch et le transfert vers Constantinople. Depuis le 21 novembre, il est l’un des principaux responsables du transfert des navires vers Bizerte.

Depuis janvier 1921, il est le commandant par intérim de l’Escadre russe. Il s’attache au respect et à la continuité des traditions maritimes russes. Il accorde une grande attention à la protection sociale et juridique des réfugiés, à l’éducation et à la formation des cadets de l’École Navale de Bizerte. Après la reconnaissance de l’URSS par la France, abandonne le 29 octobre 1924, le commandement de l’Escadre. 

Mikhail Alexandrovitch Berens en 1927.

Il sera actif dans l’Union générale des combattants russes (ROVS) et vit  comme simple citoyen en Tunisie où il exerce la profession de géomètre jusqu’à sa mort en janvier 1943.

Tombe de l’amiral Berens. Il sera d’abord inhumé à Mégrine puis sa tombe sera transférée à Tunis au cimetière Borgel.

LES REFUGIES

Les Russes qui quittent l’Escadre et qui sont envoyés dans les camps, prennent le statut de civil et sont appelés refugiés assistés. Ils restent sous une autorité de fait de l’état-major de l’Escadre, les commandants des camps, officiers de la marine mais aussi officiers de l’armée de terre, étant nommés par l’état-major de l’Escadre.[1] « Des commandants russes sont nommés dans tous les camps par le commandant de l’Escadre, de préférence parmi les officiers supérieurs de la flotte qui ont les droits d’un commandant d’équipage/ de régiment. »[2]

En même temps, les réfugiés attendent de l’Escadre, protection, arbitrage, bienfaits. Les rumeurs les plus invraisemblables courrent au sein de la colonie russe et les réfugiés sont en attente d’informations. Ils sont particulièrement friands de manifestations culturelles ou de spectacles, beaucoup se réfugient dans la religion. Comme nous le verrons pas la suite, l’Escadre trouvera des réponses à la plupart de ces attentes. Cette autorité exercée par des militaires sur des civils, n’est pas contestée par les Français.

LE « CONTROLE CIVIL, BUREAU RUSSE »

Côté Français, toutes les questions liées aux réfugiés Russes étaient entre les mains du « Contrôle civil, bureau russe» qui a été créé début janvier 1921 sur l’initiative du préfet maritime Darrieus et qui représentait l’autorité consulaires des civils. De source russe[3], ce bureau avait également une activité de contre-espionnage. Le courrier était contrôlé avec un zèle excessif et bien peu de discrétion. Le courrier prenait beaucoup de retard et arrivait quelquefois dans un état inadmissible, malgré les protestations répétées de l’amiral Berens. Ce bureau était chargé de trouver des emplois pour les réfugiés et il s’acquittait de cette tâche avec, semble t-il, efficacité.

Carte d’Identité du capitaine de vaisseau Potapieff (Collection A. Potapieff)


Ce bureau délivrait une carte d’identité redigée en russe et en français à ceux qui descendaient à terre.

L’Etat major russe soupçonne le Bureau Russe de créer un climat de nervosité afin de provoquer ou d’accélérer le départ des refugiés.  Le nombre significatif de projets restés sans suite, de rumeurs inquiétantes  accentuées, initiées ou relayées par le Bureau Russe,  les déménagements perpétuels d’un camp à un autre semblent donner raison à ces soupçons. Des listes sont établies par ce bureau et des formulaires à compléter transmis dans lequel il fallait indiquer jusqu’au nom de jeune fille de sa mère. Ce bureau fonctionna jusqu’en mars 1923.

RELATIONS A BIZERTE ENTRE RUSSES ET L’OFFICIER FRANCAIS.

L’état-major russe observe également qu’il n’y a chez pas chez les Français une attitude homogène et que les militaires,  y compris ceux de l’armée de terre, ont plutôt tendance à réconforter et à calmer les esprits.

Lors des périodes de doutes ou d’abattement des réfugiés, le soutien vient souvent des officiers de l’Armée ou de la Marine Française qui rassurent les réfugiés et leur recommandent de faire confiance aux autorités russes.

La position de l’amiral  Exelmans fut la plus surprenante. Lorsqu’en  octobre 1924, la France reconnait le gouvernement soviétique et demande à ce qu’une commission soviétique vienne examiner les navires, l’amiral Exelmans demande « de me retirer mon commandement plutôt que de me prescrire de recevoir les mandataires soviétiques » et restera par la suite « sans affectation ». Dans les cœurs des marins russes de Bizerte et leurs descendants, il deviendra un ami cher, une icône.

Les officiers français font une quête pour Noël russe, le 6 janvier 1920. Le produit de cette quête servira à acheter des sucreries qui seront offertes aux enfants de l’Escadre. Des dames françaises rendront visite sur les navires. Une lettre de remerciement sera adressée par l’amiral Berens.

A Gallipoli, Lemnos, où les autres camp de refugiés on n’avait rien vu de semblable. Les rapports entre Français et Russes à Bizerte seront différents de ceux des camps de l’Armée de terre russe.

[1] Офицеры Русской эскадры в Бизерте на эскадренном миноносце «Дерзкий» 28 сентября 1923 г. Сидят слева направо: генерал-лейтенант Военно-морского судебного ведомства Л.Д.Твердый, обер-аудитор штаба командующего Русской эскадрой; контр-адмирал
С.Н.Ворожейкин, офицер штаба командующего эскадрой; вице-адмирал А.М.Герасимов, директор Морского корпуса; контр-адмирал М.А.Беренс, и.д. командующего Русской эскадрой; контр-адмирал А.И.Тихменев, начальник штаба; контр-адмирал М.С.Подушкин, командир б. линкора «Георгий Победоносец»; генерал-майор флота
А.Е.Завалишин, начальник строевой части Морского корпуса.
Во втором ряду стоят слева направо: 1. старший лейтенант Р.Э. фон Вирен, офицер штаба командующего эскадрой; 2. капитан 2 р. С.А.Якушев, ротный командир Морского корпуса; 3. капитан 1 р. К.В.Мордвинов, офицер штаба командующего эскадрой; 4. доктор А.Е.Кожин, главный хирург эскадры; 5. генерал-майор флота
Ю.Г.Шплет, старший офицер б. линкора «Георгий Победоносец»; 6. капитан 1 р. С.Л.Трухачев, член комиссии по делам русских граждан в Северной Африке; 7. капитан 1 р. В.И.Лебедев, командир эсминца «Звонкий»; 8. доктор Н.М.Марков, старший врач Морского корпуса; 9. капитан 1 р. Н.Р.Гутан, командир эсминца «Дерзкий»; 10. капитан 1 р. В.А.Потапьев, командир крейсера «Генерал Корнилов»; 11. доктор В.И. Бологовской, флагманский врач эскадры; 12. ротмистр К.И.Тихменев,
член комиссии по делам русских граждан в Северной Африке; 13. поручик Военно-морского судебного ведомства В.А.Алмазов, член указанной комиссии; 14. старший лейтенант Н.Ф.Гаттенбергер, б. командир эсминца «Зоркий»; 15. капитан 1 р. Г.Ф.Гильдебрант, б. командир транспорта «Якут»; 16. лейтенант Б. А.Калинович, офицер Морского корпуса.

[2] D’après d’autres sources notamment le souvenirs de V. A. MESSA (Colonie russe de Bizerte 1920 – 2000 K. V. Makhroff) on parle de son élection par les refugiés du camp concerné, mais il s’agit de souvenir d’enfant, l’auteur avait à la date des évènements 10 ans.

[3] Rapport : Le stationnement de l’escadre et le placement des familles des gradés dans les camps

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