MEMOIRES D’UN OFFICIER DE LA MARINE RUSSE DANS LA TOURMENTE REVOLUTIONNAIRE D’IVAN ROSOFF. DE PETROGRAD A BIZERTE.

MEMOIRES D’UN OFFICIER DE LA MARINE RUSSE DANS LA TOURMENTE REVOLUTIONNAIRE D’IVAN ROSOFF. DE PETROGRAD A BIZERTE.

POSTFACE (rédigé en coopération avec Alexis Rosoff, le neveu d’Ivan Petrovich).

Comme relaté dans les dernières lignes de son texte , Ivan  Petrovich  Rosoff travailla dans des fermes mais également, comme de nombreux réfugiés russes en Tunisie, sur l’aqueduc de Tunis, comme en témoignent les photos de son album.   Il s’inscrivit à l’association des Étudiants russes en France, filiale en Afrique septentrionale, mais il semble qu’il n’ait pas suivi d’études en Tunisie. 

Carte de membre d’Ivan Rossof de l’Association des Étudiants russes en France (Archive familiale Rosoff)

Après avoir rejoint la France en août 1922, Ivan et Fédor Rosoff vécurent à Paris et en région parisienne. Fédor travailla comme électricien. 

Ivan travailla en qualité d’ouvrier jusqu’au 1er mars 1929. Il s’inscrivit pour suivre des études d’ingénieur, section automobile à l’ Institut Polytechnique Moderne de Paris qu’il suivit de 1927-1929, puis, comme de nombreux Russes, il travailla en qualité de chauffeur de taxi. 

Carte d’étudiant d’Ivan Rossof de l’ Institut Polytechnique Moderne de Paris (Archive familiale Rosoff)

Il reprit sa plume et laissa ses mémoires du 1er septembre 1939 au 10 juin 1940 (en cours de publication par Alexis Rosoff «   Un chauffeur de taxi russe dans le Paris de la drôle de guerre (01-09-1939 au 10-06-1940) » (Voir : Un Chauffeur De Taxi Russe Dans Le Paris De La Drole De Guerre(ivan Rosoff)).

Il restera très proche de son frère Fédor et de sa famille et continuera à fréquenter ses amis de la Marine russe comme le lieutenant Ponafidov, les mitchman Poplavsky, Klioutchinski et d’autres. Il s’inscrivit à l’Amicale des officiers de la marine russe. Anciens combattants. 

Carte de membre d’Ivan Rosoff de l’Amicale des officiers de la Marine russe. Anciens combattants. (Archive familiale Rosoff)

Il adhéra au parti des Mladorrosy, mais déçu par les chefs du parti il démissionna en 1939.

Ivan Rosoff était petit fils et arrière petit fils de prêtres, la foi l’habitait, cela transparaissait dans ses écrits, et sans doute, se sentit-il appelé par le Seigneur pour devenir prêtre.

L’autobiographie d’Ivan avait été écrite en 1965, date à laquelle Ivan et Fédor envisageaient d’effectuer un voyage en URSS et déposaient une demande de visa touristique. Ce visa nécessitait de rédiger une autobiographie détaillée que nous plaçons ci-après en annexe

Vers 1965 Fédor et Ivan se rendirent en URSS.

Tout un pan de l’histoire d’Ivan Rosoff est éludé dans le questionnaire destiné aux autorités soviétiques et plus particulièrement son activité de prêtre.
Son activité de prêtre fut étroitement liée à une petite « colonie » russe, celle du village d’Osny dont l’histoire est évoquée dans le Volume des mémoires d’Alexis Rosoff  (  https://meschersenfants.jimdofree.com/ ) dont nous faisons figurer ici quelques extraits :


« Dans les années 35-36, mon père Fédor Petrovitch Rosoff et sa femme couturière, Olga Nikolaevna Ado, émigrés russes, entendent parler de bouche-à-oreille, ou par des journaux russes, de parcelles de terrain à vendre à prix raisonnable ce qui permettrait de se construire une « datcha ». Ils achètent une parcelle de terrain à Osny, dans le domaine de de la Muette divisé en parcelles vendues par le propriétaire du Château de Grouchy ; il s’agissait de parcelles » « sur lesquelles on pouvait se construire (à l’époque sans permis) une maisonnette, pour y venir jardiner le dimanche , et éventuellement y vivre à longueur d’année, si nécessaire ». « Il y eut ainsi 40 à 60 (je crois) familles russes qui achetèrent des parcelles, certaines pour y venir jardiner le week-end, d’autres pour construire un cabanon qui devint après maisonnette de week-end puis maison pour y vivre à l’année. » « Dès le début de la guerre, avec l’évacuation de Paris, de nombreux russes vinrent s’installer à Osny à demeure, et comme mon père, ils allaient à pied à la gare la plus proche, à environ 2km, celle d’Osny, pour aller travailler à Pontoise, à Conflans ou à Paris. »
« Dans cette petite colonie russe il y avait eu successivement deux chapelles installées dans des appentis. La seconde était dans la maison du père Stefanovic. Mes parents étaient très croyants : je me souviens, j’allais avec eux dans ces chapelles où mon père chantait dans le chœur composé de deux ou trois personnes. »

Osny fête paroissiale (Archives familiales Rosoff)


« Avec l’aide de mon père et de quelques paroissiens, Ivan (le père Jean) construisit à la Muette une vraie petite église russe, sur un terrain qui avait été donné par Galina Pavlovna Nikonova. C’était une femme russe, qui possédait plusieurs parcelles avec son frère et qui vivait comme une vraie paysanne russe du siècle dernier, vêtue d’une robe de bure et marchant pieds nus toute l’année. Elle vivait avec ses animaux, plusieurs vaches et même un vieux cheval, sauvé de l’abattoir pour traîner une charrue ou une carriole. G.P. Nikonova était très croyante, du type « starovère » c’est-à-dire une secte intégriste n’admettant pas le moindre petit changement dans les textes et la conduite des services religieux. Plus tard, il y eut de nombreux sujets de discorde entre G.P. Nikonova et le père Jean Rosoff qui voulait raccourcir un peu la longueur du service et supprimer certaines lectures de textes qui duraient des heures. Au temps des chapelles dans les maisons, il me semble qu’il y avait à peu près 10 à 20 paroissiens les jours de fête et les dimanches. Avec la nouvelle église, le nombre augmenta légèrement pendant un moment seulement, car il y avait peu de jeunes et beaucoup d’anciens étaient décédés. »
Plusieurs photos illustrent cette période.

Fedor Rosoff, Olga Rosoff et Galina Pavlovna (Archives familiales Rosoff)
Le projet de l’Église d’Osny d’Ivan Rosoff (Archives familiales Rosoff)
La construction de l’Église (Archives familiales Rosoff)
La construction de l’Église (Archives familiales Rosoff)
Église orthodoxe russe de la Dormition de la mère de Dieu (Archives familiales Rosoff)
Intérieur de l’église (Archives familiales Rosoff)
Intérieur de l’église (Archives familiales Rosoff)
Un jour de fête (Archives familiales Rosoff)
Pâque à l’église d’Osny (Archives familiales Rosoff)
Pâque à l’église d’Osny (Archives familiales Rosoff)


Ivan décéda le 24 mai 1980 et Fédor le 13 juin 1995. Tous les deux furent inhumés au cimetière d’Osny dans la même tombe.

 

Nostalgie? (Archives familiales Rosoff)

Il ne reste rien de l’église, ni sur place, ni même dans les mémoires et bien peu se souviennent de l’église et de la colonie russe d’Osny.

ANNEXE A LA POSTFACE :

Formulaire de demande de visa pour l’URSS :

« Paris, 16 janvier 1965. CURRICULUM VITAE. / Autobiographie.
Je soussigné, Ivan Rosoff, émigré russe, fournis par la présente des informations autobiographiques me concernant afin d’obtenir un visa touristique pour entrer dans mon pays, l’U.R.S.S., que j’ai quitté il y a près de 44 ans, en 1920.
1) Mon année de naissance, la date et le lieu : 1897, 5 janvier d’après le calendrier julien ou 18 janvier d’après le calendrier grégorien. À cette époque, mon père, Piotr Fédorovitch Rosoff, était fonctionnaire subalterne à la Chambre de contrôle. À cette époque, ma famille se composait de 7 membres : mon père, ma mère, trois sœurs et deux frères.
2) En 1900, mon père a été transféré à la Chambre des contrôleurs à Kostroma, où ma famille et moi avons été relogés.
3) En 1902, mon père a de nouveau été transféré à Ekaterinoslav, où nous nous sommes installés, en famille, pendant une longue période.
En 1904, notre famille s’est agrandie d’un membre supplémentaire, une quatrième sœur est née. Cela porte le nombre total de membres de la famille à huit : le père, la mère, quatre sœurs et deux frères.
4) Nos parents ont donné à tous leurs enfants un enseignement secondaire (un certificat et un brevet).
5) En 1915, la 2e année de la Grande Guerre, j’ai terminé le 2e collège technique d’Ekaterinoslav puis je suis allé à Petrograd/aujourd’hui Leningrad/ pour le concours d’entrée des Cours spéciaux de gardes-marine (« gardes-marine noirs »), qui se tenaient sur l’île Vasilievsky à la caserne de Dériabinsk, sur la Grande avenue, au Port.  Ayant été reçu, j’ai suivi ainsi une carrière navale.
6) A partir du 2 septembre 1915, j’ai été inscrit sur les listes de la Marine russe en qualité de garde-marine.
Je suis resté à l’école des gardes-marine, comme prévu, pendant 32 mois.
La révolution de février s’est déroulée alors que j’étais comme garde-marine senior pendant la période de la seconde promotion des Cours spéciaux de gardes-marine (celle de l’amiral actuel à la retraite de la Marine soviétique Ivan Fédorovich Issakov).
En février 1918, à la fin du mois, ayant reçu le certificat d’achèvement complet des Cours spéciaux de gardes-marine, je suis retourné auprès de ma famille dans le sud, dans ma ville natale Ekaterinoslav/aujourd’hui Dnepropetrovsk/.
Peu de temps après mon arrivée sur ma terre natale, la ville fut occupée de manière inattendue par l’armée allemande accompagnée des  » jupanniks bleus », des Ukrainiens autoproclamés. À l’automne 1918, l’armée d’occupation allemande s’était effondrée… Des pillages et les meurtres ont eu lieu… L’atmosphère de guerre civile s’étendait à tous les habitants de la ville… Il était impossible de vivre… L’anarchie et le banditisme étaient partout…
7) Dans l’Ukraine occupée par les Allemands, l’hetman Skoropadsky avait mobilisé de force de nombreux jeunes militaires qui se trouvaient dans la ville et étaient incapables de quitter l’Ukraine pour rentrer chez eux : partout, dans les zones frontalières, des groupes d’Allemands et de militants autoproclamés arrêtaient ceux qui tentaient de partir… de faire la guerre à la fois aux Allemands, à toutes sortes de justiciers et aux bandes de Makhno…
8) Enfin, au moment du paroxysme de l’anarchie, dans la nuit du 27 au 28 novembre 1918, nos escadrons qualifés « d’autodéfense » – comprenant des unités de l’ancien 8e Corps ukrainien sous le commandement du général Vassylchenko ont quitté Ekaterinoslav sans combattre, en direction du sud… vers la Crimée… Le nombre de nos forces armées avait été estimé à 1100 personnes, y compris les femmes, des sœurs/infimières et un certain nombre de femmes d’officiers…
9) Après une série de combats avec des bandes de Makhno, de justiciers « jupanniks bleus » et de « Grigorievtsy verts », notre détachement de volontaires (ancien 8e corps ukrainien/sous le commandement du même général Vassylchenko), ayant rencontré les unités d’avant-garde d’éclaireurs de la cavalerie de l’armée des volontaires, avait rejoint cette dernière et est entré en Crimée le 31 décembre 1918 par le Perekop et le village Armianski Bazar.      10) Ayant été blessé, nous avons suivi en train sanitaire transportant les blessés, traversé Simferopol et rejoint à Sébastopol, l’hôpital naval situé à Korabelka
11) Le 18.3.1919, j’ai quitté l’hôpital et j’ai été dirigé vers l’aviso N° 7 (ancien torpilleur K 273 du Type Pernovka).
12) A partir d’octobre, j’ai été détaché en qualité de chef de quart sur le contre-torpilleur Gnevnyï, qui se trouvait dans le port de Sébastopol, dans le dock sur les cales, dans un état de réparation permanente, en raisons des dégats, infligés délibérément par l' »Escadre anglo-française » alliée et dont les turbines et les couvercles des chaudières à haute pression avaient été dynamités.
13) C’est ainsi que nous sommes restés jusqu’au 28 octobre 1920, date à laquelle l’ordre d’évacuation de la Crimée… de départ pour la Turquie… la fin de la « lutte »… avait été publié le matin.                                  14) Le 29.10.1920, conformément à l’ordre du commandant de la Flotte, l’équipage du « Gnevny » fut transféré sur le « Pylki » et le 30.10.1920 nous quittions Sébastopol pour Evpatoria, puis, au crépuscule, nous levions l’ancre et marchions vers Constantinople.
15) le navire fut ancré à Constantinople et de novembre 1920 jusqu’au matin du 20 janvier 1921, nous y stationnions. Dans la soirée du 20 janvier 1921, nous fûmes à nouveau transférés sur le Gnevni qui fut remorqué par le navire français Le Coq en Afrique… à Bizerte.
16) Le 6 février 1921 à 8 heures du matin, nous arrivions à Bizerte.
17) Le 22 mai, je quittai l’escadre et rejoignis une ferme près de Tunis pour travailler dans les vignes.
18) A la fin du mois d’août 1922, je suis partis pour la France métropolitaine, à Marseille, puis, en tant qu’ouvrier avec un groupe de compatriotes, nous déménagions à Emmermenil pour enlever des barbelés de la guerre de 14-18…
19) Le même mois, nous nous installions à Paris, où je continuai à vivre jusqu’à ce jour en qualité d’apatride, c’est-à-dire de Russe n’ayant pas de Patrie.
20) Je travaillai à Paris jusqu’au 1 mars 1929 dans l’usine de voitures de Citroën (quai Michelet à Levallois-Perret à proximité de Paris), et la même année à partir du 1er mars comme chauffeur de taxi dans la société Citroën (elle n’existe plus aujourd’hui), puis, par la suite, dans la compagnie G-7.
Après la deuxième guerre mondiale, je travaillai comme chauffeur de taxi pour un propriétaire privé de la société Alésia Taxi jusqu’en octobre 1962, date à laquelle j’ai pris ma retraite après plusieurs années de service.

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