MEMOIRES D’UN OFFICIER DE LA MARINE RUSSE DANS LA TOURMENTE REVOLUTIONNAIRE D’IVAN ROSOFF. DE PETROGRAD A BIZERTE.

MEMOIRES D’UN OFFICIER DE LA MARINE RUSSE DANS LA TOURMENTE REVOLUTIONNAIRE D’IVAN ROSOFF. DE PETROGRAD A BIZERTE.

CHAPITRE 7.

DE SEBASTOPOL A CONSTANTINOPLE. MON SERVICE DANS LA FLOTTE DE LA MER NOIRE DE JANVIER 1919 A NOVEMBRE 1920.

Janvier 1919 : Hôpital militaire maritime de Sébastopol

Les camions envoyés par l Amirauté nous prirent en charge à la gare de Sébastopol et nous amenèrent en une demi-heure, à l’Hôpital Maritime, où nous entrâmes par la porte qui se trouve du coté de l’église St Mitrofan.

Dans la cour, juste après la grille, se trouvait un pavillon de plein pied, destiné aux blessés de l’Expédition d’Ekaterinoslav. Ce pavillon était vide, et à peine entré, chacun se précipita pour essayer d’occuper la couchette la plus proche possible de la sortie. Ce pavillon, vaste, tout blanc, très clair avec une fenêtre presque tous les deux mètres, et au sol, un carrelage rouge, nous fit bonne impression.

Une centaine de couchettes recouvertes de couvertures grises avec un liseré bleu, étaient alignées, séparées par des tablettes de chevet blanches. Au plafond, des ampoules électriques blanches mates et des lampes de secours bleues éclairaient la salle. A l’entrée du pavillon, séparés par une paroi vitrée, se trouvaient le bureau de l’infirmière de garde, des toilettes et des lavabos.

Le premier jour de notre arrivée, nous vîmes des matelots, qui venaient nous dévisager par les fenêtres : il s’agissait du petit nombre de matelots, assignés au service de l’hôpital ; leur regard semblait, en général, inamical.

La porte extérieure ne se fermant pas à clé, la voix de la raison nous poussait à être prudents, surtout les premiers jours, et chacun gardait son fusil près de son lit, et un revolver chargé sous l’oreiller.

Nous jouissions d’une liberté personnelle presque totale : après le passage des médecins et chirurgiens, et après le déjeuner, nous étions autorisés de sortir en ville jusqu’à 20 heures. Presque chaque jour, nous sortions en ville, par groupe de deux ou trois, toujours armés.

Après notre Expédition, chacun de nous reçut 2000 « karbovants » (monnaie ukrainienne), ce qui nous permettait de nous offrir, de temps en temps, un petit luxe tel que manger dans un des petits restaurants situés dans les sous-sols des immeubles. On y dégustait des « tchebourek » avec du vin ou de la vodka.

De vieux amis d’Ekaterinoslav venaient parfois de Simféropol, nous rendre visite pour un couple de jours, avec de la vodka, et nous passions de bons moments ensemble.

On doit admettre que, du point de vue médical nous étions souvent déraisonnables, les médecins nous ayant bien recommandé de ne pas boire l’alcool pour ne pas retarder la cicatrisation des blessures.

Un jour, mon camarade Iacha Krivtsov, un lieutenant du régiment « Kerch-Enikalsky », vînt nous rendre visite et m’entraîna au restaurant : viens, dit-il,« j’ai de l’argent maintenant », et il me montra un petit sac rempli de pièces d’or de 5 et 10 roubles. Je m’étonnai de lui voir posséder une telle quantité d’argent, sachant que, pendant l’Expédition, nous ne recevions rien d’autre que la nourriture. « De la poche des petliourostsy morts », répondit-il en ajoutant « de toute façon, un jour ou l’autre, on sera mort aussi ».

Il devait avoir le pressentiment de sa prochaine fin tragique: deux mois plus tard, j’appris qu’après un combat, alors que le régiment était au repos près de Kerch, il s’était saoulé lors d’une soirée et fut égorgé par une bande de bandits locaux (tels que ceux des bandes de partisans de Makhno, qu’on appelait les « verts »). Ce fut une mort bien stupide pour mon pauvre Iacha !

Début mars 1919 : mon frère Fédor me rend visite.

Début mars 1919, mon frère Fédor me rendit visite à l’hôpital. Nous allâmes dans un petit restaurant arménien de la rue Ekaterininskaya, pour déguster quelques « tchebourek », avec de la vodka bien entendu.

Ensuite, nous suivîmes le rue jusqu’au Club maritime où se trouvait le « Bureau d’information de Forces armées du sud de la Russie ». Dans une des vitrines de cette organisation, se trouvait affichée la carte géographique militaire de toute la Crimée, sur laquelle des drapeaux russes marquaient la position du front de l’Armée des Volontaires du Sud.

Cette carte montrant une ligne de front allant de Perekop à Youchine et Kertch, 1Note PL : La ville de Kertch était à cette date tenue par les Blancs mais ses environs étaient contrôlés par des partisans bolchéviques ( jusqu’à environ 700) réfugiés dans les grottes des carrières d’extraction de pierres des environs et qui ne furent battus que le 6 juin 1919 après une tentative de prise de Kertch par les partisans. L’artillerie de la Marine blanche et celle des alliès se montra précieuse dans ces combats. était à petite échelle et donnait l’impression que les Forces Armées des Volontaires étaient énormes.

Ensuite, nous passâmes à une autre vitrine, dont la carte, à grande échelle, montrait toute la Russie et donnait une vision différente des choses, la presqu’île de Crimée apparaissant toute petite en comparaison avec l’énorme territoire tenu par les bolcheviques. Et la question vînt involontairement à l’esprit: « comment voulez vous que le petit morceau d’Armée Blanche du Général Denikine puisse vaincre les bolcheviques? »

Zones occupés par les Blancs et les Rouges. Début mars 1919 la zone occupée par les Rouges était approximativement celle délimitée par la ligne rouge. (source carte scolaire https://dmitrschool04.ru/)

Rien ne fut dit à voix haute, mais intérieurement, le doute commençait à tarauder notre foi dans la possibilité de réaliser notre rêve d’une Grande Russie Nationale, Orthodoxe, Unie et Indivisible.

« Heureux soit, celui qui a la foi ! »

Mars 1919 : ma plaie se cicatrisait trop lentement.

Un jour, le Médecin-chef Outsal, qui m’aimait bien en ma qualité de seul marin de la marine de guerre, me prit à part pour attirer mon attention sur mon état de santé. Il me dit que ma petite blessure évoluait anormalement mal, que mon bras gonflait trop, que ma température montait et était trop élevée et que la situation devenait sérieuse, pouvant entraîner l’amputation en cas de gangrène.

Bref, pour sauver mon bras, la seule solution était de procéder sans délais à une opération chirurgicale.

Le lendemain matin, on me fit une anesthésie locale et on procéda au curetage complet de la plaie, jusqu’à l’os. Après avoir installé un drain et fait le pansement, le chirurgien m’expliqua que mon infection était due à la présence, dans la plaie, d’un petit bout de tissus de laine de mon chandail, arraché par la balle au moment de l’impact.

Maintenant, dit le chirurgien, les choses iront vite. Et dans les faits, la température tomba dès le soir, l’appétit revint ainsi que le moral, et je me mis à espérer de sortir rapidement de l’hôpital, pour rejoindre le front dans les rangs du 133ème Régiment de Simféropol.

En réalité, j’aurais préféré être incorporé dans la Flotte de la Mer Noire, mais ce n’était pas facile car les effectifs des navires, notamment ceux des torpilleurs que j’avais déjà visité pendant ma convalescence, étaient au complet.

Il se trouve que le docteur Outsal, sachant que je rêvais de la Flotte, sans rien me dire, me recommanda à un des ses vieux amis, le lieutenant de vaisseau Birilliev. 2Note PL : Birilev Vadim Andreevich : né en 1886. Achève l’École des junkers de la flotte. Officier en 1909. Lieutenant de vaisseau, commandant d’une division de la brigade de dragage des mines de la flotte de la mer Noire. Il servit dans les FASR et l’Armée russe, à partir de février 1920 dans le département administratif de l’état-major de la flotte de la mer Noire, à partir d’août 1920 il était capitaine de pavillon dans l’état-major du commandant en chef, à partir d’octobre 1920, commandant du navire Altaï jusqu’à l’évacuation de la Crimée. Capitaine de frégate le 29 mars 1920. Le 21 novembre 1920, il commandait le remorqueur Tchernomor, le 25 mars 1921 dans l’Escadre russe à Bizerte, avril – mai 1921 – commandant du navire à vapeur « Tchernomor », à partir de novembre 1921 – chef du stock de la Commission, à partir d’octobre 1923 sur le cuirassé Guéorgui Pobedonossets. Décédé le 15 octobre 1961 à Tunis. Celui-ci recherchait des vrais mariniers qui pourraient, avec l’aide de quelques officiers et par leurs propres moyens, remettre en service un petit torpilleur qui se trouvait en état de « conservation de longue durée » dans le « cimetière marin » de la Baie de Sébastopol. Donc, un jour, alors qu’on me faisait mon dernier changement de pansement, et que j’attendais d’être officiellement rayé des effectifs de l’hôpital pour être envoyé au front, le docteur Outsal m’informa qu’au quai de l’Amirauté, il y avait un torpilleur de série, et que le commandant de ce navire me demandait de passer le voir le plus tôt possible.

18 mars 1919 : Sébastopol, sortie d’hôpital et entrée dans la Flotte de la Mer noire.

Le 18 mars 1919, je sortis d’hôpital de la Marine militaire de Sébastopol où j’étais hospitalisé depuis début janvier. Le temps était gris, une petite bruine tombait.

Après un déjeuner rapide à l’hôpital, je mis mon manteau gris de fantassin et mon bonnet de fourrure noire, pris mon sac et mes armes, et dans cette tenue guerrière sortis de l’hôpital vers le quai pour prendre la vedette qui allait me mener au quai « Grafskaya Naberejnaya ». De là bas, je suivis la berge de la Baie du Sud pour arriver au quai où se trouvait le « cimetière » des navires de guerre.

Parmi ces navires, je distinguais un petit torpilleur à deux cheminées portant le N°273.3Note PL : No. 273 – un des torpilleurs de type Pernov construits pour la Marine impériale russe. En mars 1894 sa construction fut lancé à Nikolaïev, mis à l’eau le 19 septembre 1896, entré en service en 1899, le 20 avril 1895, il avait été inscrit sur les listes des navires de la flotte de la mer Noire. Il subit d’importantes réparations de la coque et des mécanismes en 1909 avec le remplacement des chaudières. Le 21 juillet 1915, il a été rééquipé et reclassé en dragueur de mines, et le 12 octobre 1916, en aviso. Pendant la Première Guerre mondiale, il a été utilisé pour le ravitaillement des forces de la Flotte impériale, le dragage, en qualité d’aviso et de service au port. Le 29 décembre 1917, il fut intégré à la flotte rouge de la mer Noire. Le 1er mai 1918, il avait été saisi par les armées allemandes. Le 24 novembre 1918 – par les forces de l’Entente. Le 3 avril 1919, il quitta Sébastopol pour Novorossiïsk et le 3 mai 1919, il rejoignit la flotte des Forces armés du sud de la Russie. Le 14 novembre 1920, il fut abandonné lors de l’évacuation de Sébastopol. Il n’a plus été mis en service et le 11 décembre 1923, il a été exclu des listes des navires de la Flotte rouge des ouvriers et des paysans et mis à la ferraille. Depuis le 22 juillet 1915 – T.5, depuis le 24 avril 1916 – T.75, du 6 août 1916 – T.275 (ex-273), du 12 octobre 1916 – N° 7, à partir du 8 mai 1919 – Razvedtchik (l’Eclaireur).

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Torpilleur N° 273 (source : « Les premiers torpilleurs russes » de Raphael Melnikov)
Plans des torpilleurs du type Pernov.

Un matelot de garde piétinait sur le pont. Après avoir attentivement examiné le navire, comme pour estimer ses qualités et défauts, je m’adressai poliment au matelot, le priant de bien vouloir demander au Commandant 4Note PL : lieutenant de vaisseau Biriliev de m’autoriser de monter à bord. D’abord étonné par mon allure de fantassin à bonnet noir, le matelot hésita un peu, puis s’en fût avertir le commandant. Quelques minutes plus tard, je vis surgir, un homme de taille haute, élancé et de visage agréable, portant les épaulettes de lieutenant de vaisseau.

Claquant des talons et saluant militairement, je redemandais la permission de monter à bord. Ayant reçu la permission, je descendis la passerelle, et, tenant le bonnet à la main à la façon des marins, je me présentais, comme prescrit par le règlement, ajoutant que je venais sur recommandation du médecin chirurgien en chef Outsal.

Le Commandant me souhaita la bienvenue.

Apprenant que j’avais suivi le cursus complet des Classes spéciales de gardes-marines, et qu’en plus j’avais l’expérience du combat, il dit qu’il il était heureux de m’accueillir pour le service sous le drapeau de Saint André dans les effectifs du torpilleur « Razvedtchik ».

Après avoir pris congé du Commandant, je couru à l’hôpital, chercher le reste de mes bagages.

Le 19 mars 1919: je m’installai à bord du torpilleur « Razvedtchik ».

Le lendemain matin, après le lever du drapeau, je déménageai sur le torpilleur avec tous mes bagages. Me présentant au commandant, je fut de nouveau chaudement accueilli et présenté au principaux membres de l’équipage de pont et de machines l’équipage comprenant le lieutenant Blokhine, le chef de quart Bounakov (enseigne de Vaisseau de 2ème classe), le chef mécanicien Zhyvotov (lieutenant), son assistant , l’ingénieur mécanicien Geridiévski (enseigne de vaisseau de 2ème classe), le contrôleur et chef de quart Nicolas Karlovitch Lang (sous-lieutenant en l’Amirauté) ainsi qu’à l’homme de barre, l’étudiant Ratovski.

Connaissant le métier de marin, je fut nommé aux fonctions de « chef d’équipage » et « aide skipper ». L’effectif total du navire était de 21 personnes, commandement y compris.

Le torpilleur jaugeait 143 tonnes, et comportait une chaudière à mazout, une chaudière à charbon, deux moteurs à une hélice, un canon de 75 en proue, un canon Hotchkiss de 45 mm de chaque coté, et à l’arrière un canon anti-aérien et une mitrailleuse à disque. Bien entendu, chaque membre de l’équipage était équipé d’un fusil, sans compter les pistolet et revolvers.

Parmi les navires se trouvant dans le « cimetière » des navires prévus pour la casse, notre torpilleur ne se distinguait des autres bâtiments que par le fait qu’on pouvait y voir du personnel occupé un peu partout sur le pont.

C’était notre équipage entier, qui travaillait d’arrache-pied pour remettre en état le bâtiment en l’absence de toute aide extérieure, le personnel ouvrier de l’Amirauté étant en état de grève ou de sabotage permanent.

Je réussis à me procurer aux dépôts de l’amirauté, tous les équipements et matériaux qui était nécessaire à la remise en état et à la vie du navire. Le magasin fut remis en ordre, les matériaux rangés et enregistrés, les armes, équipements instruments et machines révisés, graissés, prêts à leur usage en combat. L’ingénieur mécanicien Zhyvotov et responsable des torpilles Martychenko firent le nécessaire pour rendre opérationnels le tubes lance-torpilles.

Le bâtiment toujours amarré au quai, nous fîmes un essai statique concluant des moteurs qui avaient été laissés à l’abandon depuis deux ans. Il ne restait plus qu’à effectuer des essais en mer ainsi que déterminer et corriger la déviation du compas.

Nous étions très heureux d’avoir exécuté tous ces travaux par nos propres moyens, permettant la mise en service d’un navire de guerre, alors que les meilleures unités de notre Flotte avaient été détruites par nos « alliés », les anglais et les français.

Première sortie en mer du « Razvedtchik ».

Le moment tant attendu arriva. Sous mon commandement, quatre matelots se mirent au guindeau et commencèrent à tirer sur la chaîne d’ancre à la main, tandis qu’à l’arrière, d’autres matelots lâchaient progressivement les amarres du quai. Le personnel des autres navires à quai nous regardait avec curiosité.

Lorsque, de la plage arrière on cria «amarres larguées», et que l’ancre fut levé, la commande fut donnée : « en avant, à petite vitesse », puis « en avant toute ! ».

Et le torpilleur s’éloigna du quai,  sous les applaudissements des équipages massées sur le pont des navire à l’ancre devant lesquels nous passions. 

Au début tout alla bien, nous nous dirigions à bonne vitesse vers la Baie du nord, vers le phare d’Inkerman, à coté duquel il y avait quelques navire de l’Entente (flotte anglo-française), mais très rapidement nous détectâmes une faiblesse dans la commande du gouvernail : pour passer de tribord à bâbord, le timonier devait donner 16 tours à la roue car le dispositif de direction assistée à vapeur n’avait pas été révisé. Au lieu de se diriger vers Inkerman, le torpilleur réagissait trop lentement et se dirigeait droit sur le croiseur français « Mirabeau ». L’équipage du « Mirabeau » 5Note PL : En mars 1919, le Cuirassé Mirabeau, pris dans une violente tempête de neige, s’échoua devant Sébastopol. Plusieurs semaines de travail furent nécessaires pour le déséchouer en démontant son artillerie et une partie de son blindage pour l’alléger et le remettre à flot. Le cuirassé rentra en France, en remorque du cuirassé Justice. et le notre eûmes très peur, et des deux coté nous prîmes des gaffes pour parer à une une collision possible. Heureusement, le timonier Rakovsky réussit à effectuer un virage à 90 degrés, et la catastrophe fut évitée. Finalement nous allâmes nous amarrer à une bouée dans l’alignement du phare d’Inkerman, où nous restâmes deux heures pour effectuer la correction de la déviation du compas.

Deuxième sortie,  jusqu’à la Baie de Balaklava.

Rentrés à notre quai, nous prîmes à bord le Capitaine Guézekhousse, 6Note PL : Gezekhousse Alexandre Petrovitch, né en 1875. Ecole navale 1896. Capitaine de vaisseau. Dans les FASR (Dénikine) et l’Armée russe (Wrangel) ; 1920 est arrivé en Yougoslavie sur le bateau « Vladimir ». En exil en 1931, en qualité de président de l’Association navale de guerre russe en Algérie. Auteur d’articles dans le Journal de la marine (Source Volkoff, officier de la flotte et du département de la Marine). commandant du « Groupe de navires de protection de la côte Caucasienne », et ayant allumée nos feux de signalisation, repartîmes mouiller dans la partie Nord de la Rade de Sébastopol.

J’allais ensuite dans la cabine pour dormir un couple d’heures, et à minuit moins le quart on vînt me réveiller pour prendre le quart jusqu’au matin.

Vers les quatre heures il fut temps de réveiller le second et commencer à rallumer les chaudières. A ce moment, le vent commença soudain à forcir et les vagues devinrent fortes. A bord, la vie se réveilla, tout le monde fut appelé sur le pont, mais nous dûmes  attendre un vingtaine de minutes pour atteindre la pression de vapeur suffisante pour prendre le large, face aux vagues.

La mer devenait de plus en plus mauvaise, le tangage devenait important et le pont était balayé par des montagnes d’eau jusqu’à la passerelle.

Au large du phare de Kherson, le commandant décida de virer vers Yalta, ce qui eut pour effet de diminuer le tangage mais d’augmenter le roulis.

J’étais à l’arrière, occupé à mettre en place le loch, pour mesurer la vitesse du bateau, lorsque que vis sortir le capitaine Guézekhousse pour aller vomir « tripes et boyaux ». 

Le roulis était trop fort, et cause de ses dimensions relativement petites, notre « Razvedtchik » risquait de se retourner. Nous étions alors à quelques deux miles de la cote, et le capitaine décida alors de virer à gauche. Le tangage fit place au roulis, et nous rentrâmes nous abriter dans les eaux plus calmes de la baie de Balaklava, formant un fjord long et étroit, entouré de montagnes parsemées de villas.

Mutinerie à bord du Batoum.

Dès notre entrée dans la baie, le vent tomba, tout devint calme et silencieux. Le torpilleur fut amarré à un coffre (bouée) et les machines arrêtées.

Vers midi, un navire arriva dans la baie et s’amarra à une centaine de mètres de notre « coffre »e : il s’agissait du paquebot « Batoum », bondé de réfugiés, évacués d’Odessa, fuyant l’avance des troupes bolcheviques! 7Note PL :Odessa fut prise par les Rouges le 8 février 1919. Les unités de volontaires qui n’avaient pas eu le temps d’évacuer partirent en Pologne avec le général Bredov, où elles furent internées. Mon frère Fiodor avec sa batterie étaient dans l’unité de Bredov. S’étant approchés avec notre chaloupe, nous apprîmes par les passagers que l’équipage du paquebot s’était révolté, avait pris le contrôle du bateau et avaient mis le commandant aux arrêts. Nous étions étonné de la passivité des passagers, notamment des centaines d’officiers armés figurant parmi les passagers, qui n’avaient pas réagis devant quelques matelots révoltés.

Le soir même, Langué, Blokhine, moi et deux autres membres de l’équipage, nous approchâmes du paquebot à la rame, réussîmes à monter à bord armés de fusils, revolvers et grenades. S’approchant du carré des officiers, occupés par les mutins, nous menaçâmes de lancer une grenade si les mutins ne se rendaient pas immédiatement : nous n’eûmes pas à attendre longtemps, les marins quelque peu dessoulés, se rendant compte de leur stupidité, se laissèrent désarmer, le capitaine fut libéré et l’incident fut réglé sans effusion de sang.

« Nous sommes en détresse, nous avons besoin de carburant ! ». En remorque jusqu’à Yalta.

Le lendain, la tempète s’étant calmée, nous reprîmes  notre route. On voyait, à l’horizon, de nombreux navires quittant Sébastopol et dirigeant vers la Bulgarie, la Turquie ou les cotes du Caucase. Au bout de quelques minutes nous fûmes obligés d’arrêter les moteur par manque de pression dans la chaudière. Nous nous aperçûmes alors que notre fuel était de mauvaise qualité et contenait de l’eau (c’était probablement dû à un sabotage lors de l’approvisionnement). Nous installâmes un gréément de secours qui nous permis d’avancer très lentement le long de la côte en attendant du secours. Nous vîmes alors un torpilleur anglais à nous nous envoyâmes des signaux signifiant « sommes en détresse, avons besoin de carburant ».

Les anglais nous prirent en remorque jusqu’àu quai à Yalta, où nous arrivâmes à la nuit, puis repartirent.

Pendant le remorquage, nos officiers furent invité à leur bord, au carré des officiers où nous nous régalâmes d’un excellent dîner.

Printemps 1919 : Novorossïïsk, service de surveillance et de protection de la côte.

Préssentant une prochaine évacuation générale de Sébastopol, le Haut Commandement envoya notre « Razvedtchik » à Novorossïïsk, ou nous arrivâmes après deux jours de navigation. Pendant tout l’été, nous avions navigué pour la suveillance et la défense des côtes du Caucase : nous participâmes  à quelques débarquements de troupes (notamment à Arkhipovo-Ossipovo, et nous faisions la chasse aux contrebandiers, rêvant d’attrapper des « commissaires rouges » qui utilisaient souvent des « schooner » à voile et moteur, pour pénétrer nos arrières.

Nos bases étaient Novorossïïsk et Touapsé : notre circuit était Doob, Arkhipovo-Ossipovo, Touapsé, Sotchi ; Adler, Gagry puis retour à Novorossïïsk.

Carte état-major 1903 édition 1916

Un jour, alors que je me promenais sur le bord de mer de Novorossïïsk, tout à fait par hasard, je rencontrais Madame Eskoulski et sa fille Réna ( à qui mon frères Fédor avait la cour quelque temps). J’appris que pendant les durs moments de la guerre civile, lorsque les partisans de Makhno occupaient la ville, les Eskoulski s’étaient réfugiés chez mes parents. C’était la première fois, depuis notre départ d’Ekaterinoslav, que j’avais quelques nouvelles de ma famille.

Les Eskoulski étaient installé, avec d’autres réfugiés, dans un train stationnant dans la gare maritime. Avec d’autres polonais, ils attendaient avec impatience l’arrivée du paquebot « Polonia » qui devait les ramener en Pologne, loin de la tourmente russe. Les ayant accompagné jusqu’à leur refuge, j’eu le plaisir d’y trouver leur père, vieux et aveugle, la petite Zoya et d’autres membres de la famille. Et je restai bavarder avec eux, jusqu’à tard dans la nuit.

Juin à Août 1919 : La Mer noire, la campagne d’été du « Razvedtchik ».

Alors que nous croisions devant les côtes du Caucase, il y eu des changements dans les effectifs du torpilleur : suite à des désaccords entre le commandant Biriliev et ses officiers Blokhine, Zhyvotov et Bounakov, ces derniers furent mutés ailleurs.

Un jour, alors que je me chauffais au soleil à l’arrière du torpilleur, j’entendis une voix qui m’appelait du quai : il s’agissait de Mitia Ponafidine qui, après avoir participé à la 2ème expédition du Kouban et pris Ekaterinodar, s’est retrouvé à l’état-major de l’amiral Klykov 8Note PL : commandant du port de Novorossiisk, puis à l’état-major de la Marine à Novorossïïsk. Mitia, qui venait d’être promu « mitchman » (enseigne de vaisseau de 2ème classe) cherchait une affectation qui lui permît d’utiliser ses compétences de marin. Je couru voir le Commandant et lui présenta Mitia qui lui fit bonne impression. Il accepta donc volontiers sa candidature qui permettait de remplir un des postes restés vacants. Mitia fut engagé en qualité de « chef de quart ». Il avait une mine et une maigreur affreuse, ayant été récemment malade du typhus : pendant que le Commandant à l’Amirauté pour enregistrer la mutation. Après s’être restauré à la cambuse, Mitia repartit chercher ses affaires et son ordre de mutation.

Maintenant nous étions deux gardes-marines de la même promotion à bord. Et bientôt nous fûmes quatre, ayant réussi à engager Micha Youdine (3ème promotion) et Kolia Kluchinski (4ème promotion) qui étaient de passage à Novorossïïsk.

Nuit du 30 au 31 juillet 1919 : en détresse à coté du phare de Doob.

Il faisait gris, un vent de force 6 nous poussait vers la côte, lorsqu’au large du phare de Doob, il y eu une avarie du palier du moteur gauche, par la faute de l’élève matelot Rostovski qui s’était endormi à son poste. La chaudière droite se vida de son eau le deuxième moteur s’arrêta. Nous dérivions vers la côte rocheuse et il fallait agir.

Je me trouvais à l’arrière, et pour éviter tout accident j’éloignai tout le monde ; par deux fois je demandai « quelle profondeur ? » mais n’eu aucun réponse, la sonde étant endommagée. Et l’ordre vint de jeter l’ancre. J’ai donc relâché le mécanisme du cabestan, l’ancre partit et la chaîne, puis le câble se mit à filer en sifflant. La profondeur du fond était trop grande, et arrivé au bout, le câble se rompit au niveau du cabestan, et l’ancre coula avec son câble.

Freiné par le déroulement du câble, le bateau ralentît, mais le vent tourna soudainement, et le roulis devînt si fort que le mât de misaine se rompit.

Tout le monde travailla dur pour couper le mât et les gréements et les jeter à la mer. Le vent se calma  nous nous restâmes sur place, légèrement ballotés par les vagues alors que notre mécanicien s’activait pour réparer les machines. Le mécanicien Martychenko réussit un miracle : avec des moyens de fortune, il fabriqua et souda un palier pour remplacer le palier grillé, ce qui devait nous permettre de faire repartir les machines et rentrer à petite vitesse par nos propres moyens à Novorossïïsk. Le jour commença a se lever, et nous vîmes alors avec stupéfaction que nous nous trouvions à peine à 200 sagènes 9Note PL : unité de mesure ancienne d’environ 2,13 m soit environ 400 m. du phare de Doob. Dieu nous a sauvé par miracle !

Nous vîmes alors un vapeur  américain, sortant du port de Novorossïïsk.

Nous envoyâmes alors un signal en haut du mât « le signal de détresse que le commandant ordonna d’accompagner par une fusée. Cela n’eut aucun effet et le vapeur continua son chemin. Il faut maintenant avouer que la faute m’était due : malgré ma connaissance des codes internationaux, je m’étais trompé de drapeau, et au lieu d’un signal de détresse, j’avais envoyé le signal demandant l’envoi d’un pilote ! Rien d’étonnant donc, que le bateau américain n’ait pas réagi.

Touapse : rencontre avec mes sœurs Natacha et Macha.

Ce fût tout à fait par hasard que je rencontrai mes sœurs, venues pour repérer un point de chute pour la famille. Nous rentrions à Toupse, venant de Gagry en passant par Adler et Sotchi. Il était minuit, nous arrivâmes devant Touapse, mais il était très difficile de distinguer les lumières délimitant le port. Nous avancions à toute petite vitesse, j’étais à l’avant, dirigeant la manœuvre à la voix. Arrivant devant la jetée, je vis un bateau de passagers et dans le porte-voix, je criai « Holà sur la jetée, avancez un peu pour nous permettre d’accoster ». A bord du bateau, ils nous comprirent et se déplacèrent vers l’avant. A peine amarrés, nous nous jetâmes dans nos couchettes, morts de fatigue. Le lendemain nous changeâmes le mouillage, pour être plus près de la sortie du port.

Après le déjeuner, Mitia, Micha, Kolia et moi allâmes nous promener le long du bord de mer de cette élégante station balnéaire. Les terrasses des cafés étaient remplies de monde, et la chaleur torride. J’entendis soudain une voix de jeune fille me disant « vous ne me reconnaissez pas ? Nous étions voisins à Ekaterinoslav ! ». 

Cette jeune fille m’informa que mes  sœurs Macha et Natacha séjournaient ici, dans l’hôtel qu’elle désigna de la main. Après avoir conversé quelques minutes, je la remerciai et couru à l’hôtel où on m’envoya au 1er étage. Je frappai à la porte, et entendant la voix de ma sœur, j’entrai et me trouvai devant Natacha, assise devant la fenêtre, cousant quelque chose. Quelques instants plus tard arriva Macha. M’ayant rassuré sur la santé du reste de la famille, elles me racontèrent qu’elles étaient ici pour voir s’il n’était pas possible d’acheter une vieille maison pour y installer toute la famille.

Mi-août 1919 : fin de la campagne d’été du torpilleur Razvedtchik.

Retour à Sébastopol, remorqué par le cargo  « Metchta »

Début août, notre torpilleur revînt à Sébastopol, à la remorque du cargo « Metchta » (à bord duquel se trouvait mon camarade ex-guardemarine, le « Mitchman » Piotr Poplavski), pour être à nouveau mis en état de « conservation de longue durée » dans ce même « cimetière de navires » que nous avions quittés quelques mois auparavant.

Le Commandant Biriliev fut affecté à l’Amirauté en qualité de Chef du Personnel de la Flotte. Quand à nous, (Ponafidine, Youdine, Kluchinski, Martychenko, Fedorovski et quelques autres, nous restâmes à bord du « Razvedtchik », à la disposition de l’Amirauté. Notre activité consistait à garder le navire, manger, nous baigner et nous chauffer au soleil.

Le soir, nous allions souvent nous promener à Sébastopol, et dîner au « Cercle Militaire de la Flotte ». J’y rencontrais de nombreux camarade de promotion, déjà promus « Mitchman », et notamment Zakharchenko, Lissenko, Kajaï, Kaplinski, Pesliak,Tomachevski et d’autres.

Je suis promu « mitchman » (enseigne de vaisseau de 2ème classe)

Le 30 août 1919 arriva de Taganrog un télégramme annonçant que Micha Youdine et moi-même que nous étions promus en qualité de « mitchman » (ordre N° 3291 du commandant de la Flotte de la Mer noire). Le lendemain je partis en permission à la maison.

Du 5 au 21 Septembre 1919 : permission à Ekaterinoslav.

Je trouvai tout le monde en bonne santé, sauf l’oncle Micha (diadia Micha), qui avait quelque problèmes avec ses jambes et était hospitalisé. Je lui rendis visite à l’hôpital : il était couché sur le dos, les pieds en direction du mur sur lequel se trouvait un miroir. M’aperçevant dans le miroir, il se leva d’un bond et courût vers moi en poussant des sons inarticulés : nous nous embrassâmes et commençâmes à parler par le langage des signes des sourd-muets. Nous arrivions à communiquer presque à la même vitesse qu’avec le langage parlé. Je lui rermis quelques gâteries et une lettre de ma mère, qu’il appelait « maman Bronka ». Pendant qu’il écrivait une réponse, je discutais avec son voisin de lit, un japonais, blessé dans une catastrophe ferroviaire dans le région d’Ekaterinoslav.

Novembre 1919 : mort de diadia (oncle) Micha.

Fin novembre 1919, quelques jours après mon départ d’Ekaterinoslav, Diadia Micha décéda. I fut enterré au cimetière dit de « Sébastopol ». Son cercueil fût fabriqué en bois de sapin, par un menuisier de l’Entrepôt des vins, subordonné de mon père, Iakov Ivanovitch Kakounine

La vie de l’oncle Micha.

Diadia Micha

Mon pauvre oncle n’était pas né sous une bonne étoile. Alors qu’il était bébé, mon grand-père, le prêtre Fédor, le laissa tomber accidentellement par terre, et en conséquence, quelques années plus tard, le petit garçon devint bossu. Hélas ce ne fût pas tout. A l’âge d’environ 15 ans, il fût atteint de fièvre typhoïde. Par manque de soins, courant à cette époque, une infection se développa et eu pour conséquence de le rendre sourd et muet. A la mort du grand-père, il fut recueilli par mon grand oncle, un prêtre violent et alcoolique et il était maltraité et malheureux. Plus tard, il fût pris en charge par mon père jusqu’à la fin de sa vie. Au lieu de devenir aigri par ses infirmités et sa difficile jeunesse, Diadia Micha était d’une exceptionnelle bonté et grandeur d’âme. Nous tous, nous l’aimions et respections. Ma sœur Tania et moi étions ses préférés.

Service  à bord du « Gnevnyi ».

En Octobre 1919, je fus affecté au torpilleur d’escadre Gnevnyi, 10Note PL: Contre-torpilleur du type Derzki, déplacement 1185 t, longueur 93,83 m, largeur 9,02, tirant d’eau 3,42, 2 turbines à vapeur, 2 moteurs, vitesse 30 nœuds, 111 hommes d’équipage dont 7 officiers, armement : 3 canons de 102 mm, 5×2 tubes lance-torpilles de 457 mm en qualité de chef de quart, puis de commandant de section.

Contre-torpilleur Gnevyï en 1914 (extrait de Morskaya Kompaniya N° 8, croquis de Dachiane)
Contre-topilleur Gnevnyï (Collection A. V. Plotto)

Situation générale des Forces armées du sud de la Russie en Crimée.

La situation militaire empirait de plus en plus. A l’arrière, des groupes de bandits opèraient dans la région d’Ekaterinoslav. Parmi ceux-ci, les plus dangereux étaient les partisans de Makhno qui devenaient de plus en plus nombreux. Alliés provisoires des Petliourovtsy, puis de l’Armée Rouge, ils pillaient les villes  et attaquaient les unités blanches. Plus tard, ayant refusé d’intégrer l’Armée rouges, il furent liquidés par elle. 

Devant tous ces problèmes, la population de l’arrière ne pouvait pas aider les Armées blanches. Les froids très forts, des insuccès dans certaines parties du front, la trahison des arrières, firent que nos armées reculaient partout, de plus en plus démoralisées.

Ligne du front Blancs/Rouges fin 1919/début 1920

Le 11 décembre 1919 : arrivée de mes parents à Sébastopol.

Le 11 décembre 1919, mon père, ma mère, Natacha, Maroussia (la femme de mon frère) et Malgossia Gvosdeva, arrivèrent à Sébastopol après un voyage épuisant de 8 jours.

Alors que j’étais de garde sur le « Gnevnyi », mon ami le garde-marine Kolia Kliouchinski vînt à bord et m’informa que ma famille m’attendait à la gare. Aussitôt remplacé par Kajaï, je quittais le navire et fonçai à la gare. Au buffet, parmi les innombrables réfugiés de Ekaterinoslav, ils étaient tous attablés, entourés de valises. Avec sa chapka d’astrakan, mon père ressemblait à l’écrivain Chevtchenko. Quant à Maroussia, je remarquai que son ventre commençait à s’arrondir.

Il était déjà 15 heures et il fallait penser au logement. Mon père se souvînt alors qu’il y avait à Sébastopol, une connaissance, Elisaveta Mikhailovna Teremetskaya, habitant au N° 20 de la « Bolchaya Morskaya ».

Vue de la rue Bolchaya Morskaya début 1900.

Avec mon père, je pris un fiacre pour visiter cette dame qui nous confirma qu’elle nous recevrait volontiers en attendant de trouver une un appartement.

Revenus à la gare, nous chargeâmes famille et bagages et repartîmes vers la «rue « Bolchaya Morskaya», en passant le lond de la Baie du Sud, le « Boulevard Historique », la place de l’Amiral  Nakhimov avec son fameux hôtel « Kista » et le quai « Grafskaya Pristanne». Au bout de 2-3 jours, je trouvais un petit appartement de 2 pièces.

Le 12 janvier 1920 : je trouve un appartement pour mes parents.

Le 12 janvier, je trouvai au N° 13 de la rue du Dock, un nouvel un appartement nettement meilleur que le précèdent, avec 3 pièces et une cuisine « d’été ». Le bois étant très cher, j’y installai un chauffage au fuel car je pouvais m’en procurer gratuitement sur le Gnevnyi mais ma solde de mitchman célibataire pouvait difficilement assurer la subsistance de toute la famille.

Situation du front de Crimée fin janvier-début février 1920.

La situation n’était pas bonne. Nous sommes revenus aux positions de l’an dernier. Partout, des soulèvements de paysans rendent l’approvisionnement en nourriture, munition et fourrage difficile pour nous comme pour les Rouges.

La région de Perekop passa plusieurs fois aux mains des Rouges puis des Blancs ; Notre stratégie était de consolider au maximum nos positions à Youchoune. A l’arrière, à Sébastopol, il y avait une intense activité des bolcheviques, et une agitation des masses populaires qui n’était pas en faveur de Blancs. Nous commençâmes la révision du « Gnevnyi », mais rencontrions beaucoup de difficulté, notamment à cause des permanentes actions de sabotage du personnel des docks et des ateliers du port.

Le 23 février 1920 : débarquement au port de Khorly.

Khorly se situe à l’ouest à proximité de la Crimée. En haut le ville de Kherson.

Le 23 février, l’équipage du « Gnevnyi », à été désigné pour participer à un raid et un débarquement à Khorly, organisé avec des unités de toute l’escadre : le 5 mars nous eûmes un petit combat, d’une heure, avec un groupe de bandits qui se retirèrent avec trois blessés ou morts. De notre coté, aucune perte.

On resta là-bas jusqu’au 7 mars.

Le résultat de l’opération fut d’approvisionner Sébastopol  avec 20 000 pouds (soit 320 tonnes) de blé et 150 moutons.

Le Général Wrangel11Wrangel, Piotr Nikolaevitch, baron (1878 – 1928). Issu d’une famille noble d’origine suédoise, il étudie le génie minier, puis s’engage dans le service militaire, participe à la guerre russo-japonaise et, plus tard, pendant la Première Guerre mondiale, se distingue en Prusse orientale et en Galice. Après la révolution d’octobre, il refusa de rejoindre l’hetman ukrainien Skoropadsky, qui était soutenu par les Allemands, et a rejoint l’armée des volontaires en 1918. Il succède à Dénikine en avril 1920, lorsque ce dernier se retire en Crimée et laisse le commandement de l’Armée blanche. Il profita de la guerre avec la Pologne pour regrouper ses forces et, de ce fait, lance une offensive en Ukraine, et forme un gouvernement reconnu par la France. À l’automne de la même année, pressé par l’Armée rouge (après un armistice avec la Pologne), il se retire en Crimée et, en novembre 1920, organise l’évacuation vers Constantinople de 140 000 militaires et civils. Après s’être installé avec son quartier général et quelques troupes d’abord en Turquie puis en Yougoslavie, il renonce à la poursuite de la guerre armée dès 1925 et s’installe en Belgique où il meurt en 1928 (source Chronos http://www.hrono.ru/biograf/vrangel.html). est nommé Commandant en Chef. 12Note PL : comme l’écrit Ivan Rosoff par la suite, il fut élu par un groupe d’officiers supérieurs sous la présidence du général Dragomirov.

Les salopards d’ouvriers de Sébastopol sont en grève sous des prétextes économiques. Voilà 5 jours que le port ne travaille plus. Les travaux de réparation sont stoppés. Le Général

Slachtchev 13Slachtchev Yakov Aleksandrovich (29.12.1885-10.01.1929). Colonel (11.1916). Général de division (04.1919). Général de corps d’armée (04.1920). Diplômé de l’école secondaire de Saint-Pétersbourg (1903), de l’école militaire de Pavlovsk (1905) et de l’Académie d’état-major de Nikolaïev (1911). A participé à la Première Guerre mondiale : commandant d’une compagnie et d’un bataillon du régiment Finliandski de la garde (01.1915 – 07.1917). Commandant du régiment de Moscou de la garde (14.07-01.12.1917). Pendant la guerre, il a reçu 5 blessures. Pendant le Mouvement blanc : il a formé les unités de l’Armée des volontaires sous la direction du général Alexeev dans la région de Mineralnye Vody (01-05.1918). Officier dans un détachement (environ 5000) du colonel Shkuro (05-07.1918). Commandant de la 1ère brigade d’infanterie Plastunskaya de Kouban et chef d’état-major de la 2ème division cosaque de Kouban du général Ulagai (07.1918- 04.1919). Commandant de la 5e division d’infanterie, 04-08.1919. Commandant de la 4e Division d’infanterie (13e et 34e Brigades combinées) (08-11.1919). Commandant du 3ème Corps d’armée (13ème et 34ème brigades combinées déployées en divisions) (12.1919-02.1920). A pris la défense de l’isthme de Perekop en Crimée le 27.12.1918, empêchant l’invasion de la Crimée par l’Armée rouge. Commandant du Corps de Crimée (02-04.1920). Commandant du 2e corps d’armée (anciennement corps de Crimée, renommé par le général Wrangel) (04-18.08.1920). Démis de ses fonctions par le général Wrangel et du commandement du corps, mis en réserve (18.08.1920). Évacué de Crimée (11.1920). En exil (11.1920-11.1921). Rentré en Russie soviétique le 21.11.1921. Conférencier aux cours Vystrel, (06.1922-01.1929). Assassiné par Kollenberg le 11.02.1929 dans sa chambre pendant les cours « Vystrel » à Lefortovo. En tant qu’héros de la défense de la Crimée, il a reçu le 18.08.1920 le droit d’être appelé « Slaschev-Krymsky » par ordre du général Wrangel. (source Chronos http://www.hrono.ru/biograf/bio_s/slashev.html). a augmenté les salaires de 75% et le port s’est remis au travail. Une autre fois les ouvriers du port se sont mis en « grève politique », « une journée de deuil » pour protester contre l’exécution par Slachtchev de 10 ouvriers.

Un événement important se produisit en avril 1920 : le Général Wrangel fut élu Commandant en Chef des Forces Armées du Sud de la Russie en remplacement du Général Denikine14Denikine, Anton Ivanovitch, né le 4 (16) décembre 1872, près de Varsovie. Il est diplômé de l’école militaire de Kiev (1892), puis de l’Académie de l’état-major général (1899). Il a participé à la guerre russo-japonaise. Pendant la première guerre mondiale, il a commandé une division de l’armée du Sud. A partir de 1916, il est lieutenant-général. A participé à la « révolte » de Kornilov contre le gouvernement provisoire. Arrêté, il s’est échappé de prison (décembre 1917). Il se rendit sur le Don, où il devint l’un des organisateurs de l’Armée blanche. Après la mort du général L. Kornilov, il fut le commandant de l’Armée des volontaires. Il reconnait l’amiral A.V. Kolchak comme chef suprême. Il est vaincu dans les batailles contre l’Armée rouge et part pour Constantinople (1920), puis il s’installe à Paris. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a rejeté toutes les tentatives des hitlériens d’établir un contact avec lui en tant que leader possible autour duquel les forces antisoviétiques auraient put s’unir. Jusqu’à la fin de ses jours, il est resté un patriote de la Russie. Après la guerre, il s’est installé aux États-Unis. Auteur de mémoires en 5 volumes. Il est mort le 8 août 1947, à Ann Arbor, Michigan, États-Unis. qui quitta le pays. Je participais à une cérémonie, devant le socle de la statue de l’Amiral Nakhimov, et j’entendis personnellement le début du discours du Général Wrangel qui déclara : « La situation est sans issue, c’est-à-dire presque sans issue, mais j’essayerai de trouver une solution dans l’honneur ! ».

Le 8 avril 1920 : Naissance de Pétia Rosoff, le fils de mon frère.

Bonne nouvelle : le 8 avril 1920, la femme de Fédor, Maroussia (née Bandourovski, à donné naissance à leur fil Pétia.

Son parrain est Kolia Kluchinski.

Quant à Fédia, il se trouve apparemment avec Génia Levitski, interné en Pologne avec le régiment de Brédov.15Note PL : Sous la pression de l’Armée rouge environ 23 000 personnes qui se trouvaient à l’ouest du Dniepr, la plupart des militaires et de nombreux malades, placé sous le commandement du général Bredov, avaient reçu l’ordre de rejoindre Tulcea en Roumanie pour gagner par la suite la Crimée. Les Roumains ne les laissèrent pas passer et les accueillirent à coups de mitrailleuses. Bredov et ses hommes se trouvèrent dans l’obligation de se diriger vers le nord où il rejoignirent les troupes Polonaises le 12 février 1920. Ils combattirent dans les rangs polonais puis ils furent interné par les Polonais dans des camps. Les conditions d’internement étaient épouvantables. Beaucoup moururent du typhus et seulement environ 7000 hommes rejoignirent La Crimée.

Le frère de Maroussia, Stefik Bandourovski, qui est au front, vient nous visiter de temps en temps à Sébastopol et nous ravitaille avec divers produits achetés dans les villages près du front. Cela nous aide beaucoup, car les aliments deviennent rares en ville, et nous nous nourrissons essentiellement de poissons, des éperlans, cuisinées sous toutes les formes possibles.

Sébastopol. Mai et juin 1920.

Avec le Général Vrangel, les choses semblent prendre une autre tournure : l’Armée Blanche prend l’offensive et la Tauride du Nord est  entre nos mains !

Le 25 mai 1920 est édictée une nouvelle loi agraire « La terre aux travailleurs ».16Note de la PL : « Mettre à profit toutes les terres aptes à la culture, quelle que soit la condition, pour la possession par le plus grand nombre possible de propriétaires qui travaillent effectivement sur ces terres. » « Tous les propriétaires fonciers à qui l’on accorde des terres doivent les recevoir en propriété, moyennant achat et en toute légalité. » « Établir pour la mise en œuvre de cette réforme sur le terrain des organes d’autonomie foncière et faire participer les paysans eux-mêmes à ces organes. » Les relations avec les paysans s’améliorent, le moral de l’armée remonte et les opérations du front se développent favorablement.

Le général Wrangel crée une nouvelle décoration : l’ordre de St Nicolas.

Décoration de l’ordre de Saint-Nicolas de première classe ( il y avait 2 classe. L’ordre était considéré comme équivalent à celui de Saint-Georges, mais il était porté en dessous).

17Note PL : destinés aux officiers et aux grades subalternes pour des « exploits militaires exceptionnels dans la lutte contre les bolcheviques ».

Le 6 juin 1920 une décoration spéciale pour la « Campagne d’Ekaterinoslav » est crée.

Par ordre N°3303 du 6 juin 1920, le Général Wrangel créa une décoration spéciale pour les participants à la marche d’Ekaterinoslav.

Décoration pour la « marche d’Ekaterinoslave créée sur ordre du général Wrangel du 6 juin 1929.
Note PL : copie de l’ordre du général Wrangel du 6 juin 1920. Avait le droit de porter cette décoration tous ceux qui étaient partis d’Ekaterinoslav le 27 novembre et rejoint les FASR, ceux qui avaient quittés les rangs blessés ou contusionnés ou ceux fait prisonniers par l’ennemi après réhabilitation.

Août,  Septembre et Octobre 1920 : selon des rumeurs, la Pologne est prête à  accepter les conditions de paix.18Des « conditions de paix préliminaires » ont été signées à Riga le 12 octobre 1920 et les hostilités ont cessé le 18 octobre 1920.

Au début, la situation sur le front était plutôt bonne, et les bolcheviques peinaient tant de notre coté que sur le front polonais. Mais bientôt, le bruit couru que la Pologne était prête à accepter les conditions de paix proposées par les bolcheviques, qui numériquement surpassaient les adversaires.

Caricature du camp d’internement de Pikoulitze en Pologne de militaires de la campagne Bredov (Collection privée).

Nous n’avions aucune nouvelle de mon frère, et pour tranquilliser la famille, et surtout sa femme Maroussia, je suivais attentivement tout mouvement de bateaux de transport qui arrivaient à Sébastopol pour essayer de glaner des nouvelles. Un jour, j’appris par des officiers arrivant d’Odessa, que mon frère faisait partie de la division du Général Bredov qui s’était réfugiée en Pologne au moment de la prise d’Odessa par les Rouges. Cette division fut internée par les polonais. Lisant les journaux et jouant aux cartes, mon frère et ses camarades attendaient impatiemment d’être rapatriés en Crimée.

 Mon frère Fédor rentre de Pologne.

Cette attente dura assez longtemps, jusqu’au jour où les Polonais décidèrent de rapatrier les réfugiés russes qui désiraient rentrer en Crimée. Et c’est ainsi, qu’un jour, rentrant un soir visiter mes parents, je trouvais mon frère à la maison, voyant pour la première fois son fils qui venait d’atteindre ses six mois. Le retour de Fédor redonna le moral à sa femme Maroussi, qui souffrait depuis deux mois d’un urticaire. 

Caricature du camp d’internement de Pikoulitze. Distribution de pâte de fruits et de cigarettes.

Stéfik Bandourovski, qui jusqu’à présent se battait avec bravoure dans les rangs de l’Armée blanche, venait de décider de rentrer défendre la Pologne, et nous l’accompagnâmes tous avec tristesse jusqu’au paquebot Polonia, en partance pour son pays.

Les Polonais conclurent la paix avec les bolchéviques!

Les récentes rumeurs concernant l’éventualité de la cessation des combats entre la Pologne et les Rouges se trouvèrent confirmées, « les conditions préliminaires de paix » ayant été signée le 12 octobre et entrées en vigueur le 18.

Sur le front de Crimée, les combat reprirent avec rage et nos troupes reculaient lentement vers les positions de défense de Perekop.

Le moral de nos troupes semblait bon, mais à l’arrière la situation pourrissait comme du temps de Denikine. Et puis, nous apprîmes que nos troupes avaient évacué Perekop et reculaient vers les lignes fortifiées de Youchoune. A l’arrière commença la panique, et en premier lieu dans les état-majors.

29 Octobre 1920 : Le général Wrangel donne l’ordre d’évacuation de Sébastopol.

Le 20 octobre 1920, j’arrivai au torpilleur au lever du drapeau et pris mon tour de garde de 24 heures, en remplacement de mon ami Nikolaï Grigorievitch Kajaï. Arriva ensuite le Commandant qui me convoqua et m’ordonna de rassembler immédiatement tous les officiers dans le carré, pour prendre connaissance de nouvelles importantes. A peine rassemblés, nous entendîmes le Commandant nous lire, d’une voix blanche, l’ordre du général Wrangel annonçant l’évacuation de Sébastopol.

Nous étions tous abasourdis par cette terrible nouvelle.

En ma qualité de commandant de section, je reçus l’ordre de lire cet oukase de Wrangel devant le reste de l’équipage, et l’informer que tous ceux qui le voulaient, étaient libres de rester à leurs risques et périls.

Quant aux officiers, le commandant leur proposa de procéder sans délai, dans l’ordre et la discipline, à rassembler leurs familles pour un voyage dans l’inconnu, à l’étranger !

Ayant réuni l’équipage, je lus, d’une voix assurée, le texte de l’ordre de Wrangel, et ajoutai que je ne voulais pousser personne à partir à l’étranger. La situation était trop sérieuse pour me permettre de donner des conseils, que chacun se décide en conscience. Le présent était sombre et le futur inconnu, et il ne me viendrais pas à l’esprit de jeter la pierre à quiconque décide de rester en Crimée. Mon discours fut suivi d’un silence de mort, et je commandai « repos, vous pouvez disposer ! ».

Beaucoup, surtout les vieux matelots, avaient les larmes aux yeux. Plus de la moitié de la Section décida de rester : certains pour des raisons familiales, d’autres, simplement par peur de l’inconnu.

Les adieux aux parents.

Me faisant remplacer au service de garde, je courus vers ma maison. En traversant la voie ferrée qui passait juste devant notre immeuble, je vis arriver Sacha Voyevodine qui me dît que son train blindé allait être abandonné, et qu’il aurait bien voulu embarquer à bord de notre torpilleur pour l’évacuation. Je pris un bout de papier et lui rédigeai  à la hâte un laissez-passer. Arrivé à la maison, je vis mon père, qui se préparait à aller à son travail, et lui annonçai la l’horrible nouvelle, en lui précisant qu’il y avait de la place à bord du contre-torpilleur Gnevnyï pour toute la famille.

Si mon frère n’était pas retourné au front, notre évacuation à l’étranger aurait peut être pris une autre tournure. Hélas, nous ne savions plus où il était, et notre pauvre Maroussia hésitait à accepter ma proposition.

Pour mon père, son état physique (sclérose du cœur et angine de poitrine), ne lui permettait une traversée en mer, le roulis du navire en cas de mauvais temps pouvant lui être fatal.

Pour ma mère, il n’était pas question de laisser ses filles Tania, Macha et Dacha, qui se trouvaient à Ekaterinoslav. Quand à Natacha, elle ne voulu pas entendre parle d’une séparation avec les parents.

Il s’est donc avéré que je n’avais pas le choix, et il me fallait rapidemment faire les adieux et rejoindre le  Gnevnyï  pour préparer son départ.

En ces minutes difficiles et inoubliables, nous nous sommes tous comportés avec courage sans nous laisser abattre. Avant la séparation finale, il me fallait prendre d’urgence des mesures pour assurer le futur de ma famille. La veille, mon père avait trouvé un appartement plus près de son travail, et décision fut prise d’y déménager sans tarder. La décision de déménager était par ailleurs confortée par la nécessité de quitter le quartier, où j’étais connu par tous en tant qu’officier Blanc, minimisant ainsi les risques que la famille pouvait courir au moment de l’arrivée des Rouges et de la Tcheka. Les volets furent immédiatement fermés pour ne pas laisser voir, du dehors, nos préparatifs de départ.

Nous trouvâmes une charrette à bras, et un de nos voisins nous proposa de transporter nos bagages en deux trajets. J’allai voir notre propriétaire, veuve d’un marin, qui se comportait comme une « salope » vis à vis de ma famille, et la menaçai de représailles dans le cas où il arrivait le moindre « accident » aux miens. Je pense qu’elle pris mon avertissement au sérieux. A ces moments, un drame semblable se répétait dans toutes les familles de officiers Blancs qui s’apprêtaient à partir.

Les dernières minutes furent particulièrement simples et inoubliables. En se bénissant les uns les autres, nous nous embrassâmes. Je baisai la main de mon père qui me bénît et dît qu’il suivra la situation par les journaux, qu’il espérait que je retrouverai mon frère, et que nous verrons plus tard comment entrer en contact. Je regardai mon père qui me sembla prendre à ce moment un coup de vieux, et ma mère, petite, vieille et triste qui disait à mon père « Ecoute Pétia, qu’arrivera t-il à nos fils, quand les reverrons nous ? ». Mon père répondis courageusement « ne t’inquiète pas, ils vivront quelque temps à l’étranger, puis seront amnistié ! ». Ce furent ses derniers mots qui, je pensais, resteront gravés à jamais dans ma mémoire. Cependant, dans mon fond intérieur, j’avais le pressentiment que je ne les reverrai plus jamais.

Après avoir laissé la plus grande partie de l’argent en ma possession, je quittai la maison, seul, pour ne pas attirer l’attention des voisins et des passants, qui, semblait-il, étaient déjà informés de la fin de la lutte des Blancs et de l’évacuation de l’armée.

La ville se Sébastopol se prépare à l’évacuation.

En route vers le port, je vis une grande animation régner sur le bord de mer et sur les quai : les équipages des navires se préparaient, les uns pour l’embarquement, les autres pour quitter les navires, pour la ville ou pour le bâtiments « morts » qui ne devaient pas partir. Sébastopol bougeait. Le familles d’officiers et marins en partance, transportaient leurs bagages. Dans la ville, des pillages et des désordres commençaient.

Les entrepôts du port ouvraient leurs portes pour distribuer les biens de l’état, d’abord aux équipages des bâtiments militaires, et ensuite à tous les citoyens de la ville.

Oui, pensai-je, la lutte des Blancs est bien finie, paix aux âmes de tous les braves patriotes russes, jeunes et vieux, qui tombèrent pour sauver leur Patrie de la honte.

Embarquement à bord du « Pylkyi ».

Le Commandement donna l’ordre de transférer sur le Pylkyi 19Note PL : au 30 octobre le Gnevni connaïtra des dysfonctionnements et sera désarmé. Il sera remorqué à Constantinople le 14 novembre 1920 par le Golland avec 1015 refugiés. Il ne nécessitait, par conséquent qu’un équipage restreint. Il s’agit d’un contre-torpilleur du type Schastlivi. Longueur 98 m, largeur 9,38 m déplacement 1330 t, vitesse 30 nœuds, armement : 3 canons de 102 mm, 2 canons antiaériens de 47 mm, 4 mitrailleuses de 7,62, 5×2 tubes lance-torpilles de 450 mm, 10 grenades sous-marine, 2 projecteurs. Équipage : 10 officiers, 6 officiers-mariniers, 130 hommes d’équipage. (commandé par le capitaine Skoublitzki) les officiers et marins du Gnevni, avec leurs familles.

Le contre-torpilleur Pylki (du type Stchaslivyï) (collection A. V. Plotto)
Contre-torpilleur Stchaslivi (copie des plans originaux)

30 octobre 1920 (Inkerman).

Le « Pylki » sortit vers la Rade du nord et s’amarra au coffre face à Inkerman. Le temps était magnifique, et nous pouvions voir une colonne de fumée au dessus de moulin « Rodokanaki » qui avait été incendié la veille. Sur les berges, des troupes attendaient leur tour pour l’embarquement. Un peu plus loin, les cheminots avaient lancé l’un contre l’autre, deux trains blindés, fin de ne pas les laisser à l’ennemi. On vît les wagons se renverser, et on entendît le bruit de l’explosion des locomotives.

A bord du « Pylki », les canons étaient chargés, et les servants à leur poste, prêts pour répondre à une éventuelle attaque de l’ennemi, pouvant venir de Batchkisaraïou d’Inkerman.

Nous ne savions pas combien de temps nous allions rester sur place et chacun songeait à ce que nous réservait l’avenir. Voyant qu’on mettait à flot une chaloupe, je demandais au second l’autorisation de descendre à terre pour un couple d’heures, pour dire encore adieu aux miens, et s’assurer qu’ils ont bien effectué leur déménagement.

A bord, mes camarades me chargèrent de faire diverses commissions sans intérêt, telle que par exemple acheter de mandarines pour lutter contre le mal de mer. La chaloupe accosta au quai, je sautai à terre, et après avoir chargé le fusil, on ne sait jamais .., je couru vers le centre. Partout on voyait des pillages, des gens couraient portant des paquets de vêtements militaires pris dans les entrepôts, les plus forts arrachant le butin des plus faibles.

Un tout jeune officier fantassin m’aborda, me demandant conseil : s’embarquer ou non ? Je lui répondis que je ne pouvais donner aucun conseil, ne sachant pas moi-même ce que j’allais faire, et le quittai en lui souhaitant bonne chance.

Les derniers adieux.

Je m’approchai avec précaution de la maison : les fenêtres étaient fermées mais la charrette était devant la porte. J’entrai, embrassai encore tout le monde et partis, en laissant tout l’argent que j’avais sur moi.

J’allai jusqu’à la place du marché, puis revins sur mes pas : je vis alors ma mère, venant de l’autre coté de la rue, tenant Pétia dans ses bras, et Maroussia marchant derrière. Nous échangeâmes des regards, sans parler, et elles tournèrent au coin de la rue. Repassant devant la maison, je vis que la charrette n’était plus, mon père étant repartis pour un dernier voyage de déménagement.

Je repartis alors vers la chaloupe qui m’attendait.

Belbek et Eupatoria.

Extrait et collage de cartes spéciales de l’état-major.

De retour à bord, j’avouai à Sacha Voyevodine, qu’au lieu de de faire les achats demandés, j’avais donné tout l’argent à mes parents ! Et il approuva mon geste. Nous quittâmes le mouillage pour aller nous amarrer à Belbek, puis partîmes vers Eupatoria. Du bateau, on voyait sur la côte de nombreux chevaux, errer sans cavalier . On arrivait même à entendre parfois leur hennissement, comme un au revoir à l’Armée Blanche quittant la Crimée après une guerre civile fratricide.

Le soleil commençait à se coucher lorsque nous nous amarrâmes à une bouée, à 8 ou 10 encablures de la côte, face à Eupatoria. A 8 heures je pris le quart. Les armes étaient chargées, prêtes au combat, et l’ordre était de faire feu en cas d’apparition des Rouges.

Faisant les cent pas sur la passerelle, j’observais le pont, remplis de passagers (les familles de notre équipage) parmi lesquels quelques femmes enceintes. Et je pensais à la panique qui s’installerait à bord si nous étions obligés de nous mettre à tire au canon de 100 millimètres.

Juste à ce moment, je vis apparaitre, à l’orée d’un petit bois, un groupe de cavaliers, debout sur les étriers, qui regardaient en notre direction.

Sans aucun doute, il s’agissait d’éclaireurs Rouges. Nos canons étaient pointés pour un tir à une distance de 8 encablures et les servants attendaient mon ordre d’ouvrir le feu. Je prévins le Commandant en disant qu’à mon avis, vu la situation, tirer ne servirait à rien. Le Commandant approuva et me félicita d’avoir gardé mon sang-froid. A ce moment, un escadron de Rouges s’approcha des éclaireurs et ils tournèrent tous la bride et partirent. Nous fûmes heureux d’avoir évité de faire inutilement de nouvelles victimes, alors que la guerre était terminée pour nous autres, les volontaires Blancs. Le moment du changement de quart s’approchait, et vers dix heures Lavrov pris la relève. Je rentrai au carré des officiers, rempli à ras bord de réfugiés qui s’y étaient installés comme ils le pouvaient. 

Le 1er novembre 1920 : départ pour Constantinople.

Installé dans la couchette de Lavrov qui avait pris ma relève, je me mis à sommeiller. A travers mon sommeil, j’entendis qu’il y avait du remue-ménage sur le pont, puis le bruit du dispositif envoyant la vapeur aux machines et des ordres : « lâchez les amarres, marche avant, en avant toute etc.…. Nous prenions le large. Je me réveillai alors complètement, montai sur le pont, et là, j’appris que l’ordre avait été donné au Pylkyi de quitter la Crimée pour Constantinople.

Et nous quittâmes ainsi Eupatoria et la Crimée.

Reverrons nous un jour notre Patrie ?  Dieu seul le sait.

« Comme un nuage silencieux qui se déplace, 20Note PL : nuage blanc dans le texte original
Viennent à l’esprit inquiet,
Toutes ces choses que hélas, on ne peut retrouver,
Et que l’on ne peut oublier!


« Te souviens-tu du temps passé » ?

Nicolas Agnivtsev

  • 1
    Note PL : La ville de Kertch était à cette date tenue par les Blancs mais ses environs étaient contrôlés par des partisans bolchéviques ( jusqu’à environ 700) réfugiés dans les grottes des carrières d’extraction de pierres des environs et qui ne furent battus que le 6 juin 1919 après une tentative de prise de Kertch par les partisans. L’artillerie de la Marine blanche et celle des alliès se montra précieuse dans ces combats.
  • 2
    Note PL : Birilev Vadim Andreevich : né en 1886. Achève l’École des junkers de la flotte. Officier en 1909. Lieutenant de vaisseau, commandant d’une division de la brigade de dragage des mines de la flotte de la mer Noire. Il servit dans les FASR et l’Armée russe, à partir de février 1920 dans le département administratif de l’état-major de la flotte de la mer Noire, à partir d’août 1920 il était capitaine de pavillon dans l’état-major du commandant en chef, à partir d’octobre 1920, commandant du navire Altaï jusqu’à l’évacuation de la Crimée. Capitaine de frégate le 29 mars 1920. Le 21 novembre 1920, il commandait le remorqueur Tchernomor, le 25 mars 1921 dans l’Escadre russe à Bizerte, avril – mai 1921 – commandant du navire à vapeur « Tchernomor », à partir de novembre 1921 – chef du stock de la Commission, à partir d’octobre 1923 sur le cuirassé Guéorgui Pobedonossets. Décédé le 15 octobre 1961 à Tunis.
  • 3
    Note PL : No. 273 – un des torpilleurs de type Pernov construits pour la Marine impériale russe. En mars 1894 sa construction fut lancé à Nikolaïev, mis à l’eau le 19 septembre 1896, entré en service en 1899, le 20 avril 1895, il avait été inscrit sur les listes des navires de la flotte de la mer Noire. Il subit d’importantes réparations de la coque et des mécanismes en 1909 avec le remplacement des chaudières. Le 21 juillet 1915, il a été rééquipé et reclassé en dragueur de mines, et le 12 octobre 1916, en aviso. Pendant la Première Guerre mondiale, il a été utilisé pour le ravitaillement des forces de la Flotte impériale, le dragage, en qualité d’aviso et de service au port. Le 29 décembre 1917, il fut intégré à la flotte rouge de la mer Noire. Le 1er mai 1918, il avait été saisi par les armées allemandes. Le 24 novembre 1918 – par les forces de l’Entente. Le 3 avril 1919, il quitta Sébastopol pour Novorossiïsk et le 3 mai 1919, il rejoignit la flotte des Forces armés du sud de la Russie. Le 14 novembre 1920, il fut abandonné lors de l’évacuation de Sébastopol. Il n’a plus été mis en service et le 11 décembre 1923, il a été exclu des listes des navires de la Flotte rouge des ouvriers et des paysans et mis à la ferraille. Depuis le 22 juillet 1915 – T.5, depuis le 24 avril 1916 – T.75, du 6 août 1916 – T.275 (ex-273), du 12 octobre 1916 – N° 7, à partir du 8 mai 1919 – Razvedtchik (l’Eclaireur).
  • 4
    Note PL : lieutenant de vaisseau Biriliev
  • 5
    Note PL : En mars 1919, le Cuirassé Mirabeau, pris dans une violente tempête de neige, s’échoua devant Sébastopol. Plusieurs semaines de travail furent nécessaires pour le déséchouer en démontant son artillerie et une partie de son blindage pour l’alléger et le remettre à flot. Le cuirassé rentra en France, en remorque du cuirassé Justice.
  • 6
    Note PL : Gezekhousse Alexandre Petrovitch, né en 1875. Ecole navale 1896. Capitaine de vaisseau. Dans les FASR (Dénikine) et l’Armée russe (Wrangel) ; 1920 est arrivé en Yougoslavie sur le bateau « Vladimir ». En exil en 1931, en qualité de président de l’Association navale de guerre russe en Algérie. Auteur d’articles dans le Journal de la marine (Source Volkoff, officier de la flotte et du département de la Marine).
  • 7
    Note PL :Odessa fut prise par les Rouges le 8 février 1919. Les unités de volontaires qui n’avaient pas eu le temps d’évacuer partirent en Pologne avec le général Bredov, où elles furent internées.
  • 8
    Note PL : commandant du port de Novorossiisk
  • 9
    Note PL : unité de mesure ancienne d’environ 2,13 m soit environ 400 m.
  • 10
    Note PL: Contre-torpilleur du type Derzki, déplacement 1185 t, longueur 93,83 m, largeur 9,02, tirant d’eau 3,42, 2 turbines à vapeur, 2 moteurs, vitesse 30 nœuds, 111 hommes d’équipage dont 7 officiers, armement : 3 canons de 102 mm, 5×2 tubes lance-torpilles de 457 mm
  • 11
    Wrangel, Piotr Nikolaevitch, baron (1878 – 1928). Issu d’une famille noble d’origine suédoise, il étudie le génie minier, puis s’engage dans le service militaire, participe à la guerre russo-japonaise et, plus tard, pendant la Première Guerre mondiale, se distingue en Prusse orientale et en Galice. Après la révolution d’octobre, il refusa de rejoindre l’hetman ukrainien Skoropadsky, qui était soutenu par les Allemands, et a rejoint l’armée des volontaires en 1918. Il succède à Dénikine en avril 1920, lorsque ce dernier se retire en Crimée et laisse le commandement de l’Armée blanche. Il profita de la guerre avec la Pologne pour regrouper ses forces et, de ce fait, lance une offensive en Ukraine, et forme un gouvernement reconnu par la France. À l’automne de la même année, pressé par l’Armée rouge (après un armistice avec la Pologne), il se retire en Crimée et, en novembre 1920, organise l’évacuation vers Constantinople de 140 000 militaires et civils. Après s’être installé avec son quartier général et quelques troupes d’abord en Turquie puis en Yougoslavie, il renonce à la poursuite de la guerre armée dès 1925 et s’installe en Belgique où il meurt en 1928 (source Chronos http://www.hrono.ru/biograf/vrangel.html).
  • 12
    Note PL : comme l’écrit Ivan Rosoff par la suite, il fut élu par un groupe d’officiers supérieurs sous la présidence du général Dragomirov.
  • 13
    Slachtchev Yakov Aleksandrovich (29.12.1885-10.01.1929). Colonel (11.1916). Général de division (04.1919). Général de corps d’armée (04.1920). Diplômé de l’école secondaire de Saint-Pétersbourg (1903), de l’école militaire de Pavlovsk (1905) et de l’Académie d’état-major de Nikolaïev (1911). A participé à la Première Guerre mondiale : commandant d’une compagnie et d’un bataillon du régiment Finliandski de la garde (01.1915 – 07.1917). Commandant du régiment de Moscou de la garde (14.07-01.12.1917). Pendant la guerre, il a reçu 5 blessures. Pendant le Mouvement blanc : il a formé les unités de l’Armée des volontaires sous la direction du général Alexeev dans la région de Mineralnye Vody (01-05.1918). Officier dans un détachement (environ 5000) du colonel Shkuro (05-07.1918). Commandant de la 1ère brigade d’infanterie Plastunskaya de Kouban et chef d’état-major de la 2ème division cosaque de Kouban du général Ulagai (07.1918- 04.1919). Commandant de la 5e division d’infanterie, 04-08.1919. Commandant de la 4e Division d’infanterie (13e et 34e Brigades combinées) (08-11.1919). Commandant du 3ème Corps d’armée (13ème et 34ème brigades combinées déployées en divisions) (12.1919-02.1920). A pris la défense de l’isthme de Perekop en Crimée le 27.12.1918, empêchant l’invasion de la Crimée par l’Armée rouge. Commandant du Corps de Crimée (02-04.1920). Commandant du 2e corps d’armée (anciennement corps de Crimée, renommé par le général Wrangel) (04-18.08.1920). Démis de ses fonctions par le général Wrangel et du commandement du corps, mis en réserve (18.08.1920). Évacué de Crimée (11.1920). En exil (11.1920-11.1921). Rentré en Russie soviétique le 21.11.1921. Conférencier aux cours Vystrel, (06.1922-01.1929). Assassiné par Kollenberg le 11.02.1929 dans sa chambre pendant les cours « Vystrel » à Lefortovo. En tant qu’héros de la défense de la Crimée, il a reçu le 18.08.1920 le droit d’être appelé « Slaschev-Krymsky » par ordre du général Wrangel. (source Chronos http://www.hrono.ru/biograf/bio_s/slashev.html)
  • 14
    Denikine, Anton Ivanovitch, né le 4 (16) décembre 1872, près de Varsovie. Il est diplômé de l’école militaire de Kiev (1892), puis de l’Académie de l’état-major général (1899). Il a participé à la guerre russo-japonaise. Pendant la première guerre mondiale, il a commandé une division de l’armée du Sud. A partir de 1916, il est lieutenant-général. A participé à la « révolte » de Kornilov contre le gouvernement provisoire. Arrêté, il s’est échappé de prison (décembre 1917). Il se rendit sur le Don, où il devint l’un des organisateurs de l’Armée blanche. Après la mort du général L. Kornilov, il fut le commandant de l’Armée des volontaires. Il reconnait l’amiral A.V. Kolchak comme chef suprême. Il est vaincu dans les batailles contre l’Armée rouge et part pour Constantinople (1920), puis il s’installe à Paris. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a rejeté toutes les tentatives des hitlériens d’établir un contact avec lui en tant que leader possible autour duquel les forces antisoviétiques auraient put s’unir. Jusqu’à la fin de ses jours, il est resté un patriote de la Russie. Après la guerre, il s’est installé aux États-Unis. Auteur de mémoires en 5 volumes. Il est mort le 8 août 1947, à Ann Arbor, Michigan, États-Unis.
  • 15
    Note PL : Sous la pression de l’Armée rouge environ 23 000 personnes qui se trouvaient à l’ouest du Dniepr, la plupart des militaires et de nombreux malades, placé sous le commandement du général Bredov, avaient reçu l’ordre de rejoindre Tulcea en Roumanie pour gagner par la suite la Crimée. Les Roumains ne les laissèrent pas passer et les accueillirent à coups de mitrailleuses. Bredov et ses hommes se trouvèrent dans l’obligation de se diriger vers le nord où il rejoignirent les troupes Polonaises le 12 février 1920. Ils combattirent dans les rangs polonais puis ils furent interné par les Polonais dans des camps. Les conditions d’internement étaient épouvantables. Beaucoup moururent du typhus et seulement environ 7000 hommes rejoignirent La Crimée.
  • 16
    Note de la PL : « Mettre à profit toutes les terres aptes à la culture, quelle que soit la condition, pour la possession par le plus grand nombre possible de propriétaires qui travaillent effectivement sur ces terres. » « Tous les propriétaires fonciers à qui l’on accorde des terres doivent les recevoir en propriété, moyennant achat et en toute légalité. » « Établir pour la mise en œuvre de cette réforme sur le terrain des organes d’autonomie foncière et faire participer les paysans eux-mêmes à ces organes. »
  • 17
    Note PL : destinés aux officiers et aux grades subalternes pour des « exploits militaires exceptionnels dans la lutte contre les bolcheviques ».
  • 18
    Des « conditions de paix préliminaires » ont été signées à Riga le 12 octobre 1920 et les hostilités ont cessé le 18 octobre 1920.
  • 19
    Note PL : au 30 octobre le Gnevni connaïtra des dysfonctionnements et sera désarmé. Il sera remorqué à Constantinople le 14 novembre 1920 par le Golland avec 1015 refugiés. Il ne nécessitait, par conséquent qu’un équipage restreint. Il s’agit d’un contre-torpilleur du type Schastlivi. Longueur 98 m, largeur 9,38 m déplacement 1330 t, vitesse 30 nœuds, armement : 3 canons de 102 mm, 2 canons antiaériens de 47 mm, 4 mitrailleuses de 7,62, 5×2 tubes lance-torpilles de 450 mm, 10 grenades sous-marine, 2 projecteurs. Équipage : 10 officiers, 6 officiers-mariniers, 130 hommes d’équipage.
  • 20
    Note PL : nuage blanc dans le texte original

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