LA MUTINERIE DU CUIRASSE POTEMKINE. LA MYSTIFICATION D’UNE TRAGÉDIE.

LA MUTINERIE DU CUIRASSE POTEMKINE. LA MYSTIFICATION D’UNE TRAGÉDIE.

 Un autre scénario

Un témoignage repris par la Charente du 12 juillet 1905 et par l’Aurore donne un tout autre éclairage aux faits qui se sont produits :

« LES CAUSES DE LA MUTINERIE
Le récit d’un matelot du « Potemkine »

Bucarest, 9 juillet. •
D’après un récit fait à Constanza par le matelot Rachitine et rapporté par l’Indépendance roumaine, « l’origine de la mutinerie aurait bien été une réclamation relative à la nourriture, mais le premier effet de la réclamation aurait été de mettre les meneurs en minorité et de faire prononcer le gros de l’équipage en faveur des officiers. Rachitine ajoute :

Voyant que leurs réclamations n’ont раs produit l’effet attendu, que les officiers, au lieu de brusquer les choses et de punir ceux qui ont réclamé, procèdent au contraire avec calme et douceur, les membres du comité décident de jouer le tout pour le tout. Passant derrière le commandant. Ils prennent des armes au râtelier. Mituschenko, le chef de la révolte, tire sur le commandant. Mais il manque ce dernier et tue net un marin. (C’est le marin dont le meurtre a été mis par toutes les versions données jusqu’à présent sur le compte du commandant et qui a été enterré à Odessa dans les conditions que l’on sait. C’est le signal de la boucherie. »

Rakitine Grigori Konstantinovitch, né en 1881 est orthodoxe, marié, il se considère comme paysan mais il est menuisier de profession, il sait lire et écrire, il est artilleur à bord du Potemkine depuis 1902. Non seulement il n’y a rien de compromettant concernant ce matelot mais il demande l’autorisation au préfet de Constanta de conserver une part de l’argent de la caisse du Potemkine distribué pour les besoins des matelots ce qui lui est accordé ( ?). Le 20 juin, à Constanta il quitte le navire en nageant, communique les détails de la mutinerie à l’agent du département de police Melas et affirme que si le cuirassé s’était amarré plus près du port, au moins 500 matelots auraient fui le navire.

Rien ne permet de penser que ce témoignage n’est pas sérieux ou non crédible. Il reviendra en URSS en 1927 et vivra à la station de Kizil-Tepe de la voie ferrée de Tachkent alors qu’il était originaire de Stavropol[1]. Se cachait-il ?

Il est tout à fait plausible que Matiouchenko, en tirant sur Guiliarovski, ait tué involontairement Vakoulentchouk mais il est également plausible qu’il l’ait tué volontairement. Le meurtre de Néoupokoeff a été imputé à Vakoulentchouk sur témoignage de Matiouchenko, témoignage sujet à caution. On sait bien peu de choses sur Vakoulentchouk mais il semble qu’il s’agissait d’un « leader informel » des hommes d’équipage et qui aurait pu ne pas suivre Matiouchenko dans la mutinerie et entraîner avec lui une partie des hommes, pour ne pas empêcher l’insurrection ou pour d’autres raisons. Voyant Vakoulentchouk à côté de Guiliarovsky, peut-être discutaient t-ils, Matiouchenko tire sur celui qu’il estime être le plus dangereux pour lui, à savoir, Vakoulentchouk.

C’est une version que développe V. V. Chiguine dans son livre récent « La mutinerie du cuirassé « Kniaz Potemkine Tavritcheski » sans s’appuyer sur le témoignage de Rakitine. V. V. Chiguine, écrivain particulièrement prolifique, écrit de façon, le plus souvent, bien documentée.

[1] Y Lytcheff « Les marins du Potemkine », Moscou, 1965. Y Lytcheff était également un ancien du Potemkine.

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