LA MUTINERIE DU CUIRASSE POTEMKINE. LA MYSTIFICATION D’UNE TRAGÉDIE.

LA MUTINERIE DU CUIRASSE POTEMKINE. LA MYSTIFICATION D’UNE TRAGÉDIE.

Le 18 juin

A bord du Gueorgui Pobedonossets, après l’exaltation de la veille, la réalité reprend le dessus et  l’équipage décide de marcher vers Sébastopol pour se rendre.

Kovalenko, Galenko, Matiouchenko et Kirill se rendent sur le Guéorgui Pobedonossets. Kovalenko prend la parole et tente de convaincre l’équipage de rester à Odessa puis c’est le tour de Galenko qui prône le retour à Sébastopol.

Au matin l’équipage du Potemkine arraisonne le vapeur Piotr Réguir et transborde le charbon.

Vers 15 – 16 heures Le Guéorgui Pobedonossets transmet par signaux qu’il lève l’ancre et met le cap sur Sébastopol mais le Potemkine donne l’ordre d’arrêter le navire et le Guéorgui Pobedonossets est contraint de revenir dans la rade.

Vers 17 – 19 heures, le Guéorgui Pobedonossets se rend aux autorités d’Odessa.

Vers 20 heures, le Potemkine, le torpilleur N° 267 et le Vekha quittent la rade. Le Vekha se laisse distancer, marche vers Otchakov et se rend aux autorités.

Le comité de bord du Potemkine prend la décision de marcher vers la Roumanie.

L’amiral Kriguère projette d’attaquer les cuirassés des mutins avec des torpilleurs.

Le 19 juin.

Vers 9 heures, l’équipage du navire-école le Prout qui navigue à proximité de la flèche de Tendra se mutine. L’officier de quart et le maitre d’équipage sont tués, les autres officiers et officiers-mariniers, mis aux arrêts. Un des meneurs de la mutinerie est A. M. Petroff, un bolchévique. Le Prout se rend à Odessa pour se joindre au Potemkine. Ne trouvant pas le Potemkine à Odessa l’équipage décide de rejoindre Sébastopol.

Vers 13-14 heures, le torpilleur Stremitelny avec un équipage sélectionné quitte Sébastopol, sa mission est de couler le Potemkine.

Vers 18 – 21 heures, le Potemkine et le torpilleur rejoignent la rade port de Constanta[1] et demande à s’approvisionner en vivres et charbon. Le commandant du port, le capitaine-lieutenant Négrou transmet la demande à Bucarest.

L’armée russe se déploie dans les ports de la Mer Noire. La Turquie accepte d’arrêter les « révolutionnaires » sur demande de l’ambassadeur de Russie

Vers 23 heures à Sébastopol, on annonce la libération des marins appelés de la classe 1896 – 1898.

La nuit du 19 au 20, les autorités locales de Constanta reçoivent des instructions de Bucarest. Ils proposent aux mutins de se rendre en qualité de déserteurs et la liberté de chacun est garantie mais l’approvisionnement en provisions et charbon est exclu. Le comité du navire oppose un refus à se rendre et décide de revenir en Russie.

Le 20 juin

Au petit matin l’équipage du Potemkine propose aux marins d’une goélette militaire russe, le Psezouape de se mutiner. Le commandant du Psezouape, le capitaine de frégate N. N. Bannov, déplace son navire dans le fond du port et se fait assister par le commandant du port. Des unités d’infanterie seront positionnées ainsi que deux croiseurs. Le torpilleur tentera de pénétrer dans le port mais sera arrêté par des coups de canon de sommation du croiseur roumain Elisaveta.

Vers 6 heures, les marins du Prout décident de mettre fin à la mutinerie, libèrent le commandant le capitaine de frégate Baranovski qui reprend sa fonction. Le matin à l’arrivée au port de Sébastopol, 44 marins, actifs lors de la mutinerie, sont arrêtés.

De 8 h 30 à 11 h 30, à Odessa, les officiers du Gueorgui Pobedonossets reviennent sur le navire et 67 marins, actifs lors de la mutinerie, seront arrêtés.

Vers 10 heures à Constanta les membres du comité du Potemkine transmettent 15 enveloppes à N. Negrou contenant un appel « Au monde civilisé » et «A tous les états européens » rédigé par Feldman et Bérézovski qui seront toutes remises au responsable de la gendarmerie de Saint Petersbourg, Trepoff.

P. Tchoukhnine , commandant en chef de la flotte de la mer Noire qui se trouvait à Nicolaev, arrive à Sébastopol. Des instructions de fermeté lui ont été transmises.

Vers 13 heures, le Potemkine et le torpilleur quittent le port de Constanta.

A Sébastopol on arrête les marins suspects par centaines, la ville est proclamée en état de guerre. L’amiral se rend sur les cuirassés Rostislav, Tri Sviatitelia et Dvenatsat Apostolov et intervient auprès des équipages.

Le 21 juin.

Une escadre composée de 3 cuirassés, 1 contre-torpilleur et 5 torpilleurs marche vers Odessa avec pour mission de convoyer le Gueorgui Pobedonossets à Sébastopol. Le convoi entrera dans la rade de Sébastopol le 23 juin. Le torpilleur Stremitelny est toujours à la recherche du Potemkine.

Le soir, le comité du Potemkine décide de marcher vers Feodossia et d’arborer les pavillons de pavois.

22 juin

Vers 6 heures, le Potemkine et le torpilleur arrivent à Féodossia.

Vers 8 heures, en plus des drapeaux de pavois le cuirassé arbore des pancartes mentionnant des slogans « Liberté, égalité, fraternité » et d’autres. Une lettre adressée aux autorités de la ville est remise à terre, exigeant que ces derniers se présentent à bord immédiatement faute de quoi la ville sera bombardée.

Vers 9 heures le maire L. A. Dourante, accompagné d’un membre du conseil municipal et d’un médecin, se rendent à bord.

Vers 10 heures on commence à approvisionner le cuirassé en nourriture de peur que la ville ne soit bombardée.

De 11 heures à 12 heures le conseil municipal se réunit pour discuter des exigences de l’équipage du Potemkine et de l’interdiction des autorités militaires de fournir du charbon et des provisions.

Vers 13 heures le comité du navire réclame du charbon et menace de canonner la ville. Une réunion entre les autorités militaires, les gendarmes et les autorités municipales a lieu. Le maire décide de continuer l’approvisionnement et fait porter pain, viande, choux, vin malgré l’interdiction des autorités militaires, mais informe l’équipage qu’en raison des consignes du commandant de la garnison, l’approvisionnement en charbon et eau est interdite.

Le 23 juin

Vers 1 heure du matin, un ultimatum est transmis au maire et au commandant de la garnison, un délai de 4 heures est laissé pour évacuer la ville avant la canonnade.

Vers 5 heures, le maire de Féodossia appelle les habitants de la ville à évacuer. Le commandant de la garnison déclare l’état de guerre.

Vers 9 heures, des matelots du Potemkine tentent de s’emparer de deux barges contenant du charbon et de les remorquer. L’armée ouvre le feu, il y a 6 morts et blessés parmi les marins.

Vers 10 heures 30, le pavillon rouge est hissé à bord du Potemkine, on demande par signaux aux navires étrangers de quitter le port.  Puis le pavillon est amené puis hissé à nouveau, l’équipage n’arrive pas à se mettre d’accord sur le bombardement de la ville. Une partie de l’équipage avec le sous-lieutenant Alexeev s’oppose au comité et à une autre partie de l’équipage.

Vers 12 heures, le Potemkine prend le torpilleur à la remorque et met le cap vers Constanta.

Le torpilleur Stremitelny continue sa chasse, fait escale à Yalta, puis marche vers Féodossia puis Novorossiisk et les rivages du Caucase.

Le 25 juin

A Constanta, les conditions de reddition précédemment exposées la nuit du 19 au 20 sont acceptées, l’équipage débarque et reste libre, le cuirassé est rendu à la Russie.

Le commandant du port de Constanta fait entrer le cuirassé au port.

L’équipage se réunit à terre et Matiouchenko répartit l’argent de la caisse du Potemkine entre les membres de l’équipage.

Matiouchenko à Constanta

L’équipage du torpilleur 267 profitera de l‘occasion pour rejoindre Sébastopol et se rendre aux autorités russes. Tous les marins du torpilleur seront jugés et acquittés.

Le 9 juillet une escadre sous le commandement de l’amiral Pissarevski rejoindra Constanta, une dizaine d’officiers et environ deux cents matelots prendront possession du Potemkine et hisseront le drapeau de Saint André.

C’est ainsi que se terminera cette folle épopée du cuirassé Potemkine.

Matiouchenko sera pendu en 1907. D’autres marins seront condamnés à mort mais ils seront tous graciés par l’Empereur.

En 1955, soit 50 ans après la mutinerie, les survivants seront décorés de la médaille de l’étoile rouge et deux d’entre eux de l’ordre du pavillon rouge. Des monuments seront érigés à la mémoire des marins du Potemkine quant aux officiers du Potemkine massacrés, ils sombreront dans l’oubli.

Matiouchenko, un assassin, un socialiste-révolutionnaire et non un bolchévique, deviendra le prototype du marin révolutionnaire de la mythologie soviétique. Les soviétiques resteront toutefois assez discrets à son sujet, par contre, le lieutenant Schmidt[2] aura droit à donner son nom à une cinquantaine de rues et boulevards. Les bolchéviques l’élèveront au rang de héros alors qu’il exigea auprès de l’Empereur Nicolas II la réunion de l’assemblée constituante, celle-là même que l’Empereur appela de ses vœux lors de son abdication et que les bolchéviques sabotèrent[3].

[1] Roumanie

[2] Son fils Evgueni Petrovitch combattra le bolchévisme dans l’armée blanche

[3] En faisant évacuer la salle en raison de la fatigue de la garde et en accueillant le jour suivant les députés, sur ordre de Lénine et du commissaire du peuple Dybenko, portes fermées avec mitrailleuses et artillerie.

PAUL LOUKINE

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